VIII. Bonne nuit les petits

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La princesse gigota sur sa chaise, très inconfortable.

En face d’elle se trouvait une table et de l’autre côté un sergent de police de très mauvaise humeur. La princesse lui sourit, mais il garda un air renfrogné en tripotant une feuille sur la table.

A sa gauche, debout, se tenait un gigantesque gorille - le ravisseur de la princesse. Peut-être est-il bon de préciser qu’il ne s’agissait pas d’un véritable gorille, mais simplement d’un agent de police à la taille considérable, si considérable à vrai dire que son crâne en comparaison paraissait astronomiquement petit.

Il tenait dans ses énormes paluches un petit carnet et y gribouillait avec application en tirant la langue.

« – Bon, soyons bref, dit le sergent. Il me tarde d’aller au lit.

La princesse fut rassurée, car elle partageait la même opinion.

– Commençons par relever votre identité. Nom ?

– Alice.

– Profession ?

– Princesse.

Le sergent nota soigneusement les réponses sur la feuille devant lui. Puis, pris d’un doute, il fronça les sourcils.

– Ça prend deux ou trois “s”, princesse ?

– D’ordinaire je n’en mets que deux, dit la princesse. Ça permet d’en économiser.

– Merci, lui sourit le sergent.

Il baissa la tête, ratura, et réécrit par-dessus.

– Donnez-moi votre main s’il-vous-plaît… demanda-t-il. Merci… Voilà.

Il prit la main de la princesse et pressa son index sur un tissu imbibé d’encre, puis il appuya fortement l’index sur une petite case de la feuille devant lui.

– Que faites-vous ? demanda la princesse, intriguée.

– Je prends votre empreinte digitale.

– Quoi ? Mais je ne vous autorise pas ! Rendez-la moi ! s’offusqua la princesse, qui ignorait ce qu’est une empreinte digitale.

– Hors de question, répondit le sergent. Il s’agit désormais d’une pièce à conviction.

– Mais elle est à moi ! J’en ai besoin !

– J’ai fini, chef ! les interrompit le gorille.

Et il leur montra fièrement le dessin qu’il avait fait dans son carnet.

– Qu’est-ce que c’est ? demanda la princesse.

– Ben ! C’est vous ! dit le gorille.

La princesse se pencha en avant et inspecta le dessin. On aurait dit une patate velue avec un nez. Les narines étaient toutefois très réalistes.

– Ça n'est pas très ressemblant, remarqua-t-elle.

– C’est vrai ça, dit le sergent. Recommence.

– Ah ! Parce que vous auriez fait mieux, vous ? se vexa le gorille.

– Oui, affirma la princesse.

Elle se saisit du carnet et du crayon et réalisa sous l'œil circonspect du sergent le portrait du gorille. Puis elle leur montra son œuvre.

– Ça alors ! s’exclama le gorille.

– C’est plus vrai que nature ! s’extasia le sergent.

– J’ai l’impression de me regarder dans la glace ! surenchérit le gorille.

– Merci, dit la princesse pudiquement.

Ravi, le sergent prit le carnet, arracha la page et la colla sur sa feuille à côté du nom d’Alice.

– Bien, à présent, mademoiselle, savez-vous pourquoi nous vous avons arrêtée ?

– Pas le moins du monde, monsieur le sergent, dit la princesse.

– Pour tapage nocturne ! Pourquoi diable hurlez-vous en plein milieu de la nuit ?

– C’est que, monsieur le sergent, je cherchais un endroit où dormir…

– Comment ! Vous n’avez pas d’endroit où dormir ?

– Non…

– Alors j’ajoute vagabondage à la liste des charges.

– Attendez ! s’écria la princesse. Je me suis trompée. J’ai bien un endroit où dormir…

– Je vous écoute, dit le sergent.

La princesse donna l’adresse exacte de l’auberge du Bon Augure.

– Brutus ! Rends-toi immédiatement sur place et recueille le témoignage des habitants, ordonna le sergent au gorille, bien qu’il sache pertinemment que ce dernier ne s’appelait pas Brutus.

Le gorille, qui savait tout aussi pertinemment qu’il ne s’appelait pas Brutus, se fendit tout de même d’un “oui, chef !” et quitta les lieux.

– Quant à vous, dit le sergent à Alice, je vous souhaite de dire la vérité.

Il se leva, passa les menottes à la princesse et la conduisit dans une geôle. Une fois arrivés, il lui retira les menottes et referma la porte à clef. Alice se frotta les poignets.

– Bonne nuit, dit le sergent.»

Il s’en alla en claquant des talons. La princesse demeura sans penser. Elle s’assit sur la couchette et observa la cellule. Celle-ci était si minimaliste qu’elle ne pouvait même pas en être triste. Elle se coucha sur le matelas, sentit ses os se presser sur la planche de la couchette, et ne dormit pas.

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