Un passé moqueur

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 Mais ses pensées refusèrent de lui obéir. Elles revenaient encore et toujours en ce lieu qui l’avait vue grandir, en ce lieu qu’elle avait tant aimé et qui regorgeait de tendres souvenirs.


 Le premier Noël dont elle se rappelait était celui de ses 5 ans, il était féerique. Le sapin majestueux dans son costume au camaïeu bleuté, les éclats du lustre de cristal qui se reflétaient dans l’argenté des guirlandes, la flamme dansante des bougies qui s’échappait des chandeliers dorés… autant d’éléments magiques qui avaient émerveillés la petite fille qu’elle était alors. Elle se revit jouant dans la galerie des portraits. Combien de fois l’avait-elle parcourue en courant, s’arrêtant ici ou là pour tirer la langue à l’un de ses aïeux au regard si triste. Elle se remémora aussi les glissades qu’elle effectuait sur le parquet bien ciré du petit salon avec Anne-Charlotte et Paul-Henri. Un soir, ils avaient renversé une paire de vases Médicis en Opaline bleue. L’un des vases s’était brisé et, pour la première fois, Mamie Rose s’était mise en colère. Ces vases dataient du XVIIIe siècle et lui venaient de son grand oncle Edouard. Outre leur valeur marchande, ils avaient donc une grande valeur affective.

 Face à toutes ces images, Elise se sentit peu à peu envahie par une sorte de nostalgie. Après tout, sa famille avait beau être un ramassis d’aristos déchus et de cathos lourdingues, elle avait tout de même passé ici des jours heureux. Oui, leurs mœurs étaient désuètes et leurs idées réacs mais on ne pouvait gommer ainsi ses racines. Elle rouvrit les yeux, apaisée avec un regard neuf et bienveillant. Sans en avoir véritablement conscience, elle rendit hommage à tous ces témoins du passé.


 Mais déjà le tintement d’une clochette en laiton annonçait l’heure du repas. Elise ajusta quelques mèches de cheveux rebelles devant sa coiffeuse et s’empressa de descendre. Mamie Rose avait horreur d’attendre les retardataires. C’est donc d’un pas zélé qu’elle traversa la galerie des portraits où ses ancêtres avaient posé pour la postérité. Ici non plus rien n’avait changé, leur allure était toujours aussi fière et austère.


 Et pourtant … Elise fut stoppée dans sa course. Son arrière-grande-tante Adélaïde venait de lui faire un clin d’œil ! Bien sûr que cela était impossible elle en aurait pourtant juré … Elle revint sur ses pas. Adélaïde la fixait, droit dans les yeux d’un regard impassible mais sur ses jolies lèvres couleur carmin se dessinait l’ombre d’un sourire...

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