La douleur
L'éprouver. Toujours tenter de la rejeter alors que la seule manière de la chasser est de l'absorber, se laisser envahir par elle. Mais moi, je ne peux pas. Je ne peux pas parce que je dois sourire, affirmer que tout va bien, ne pas laisser paraître ce bouleversement dans ma vie. Quand j'arrive à m'octroyer quelques minutes d'isolement, mon corps tout entier se contracte, grelotte. Je deviens douleur. Chut...Il ne faut pas que les cris sortent, que ma peine s'entende, que les larmes m'étouffent. Je n'ai droit qu'à quelques minutes. Alors je sais que ce sera long. Que je la garderai tellement au fond de moi que je m'habituerai à vivre avec elle. Qu'elle mettra d'autant plus de temps à s'en aller.
Parfois, je me demande si ce ne serait plus simple, plus vivable de faire mal, ne serait-ce qu'un peu, pour me soulager de cette opression qui m'empêche de respirer. Je dois recommencer à vivre et je ne sais pas comment. Je ne sais pas pourquoi mon téléphone ne sonne plus, pourquoi je n'entends plus sa voix le matin en me réveillant. Pourquoi je ne peux plus partager mon quotidien avec cet homme dont je suis imprégnée. Que s'est-il passé? Je dois comprendre.
Souffre-t-il lui aussi? Je me persuade que non. Qu'il se sent soulagé.
La douleur m'étouffe. Qui pourrait comprendre? Qui pourrait m'aimer suffisamment pour ne pas juger, pour simplement me réconforter quelques instants, me dire, même si je ne veux pas y croire, que tout s'arrange toujours? Un tel être n'existe pas dans le monde que j'ai construit autour de moi. A force de m'isoler, de vouloir à tout prix ne pas imposer mon existence, ils m'ont oubliée. C'est bien normal. Que me reste-t-il? Un phare dans la nuit.
Il ne m'abandonnera pas. Alors je dois rester telle qu'il me connaît, lui. Forte, loyale, détachée. Tout doit rester en moi. Cette douleur va m'accompagner encore longtemps. Elle ne vaincra, je la dominerai quoiqu'il arrive.
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