Chapitre 1 : Le premier pilier de la guérison
Se faire aider
L’accompagnement, une aide indispensable
Si, comme moi autrefois, vous pensez que vous pourrez faire l’économie d’un suivi psychologique et vous en sortir seul, je vais vous faire gagner du temps : non, vous n’y parviendrez pas. Ou alors, si vous y arrivez dans votre coin, permettez-moi de vous envoyer toute mon admiration, car cela relève, à mes yeux, d’un miracle.
Si j’ai mis 26 ans à me débarrasser de mes T.C.A., c’est avant tout car je n’ai pas été suivie par des professionnels tout au long de mon parcours et que j’ai vécu un certain nombre d’années sans aucune aide extérieure. Croyez-moi, cela ralenti considérablement le processus.
Lorsque j’ai commencé à développer les symptômes de la boulimie vomitive, quatre mois après mon tout premier régime, j’en ai parlé aussitôt à ma mère. Nous sommes alors en 1998. Même s’il existe des structures prenant en charge les personnes souffrant d’addiction, les places sont chères, qu’il s’agisse de prendre un rendez-vous avec un spécialiste ou d’obtenir une chambre pour un séjour à l’hôpital. Dans tous les cas, les délais sont longs. Ma mère m’a donc amenée chez mon médecin de famille, un homme à l’allure assez pédante qui ne m’a, bien évidemment, pas prise au sérieux. Certes, il a bien fait le lien entre mes crises de boulimie et mon passé tumultueux, étant donné qu’il connaissait mon histoire familiale (frère décédé dans un accident de voiture, père alcoolique, mère battue) mais, selon ses dires, il fallait seulement que je retrouve un équilibre alimentaire après mon régime. En effet, il a jugé ce dernier trop restrictif.
— Vous savez, il ne faut pas hésiter à apprendre à faire des sauces sympas, légères et pleines de goût qui vous permettront de rester mince tout en mangeant ce qui vous fait plaisir.
Pour lui, comme pour d’autres médecins, le problème des compulsions alimentaires semblait se résumer à notre mauvaise façon de manger, or, comme je l’ai déjà signalé, c’est à mon avis complètement faux. La rééducation alimentaire, s’il doit y en avoir une, n’est à mes yeux que la dernière étape du traitement des T.C.A. Rien ne s’améliorera si les causes profondes du mal-être qui ont poussé la personne à se servir de la bouffe comme d’un palliatif ne sont pas traitées en priorité.
Je n’en veux pas à ce docteur, bien que ses conseils m’aient, à l’époque, plus désespérée qu’autre chose. J’ai parfaitement conscience des limites d’un médecin généraliste, qui n’est évidemment pas formé à soigner les troubles psychologiques. C’est d’ailleurs lui qui m’a orientée vers un thérapeute, donc il a fait son job, qui se résume à déléguer les problèmes particuliers aux personnes compétentes. La seule chose que je pourrais lui reprocher à ce moment-là, c’est d’avoir minimiser mon mal-être et de le réduire à un souci d’image de soi et de poids. Cette vision courante demeure réductrice. Les patients qui viennent se confier sur un T.C.A. doivent être considérés comme de vrais patients, atteints potentiellement d’une vraie pathologie. Filer des conseils de cuisine light à la Weight Watchers n’est à mon sens pas le rôle d’un généraliste.
À toutes celles et ceux qui ont été accueillis de la sorte, je vous prie de croire à ma compassion la plus sincère. Et je vous rappelle que non, vous n’êtes ni fous, ni folles, ni en recherche d’attention, et que vous ne faîte ni cinéma, ni simagrées. J’entends votre douleur et votre appel à l’aide et je vais m’efforcer d’y répondre autant que je le puisse. Et pour cela, laissez-moi vous prodiguer un conseil basique, quitte à enfoncer des portes ouvertes : changer de médecin ou de thérapeute si celui-ci ne vous convient pas. C’est une plainte récurrente et je la comprends pour l’avoir vécue.
Un spécialiste, tout compétent qu’il puisse être, peut ne pas avoir la bonne attitude. Si l’on vous regarde de haut, ou de travers, que vous vous sentez dénigré, jugé, voire moqué, une seule chose : fuyez ! Vous n’êtes pas marié à ces professionnels et, de plus, en tant que « client » vous êtes en droit d’attendre de recevoir ce pour quoi vous payez. Je sais combien il est désespérant d’aller d’échec en échec et d’avoir le sentiment que personne ne puisse rien pour vous. Cela m’est arrivé. Néanmoins, malgré quelques « mauvaises rencontres », en cherchant bien, en suivant mon instinct, en y allant au feeling, j’ai eu la chance de croiser la route de belles personnes qui m’ont réconciliée avec le corps médical, et les soignants en général. Soyez obstiné, ne vous laissez pas abattre, réessayez. Je ne le répéterais jamais assez mais :
« Quand on cherche, on trouve »
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