XIV. La faim

2 minutes de lecture

Le dodu dindon secoua trois fois sa tête, gloussa, et son gloussement fut repris en chœur par tous les dindons qui l’entouraient.

Il était enfermé dans une basse-cour que la lune éclairait à peine et faisait les cent pas en réfléchissant intensément. Il faisait peine à voir, notre pauvre dindon ! Il avait l’air épuisé, et était spolié de tout son apparat; seul lui restait son haut-de-forme. De temps à autre, il s’arrêtait, faisait gigoter ses caroncules, jetait un regard dédaigneux sur ses congénères, puis reprenait sa ronde, fortement tracassé.

Mais alors qu’il marchait ainsi en rond, une brève étincelle attira son regard dans un coin de la basse-cour. Il s’en approcha, intrigué, mais réalisa soudain qu’il s’agissait d’une paire d’yeux ardents. Effrayé, il fit un pas en arrière, tandis que devant lui se découpait une silhouette décharnée; un être monstrueux, affamé, aux crocs baveux et aux griffes acérées s’avançait lentement et silencieusement vers lui.

Le dindon allait crier, quand tout à coup il reconnut l’animal qui se tenait devant lui.

– Le Chat ! Dieu soit loué, j’ai cru que j’avais affaire à quelque renard venu chercher son casse-croûte dans ce poulailler, et crois-moi, je voyais déjà bien ma dernière heure arrivée ! Ha ! Si tu savais comme je suis heureux de te voir. Depuis notre dernière rencontre, une foule de malheurs s’est abattue sur moi, tu ne me croiras jamais ! Déjà, je me suis fait capturer par deux garçons sur la route, qui ont trouvé mon costume bien comique, et m’ont dépouillé, mais m’ont malgré tout laissé mon chapeau car cela les faisait bien rire. Puis ils m’ont emporté en ville, et là ils m’ont vendu à un éleveur, qui m’a amené dans cette basse-cour puante au milieu de ces vulgaires dindons et m’a nourri depuis d’une bouillie infecte (j’ai bien cru me laisser mourir de faim !), et à présent, le froid approchant, je crois bien qu’il prévoit de tous nous couper la gorge. Ah ! Comme je suis heureux que tu sois venu me délivrer ! Je savais que tu ne m’oublierais pas. Allons, pas une minute à perdre ! Comment…

– J’ai faim… le coupa le chat.

Le dindon en perdit la parole. Puis il comprit son erreur, mais il était trop tard; le chat se jeta sur lui et le dévora.

Puis, alors que l’éleveur, alerté par le bruit, accourait dans la basse-cour, un fusil à la main, le Chat de Cheshire quitta cette histoire pour de bon.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Ama ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0