La rencontre
Installée dans son canapé en train regarder Netflix, Laura fut surprise par les coups frappés à la porte. Elle regarda la pendule. Vingt-trois heures. Méfiante, elle décida de vérifier par la fenêtre avant d’ouvrir. Malgré l’éclairage du lampadaire sur le trottoir d’en face, elle peina à distinguer la silhouette présente.
— Laura, c’est David… ouvre s'il-te-plaît !
— David ? Mais qu’est-ce que…
Elle se précipita vers la porte.
— Mais !
À peine avait-elle ouvert qu’il passa devant elle, un homme évanoui sur le dos, pour se diriger vers sa chambre.
— Mon Dieu ! Qu’est-ce qui s'est passé ?! s’exclama-t-elle en refermant derrière elle.
— Je ne peux pas appeler les pompiers ni l'emmener à l'hôpital, précisa-t-il, en prenant soin de l'allonger sur le côté afin qu'il ne s'étouffe pas. Je t’expliquerai tout plus tard. Ne t’inquiète pas, c’est superficiel. J’ai déjà fait le nécessaire. Tout ira bien. Tu me fais confiance ?
— Bien sûr, mais…
— Merci Laura. Il a quelques bleus, égratignures et une belle estafilade sous le bras. Il faut juste changer son pansement et le veiller jusqu’à son réveil. Par contre, je crois qu’il a de la fièvre. Tu peux gérer car je dois y aller ?
— Bah c’est pas comme si j’avais le choix on dirait !
— C’est pas comme si j’étais coutumier du fait, lui répondit-il avec un clin d’œil. Tu me tires une sacrée épine du pied, je t’adore.
Sur ces paroles, il referma la porte derrière lui. Elle n’en croyait pas ses yeux ni ses oreilles. Elle n’avait jamais vu David comme ça et pourtant ils étaient amis depuis plusieurs années maintenant. De collègues, ils avaient gardé contact lorsque ce dernier avait démissionné pour un autre travail. Maintenant, il déposait sur son lit un inconnu blessé, inconscient puis s’en allait aussi rapidement qu’il était arrivé, sans plus d’explications…
Après quelques instants d’hésitation, elle s’approcha de l’homme. Effectivement, il semblait avoir de la fièvre. Elle prit sa température : trente-neuf degrés et deux dixièmes. Il fallait la faire tomber. Elle alla chercher une bassine d’eau avec un gant et entreprit de déboutonner sa chemise pour le déshabiller, afin de le mettre en sous-vêtements dans ses draps, non sans quelques difficultés. Elle s’assit près de lui, passa délicatement le linge humide sur son visage en descendant vers le torse. Après s’être assurée que son pansement était propre, Laura demeura un instant à l’observer. Que lui était-il arrivé ? Quel lien avait-il avec David ? Il avait l’air d’avoir à peu près son âge.
Elle passa la nuit à s'en occuper et la fièvre diminua au petit matin. Vers huit heures trente, elle reçu un message de Davi qui arriva une heure plus tard.
— Je suis désolé de te mêler à ça, mais tu es la seule à qui je peux demander un tel service, dit-il d'un air partagé entre la supplication et le remerciement.
— Ça va, t’inquiète mais… j’aimerais que tu m’expliques un minimum… si tu le peux, bien sûr !
— C’est un peu compliqué… tout ce que je peux te dire, pour le moment, c’est que tu ne risques rien avec lui, la rassura-t-il. Il a été… au mauvais endroit au mauvais moment.
Il hésita un instant, puis devant les sourcils levés de son interlocutrice, ajouta :
— Il m’a appelé suite à une agression, j'ai fait ce que j'ai pu grâce à mes cours de secourisme et nous voilà...
— Mais pourquoi ici ? Pourquoi pas chez lui ? Tu l’as pas emmené à l’hosto ? Et la police ?
Le blessé gémit. Tous deux se précipitèrent auprès de lui puis reprirent leur conversation après s'être assurés que tout allait bien. La fièvre était tombée, il dormait paisiblement maintenant.
— J’ai besoin de toi encore un moment, Laura. Promis, je répondrai à toutes tes questions. Surtout, dès qu’il se réveille, tu m’appelles… je viendrai le plus vite possible, dit-il en se dirigeant vers la sortie.
— David ? Fais attention à toi : un blessé ça suffit !
— Promis ! Je te revaudrai ça, ma belle.
De nouveau seule, elle décida de prendre une douche. Elle n’avait plus l’habitude des nuits blanches si bien qu’elle y resta un moment. À peine avait-elle mis un pied sur le tapis de bain, qu’elle entendit du bruit provenant de sa chambre. En serviette, elle courut pour découvrir son patient éveillé qui essayait de se lever. Elle tenta de l'en empêcher mais arriva trop tard, se prenant les pieds dans le tapis. En basculant vers lui, ils tombèrent sur le lit ce qui dénoua la serviette. Ses seins mis à nus effleurèrent son torse avant qu'elle ne se redresse, confuse. La renouant maladroitement, Laura s'excusa pour le coup de tête involontaire. Sonné pendant quelques secondes, il la regarda sans la voir, puis ses yeux réagirent à sa présence, le regard encore un peu flou. Elle l'encouragea doucement à se remettre sous les couvertures, lui apporta un verre d’eau et l’aida à boire. Mal à l’aise avec sa serviette qui n’arrêtait pas de se défaire, elle précisa :
— Je m’appelle Laura. Je vais appeler David pour lui dire que vous êtes réveillé. Il me l’a demandé.
Après qu’il se soit rendormi, elle s’habilla et appela son ami comme convenu. Il arriva en début d’après-midi.
— Comment va-t-il ?
— Il dort toujours. La fièvre n’est pas revenue. J’ai inspecté la blessure, c’est bon. J'en ai profité pour changer le pansement.
— Merci Laura. Je vais le voir.
Il s’agenouilla près du lit et lui prit la main.
— Jack, ça va aller. Tu n’as plus à t’inquiéter. Ils ne te trouveront pas. Repose-toi.
Il se retourna en souriant :
— Laura va prendre soin de toi jusqu’à ce que tu sois rétabli. C’est une perle. Tu verras.
Jack remua légèrement et entrouvrit les yeux.
— David, souffla-t-il, merci…
Il dormit la journée et la nuit entière. Elle lui fit un brin de toilette et veilla à ce qu’il s’hydrate. Sa blessure commençait à cicatriser. Au matin du deuxième jour, alors qu’elle préparait son petit déjeuner…
— Bonjour Laura…
Surprise, elle lâcha l’orange qu’elle était sur le point de presser et se retourna lentement pour le découvrir, seulement vêtu de son pantalon, sur le pas de porte. Il la fixa à nouveau mais cette fois son regard semblait bien lucide. Il sourit. Elle resta un moment bouche bée avant de réagir.
— Jack ?! Bonjour… vous voulez manger quelque-chose ? Contente de voir que vous allez mieux, dit-elle un peu gênée par son regard et surtout par le fait qu’il soit torse nu.
Cet homme bouleversait sa petite tranquillité mais également ses hormones. C’était la première fois qu’elle se sentait attirée physiquement aussi vite. Cela n’avait jamais été dans ses habitudes de coucher avec un type à peine rencontré. Et là… Elle imaginait sans peine ses mains glisser sur ce torse glabre, sculpté par des exercices sans doute réguliers, remonter dans cette chevelure d’ébène épaisse, brillante, soyeuse. Ses yeux, mon Dieu, ses yeux !
— Merci j’ai une faim de loup… je prendrai la même chose que vous.
Il se rapprocha, essayant de marcher le plus naturellement possible, sans la lâcher du regard. Vêtue simplement d’un legging et d’un tee-shirt moins près du corps mais au décolleté en v, elle était auréolée de lumière grâce à la fenêtre située derrière elle, accentuée par les couleurs chaudes de la pièce. Il lui avait semblé qu’un ange lui avait parlé dans sa confusion et ce matin, dans cette cuisine équipée au design classique, il apparaissait devant lui.
— Attendez, je vais vous aider. Laissez-moi faire.
— Vous êtes convalescent. Asseyez-vous, dit-elle en lui désignant la chaise la plus proche.
— J'insiste. C'est le moins que je puisse faire. je suis désolé pour tout ce dérangement. Vous n’avez pas dû beaucoup dormir.
— Oh ce n’est pas grave… vous voulez du café ou autre chose en plus du jus ?
— Non ça ira, merci...
Ils gardèrent le silence un moment assis l'un en face de l'autre. Jack se demanda qui était cette femme qui acceptait d’accueillir un inconnu blessé chez elle et de s’en occuper. Quel était son lien avec David ? Le peu qu’il avait pu percevoir de leurs échanges semblait amical. David n’avait pas de sœur. Une cousine peut être ? Une amie ? Mais pour accepter ça, leur lien d’amitié devait être fort. Gênée par son regard persistant, Laura se concentra sur ses tartines. Elle avisa son téléphone posé sur la table et le saisit pour envoyer un texto à David, lorsque celui-ci entra.
— Jack ! Content de te voir rétabli !
Jack se leva pour serrer David dans ses bras.
— Mon ami. Merci.
— C’est rien mon pote, remercie Laura. Elle a fait une bonne partie du boulot… désolé, je suis entré. J’ai frappé mais tu m’as pas entendu.
— Non non c’est rien, t’as bien fait. Contente de te voir. Tu as petit déjeuner ?
— Oui oui, notre blessé va mieux alors on va te laisser tranquille. Faut que tu te reposes un peu. Tu bosses tout à l’heure, je crois ?
— Oui. Bon, je vous laisse. Faites comme chez vous. Je vais prendre une bonne douche et aller dormir un peu… Jack … ravie de vous avoir rencontré. David, à bientôt ?
Ils partirent pendant qu’elle était dans la salle de bain. Elle souffla…
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