IV. Le grand départ
Au loin et tout autour susurrait le vent. En douces rafales il traversait les cieux, et poussait les blancs nuages à travers le bleu profond. Monotone, il s’affaissait sur le sol et l’herbe se courbait en vagues replètes, bruissant en un délicat murmure. La princesse se tenait droite, ses souliers à la main; ses pieds fendant les flots verdoyants, ses orteils remuant la terre meuble, et son regard au loin porté sur les nuées immenses, qui poussaient sans faillir ni presser leurs volutes immaculées toujours plus loin, dans l’azur dévorant. Les yeux fermés, face au vent, immobile, la princesse réchauffait son visage irradié de la bonté du jour. Sa robe derrière claquait tel un oriflamme.
« – Tu n’ose pas y aller ? demanda le chat, apparu auprès d’elle.
La princesse sursauta.
– Non, répondit-elle, pas vraiment… J’ai peur.
– C’est normal, compatis le chat.
On entendait le vent chanter. C’était si beau. Si apaisant.
– Tu as fait tout le tour de ton royaume, dit le chat.
La princesse respirait doucement. C’était si bon, cette brise sur la peau.
– As-tu trouvé la réponse à ta question ?
– Pas encore….
Elle ne voulait pas quitter la douceur où elle baignait.
– Alors, déclara le chat, il faut franchir le pas.»
Les deux se turent. Ils regardaient le vent gonfler. Et l’herbe se secouer. Et les nuages glisser. Et le temps se suspendre.
La princesse ne voulait pas partir. Et pourtant…
Avec une grande inspiration, elle chaussa ses souliers, souleva ses bagages et partit droit devant, quittant son monde merveilleux pour rejoindre le nôtre.
La princesse marcha, marcha beaucoup. Elle traversa notre pays, et au fur et à mesure qu’elle s’enfonçait, le vert quittait les feuilles, l’herbe flétrissait, les fleurs tombaient malades et ternissaient. A chaque pas, la princesse sentait ses pieds s’alourdir, son souffle se raccourcir. Peu à peu le soleil se retira du ciel peint d’un gris terreux, qui, toujours aussi vaste, s’était fortement abaissé sur sa tête nue.
La princesse se fatiguait. Elle n’avait jamais connu cela. Dans son royaume, elle pouvait courir d’un bout à l’autre sans verser une goutte de sueur ! Mais dans cette terre inconnue, chaque pas demandait un effort. Cela déplaisait fortement à la princesse, qui jusqu’à présent n’avait eu aucune raison de croire que l’herbe pût être plus verte ailleurs; cependant elle devait s’aventurer plus loin si elle voulait sa réponse.
Il se mit à pleuvoir.
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