Chapitre 2 : Le second pilier de la guérison
L'introspection
Si se faire aider est le premier pilier d’une guérison réussie, apprendre à vous connaître en sera le second. Et je ne veux pas minimiser la charge qui va vous incomber, car cela va représenter un sacré boulot. Mais, une fois encore, lorsque vous récolterez les fruits de votre travail et que vous en ressentirez les premiers effets positifs, la fierté et la satisfaction du devoir accompli seront au rendez-vous.
Pour savoir dans quelle direction vous dirigez, il faut d’abord savoir d’où vous venez et ce que votre discours intérieur dit de vous maintenant.
Qu’est-ce que le discours intérieur ?
Le discours intérieur est l’ensemble des pensées et croyances que l’on entretient à propos de nous-même, et qui se répète en boucle dans notre tête à longueur de journée. On estime que 95% de nos pensées d’aujourd’hui sont les mêmes que la veille. C’est en raison de ce côté redondant, de ce texte diffusé en continue dans notre esprit, évoluant en vase clos dans les arcades de notre cerveau, que l’on parle de schémas mentaux. Chaque mot et chaque phrase que l’on prononce à voix haute, ou qui s’égrènent dans le silence de notre cœur, reflètent fidèlement ce que l’on pense à propos de nous et de notre existence, que l’on en ait conscience ou non.
Notre discours intérieur représente les fondations de notre personnalité.
Il y a trois choses à comprendre à propos du discours intérieur.
La première est qu’il a tendance à influencer notre vision du monde. Il agit comme un filtre qui va colorer notre expérience, comme si nous regardions la vie à travers des lunettes déformantes. Si l’on déprime, autour de nous, tout va se teinter de gris, et on ne remarquera que les évènements douloureux, tragiques et tristes, posés là, devant nous, comme pour renforcer notre état d’esprit du moment. Si au contraire, on se sent d’humeur joyeuse, la vie alentour devient plus légère et agréable. Notre attention se focalisera plus facilement sur tout ce qui fonctionne, sur tout ce qui rend heureux, sur tout ce qui nous fait du bien.
Ce faisant, le discours intérieur transforme notre réalité, au risque parfois de nous tromper et de nous faire imaginer des choses très éloignées de la vérité. Je m’explique.
J’ai longtemps pensé que la gent masculine ne s’intéressait à moi que « pour mon cul », comme je le répétais souvent. Cette perception était née lorsqu’à un moment de ma vie, je changeais très régulièrement de partenaires. Ce qui est amusant, c’est que la principale personne à utiliser l’autre, c’était moi, mais ça, à ce moment-là, je ne voulais pas le reconnaître. Il était plus facile pour moi de cataloguer les mâles comme des queutards, qui me prenaient uniquement pour leur jouet. Je clamais donc à qui voulais l’entendre que les garçons ne me choisissaient que pour ça. Je le croyais si fermement que j’attendais presque le moment où, enfin, j’allais prendre le mec en flagrant délit et m’écrier : « Ah ! Tu vois, tu n’es avec moi que pour le sexe », avant de le virer manu militari.
Avec du recul et de la maturité, je me suis aperçue que je ne voyais à l’époque que ce que je voulais voir. Car en regardant la situation de plus près, j’ai constaté que parmi les garçons dont j’avais partagé la vie, nombres d’entre eux s’étaient montrés très respectueux envers moi. Cela avait notamment été le cas de mon ex-mari — le père de ma fille —, ou de Guillaume, un de mes anciens amants, aujourd’hui décédé, et que j’ai fréquenté lorsque j’avais 33 ans. Et je pourrais dire la même chose de mon tout premier amour, Nicolas, avec lequel j’ai vécu une jolie histoire l’année de mes dix-sept ans[1]. En analysant ces trois cas, je me suis rendu compte qu’aucun d’entre eux ne s’était jamais servi de mon corps. En réalité, sur l’ensemble de mes anciens partenaires, beaucoup ont affiché la même déférence à mon égard, mais eux non plus, je ne semblais pas vouloir les voir.
Ainsi, pendant des années, et ce malgré ces exemples concrets, de véritables contre-arguments qui invalidaient mes pensées, j’ai continué à répéter la même litanie : « les hommes ne s’intéressent à moi que pour mon cul. » Je l’ai tellement ancré en moi que j’en ai fait mon métier. Et en devenant masseuse érotique, l’un de mes objectifs était de tous les faire payer cet affront. Bien sûr, en persistant à parler ainsi, j’ai bel et bien attiré à moi des hommes qui n’en voulaient qu’à mes fesses, dans mon travail, assurément, mais aussi dans ma vie privée.
Car la deuxième chose qu’il faut comprendre avec le discours intérieur, c’est qu’il est créateur. Non seulement il influence l’environnement dans lequel nous évoluons, en nous renvoyant l’image que nous attendons de l’extérieur, mais il va également fabriquer de toutes pièces notre avenir. En effet, notre discours intérieur équivaut à un scénario du film de notre vie future. Tout ce à quoi nous pensons fortement, de manière récurrente, voire obsessionnelle, et tout ce que nous déclarons souvent, même sur le ton de la plaisanterie, possède de fortes chances de se manifester dans notre vie.
Prenons l’exemple de ma mère, après sa séparation d’avec mon père. J’ai souvent entendu cette dernière répéter que, je cite : « La vie était une tartine de merde et qu’on en mangeait une bouchée tous les jours ». Pessimiste de nature, son discours reflétait à la perfection ce qu’elle croyait d’elle et de ce qui l’entourait, et influençait à merveille son univers, toujours plus désastreux. Mais cela ne s’arrêtait pas là. Sans le savoir, ses complaintes continuelles, son état d’esprit négatif et ses inquiétudes perpétrées, étaient malheureusement en train de façonner son avenir (et le mien, par la même occasion !). Par la suite, les choses sont effectivement allées de mal en pis, puisqu’elle a connu de gros problèmes d’argent, que son fils est décédé à l’âge de 19 ans et que notre relation s’est énormément détériorée, au point que j’ai dû quitter la maison précipitamment, à ma majorité.
Célibataire endurcie, ma mère a cumulé les revers tout au long de sa vie, dans le cadre privé comme dans le cadre professionnel. Et plus elle vivait d’évènements douloureux, plus elle s’en plaignait, et plus elle en attirait à elle de nouveau. Un cercle vicieux. Harcèlement au travail, burn out, dépression, fibromyalgie... La liste de ses malheurs était longue, on pouvait presque la penser infinie. J’avais parfois le sentiment qu’elle ne faisait que subir des épreuves et endurer l’existence.
Quand elle mettait cela sur le compte de la malchance, adulte, je lui ai rétorqué que non, ce n’était pas que la faute d’une mauvaise destinée qui, selon ses dires, n’aurait fait que s’acharner sur elle. Je lui ai expliqué les principes de la physique quantique, selon laquelle notre esprit possède un fort pouvoir de création, et comment, à l’aide de ses mots et de ses attitudes toxiques, elle avait engendré cette situation désastreuse. Elle l’avait certes fait par défaut, sans réelle intention, sans en avoir la moindre conscience, mais le résultat demeurait le même. On sait désormais que nos peurs comme nos souhaits sont éminemment créateurs. Que l’on passe notre temps à penser à ce que l’on redoute ou à ce que l’on désire, dans les deux cas, il y a un risque, ou de fortes chances, de les voir advenir.
Pour ma part, quand j’ai mesuré l’énorme pouvoir que détenaient mes pensées et mes paroles et leur impact sur la création de ma réalité, j’ai effectué un virage à 180 degrés. Je ne voulais plus être une victime, comme ma maman, mais une femme puissante qui allait inventer et matérialiser son futur, y compris dans sa vie sentimentale. J’ai compris que le problème ne venait pas des hommes, mais de moi. Dès que j’ai réalisé mon erreur, j’ai suivi l’un des meilleurs conseils de Gandhi, qui nous disait :
«Si tu veux changer le monde, commence par toi-même »[2]
À partir de ce jour, j’ai décidé de tout faire pour transformer mon dialogue intérieur. Plutôt que d’espérer voir les hommes changer à mon encontre, je me suis efforcée de modifier ma propre façon de parler à leur sujet. J’ai cessé de dire qu’ils m’utilisaient et j’ai reconnu qu’ils me traitaient aussi bien que je le leur permettais. J’ai compris que devais réapprendre à me respecter moi-même, avant de le leur demander. J’ai arrêté de m’offrir au premier venu et lorsque j’ai changé de métier, j’ai mis le sexe au second plan pour permettre à un homme de me prouver sa valeur, et la mienne, par la même occasion. J’ai inversé ma tendance à stigmatiser les mâles, pour enfin leur laisser une chance.
Grâce à cela, les choses se sont évidemment arrangées et, aujourd’hui, je suis en couple avec un homme extrêmement respectueux, qui aime tout ce que je représente, qu’il s’agisse de mon cœur, de mon corps ou de mon esprit, et pas seulement une seule et unique partie de moi. En ne cultivant plus cette idée que les hommes ne s’intéressaient à moi que pour mon cul, j’ai cessé de le vivre dans ma réalité.
La troisième chose essentielle à comprendre à propos du discours intérieur est qu’il est à l’origine de vos émotions. Avant la joie, la tristesse ou la colère, il y a une pensée. Cette pensée déclenche en vous des sensations physiques comme des palpitations, le cœur qui s’emballe ou le ventre noué. Lorsque ces manifestations corporelles sont désagréables, vous avez envie de les fuir, de vous en séparer. Comme cela est impossible, plutôt que de les laisser vous traverser, de les ressentir pleinement, vous allez trouver des solutions alternatives, dont l’addiction est une de vos principales réponses. Ce discours intérieur a donc la fâcheuse manie d’être à l’origine de vos crises. Voilà pourquoi il est si important de vous y intéresser.
En définitive, ce qu’il faut intégrer aujourd’hui, si votre objectif est un sevrage de la boulimie, c’est que vous détenez les clefs de votre propre prison. Une prison que vous avez créée par défaut, sans en avoir conscience, et qu’il ne tient qu’à vous de quitter. Votre atout ? Par le biais de vos pensées, vous possédez une capacité infinie à changer les choses, à inverser le cours de votre histoire intime. Comme je l’ai fait avant vous, vous allez pouvoir creuser dans les profondeurs de votre intérieur, découvrir puis transformer tout ce qui vous freine, vous bloque, et vous empêche de vous en sortir. Ce travail vous incombe, il vous appartient. Guérir est de votre responsabilité. Personne ne pourra le faire à votre place. Et si cette idée vous pèse, sachez que moi aussi, cela m’a coûté. Cependant, parce que je voulais y arriver, j’ai pris le taureau par les cornes et je m’y suis attelée. Et je vais vous montrer comment.
Me remettre en question a été la meilleure décision de ma vie. Je ne la regretterai jamais.
Prenez votre destin en main. Saisissez cette opportunité.
Je suis de tout cœur avec vous pour vous aider à relever ce défi.
[1] Toutes ces histoires sentimentales, et bien d’autres encore, ont été évoquées dans mon premier ouvrage « Happy endings ». Je ne vais donc pas revenir dessus ici.
[2] La citation d’origine est : « Be the change you want to see in the world ». Traduction : « Sois le changement que tu veux voir en ce monde ».
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