7. Geilweis

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Il était immense. Il mesurait plus de deux mètres et un poids que Stéphane estima à cent-trente kilos... au moins.

Sa carrure semblait taillée dans la roche. Sa barbe dense et bien entretenue ajoutait à son air rustique mais bienveillant, tandis que ses cheveux sombres étaient attachés en une solide queue de cheval. A chaque coup de sa hache, un craquement retentissait, suivi du bruit sourd des bûches qui tombait dans la neige.

En les voyant approcher, Geilweis posa son outil sur un billot. ll essuya ses mains sur son pantalon de cuir. Le sourire chaleureux qui illuminait son visage, adoucit immédiatement son allure impressionnante.

— Liawen ! Sa voix grave et joyeuse résonna comme un écho dans la clairière.

— Geilweis, répondit-elle en souriant légèrement. Voici l'homme dont je t'ai parlé. Stéphane.

Geilweis haussa un sourcil tout en tendant une main massive vers Stéphane.

— Bienvenue, étranger.

Stéphane serra la main que lui tendait le bucheron. Il sentit immédiatement la force brute de cet homme mais également la douceur que reflétait son regard. Un mélange particulier qui le mit un peu plus à l’aise.

— Merci, répondit-il, un peu intimidé.

Geilweis se tourna vers Liawen. Son visage se durcit. Il fixa sa sœur, puis Stéphane, longuement, comme s’il cherchait à voir au-delà des apparences.

— Comment es-tu arrivé ici ? lui demanda-t-il sans détour.

Stéphane, soutint son regard scrutateur. lI tenta de donner une explication :

— Je... je ne sais pas vraiment. Je... j’ai utilisé une pierre. Une porte est apparue, et...

Il hésita, il savait que son histoire était ridicule. Il en finit rapidement.

— ... je suis arrivé ici.

Geilweis resta silencieux un moment, puis hocha lentement la tête :

— Les portes... Ça faisait longtemps.

Stéphane devint plus attentif :

— Les portes... ? Tu sais ce que c’est ?

Geilweis posa une main lourde mais amicale sur l’épaule de Stéphane.

— Allez, entre. On va te trouver un coin pour te réchauffer et un peu de nourriture. Nous devons parler tous les deux.

Velkhan, qui s’était allongé près de l’entrée, observait la scène d’un œil avisé. Elle semblait évaluer Geilweis, elle aussi. Stéphane suivit l’homme dans la cabane. Il sentait bien que cette rencontre, simple en apparence, marquerait un tournant dans son voyage.

Ici, peut-être, trouverait-il enfin des réponses.

Ils s'assirent autour d’une grande table en bois massif. Le jeune homme sentit une chaleur bienvenue l’envahir grâce au feu qui crépitait dans l’âtre. L’atmosphère qui émanait du lieu était rassurante. Le géant lui servit une soupe fumante, tandis que Liawen, accoudée à la table, l'observait attentivement. Stéphane prit une grande inspiration avant de répéter son histoire :

— La maison où je suis... c’est une grande ferme, un peu délabrée. Elle est dans la vallée, en bas de chez Liawen.

Il fit une pause, regarda ses deux hôtes qui restaient silencieux. Ils attendaient qu’il poursuive. Ce qu'il fit :

— Je l’ai achetée il y a quelques mois. C’était censé être une sorte de... nouveau départ.

Il joua un instant avec sa cuillère, hésitant à aller plus loin.

— Mais dès le premier jour, j’ai senti que quelque chose n’allait pas.

Liawen échangea un regard rapide avec Geilweis. Aucun d’eux ne dit un mot. Stéphane sut qu’ils comprenaient peut-être plus qu’ils ne le laissaient paraître. Il continua son récit :

— J’ai commencé à entendre des bruits dans le grenier. Sa voix était devenue plus grave. Pas des craquements habituels, ni le vent. C’était... différent. Quelqu’un marchait là-haut, ou bougeait des choses.

Geilweis fronça légèrement les sourcils, alors que Liawen se redressait. Son regard se fit plus perçant. Stéphane continua :

— Une nuit, j’ai décidé de monter pour voir.

Il marqua une pause. Il sentit son cœur s’accélérait alors qu’il revivait ce moment :

- Il y avait quelqu’un.

Liawen se pencha en avant, ses yeux brillant d’une lueur inquiète.

— Quelqu’un ? Tu es sûr ?

— Oui, répondit Stéphane. Une petite fille. Elle était là, debout, près du conduit de cheminée. Au début, elle m'a parlé. Je ne pouvais pas voir son visage mais... Elle s'est tournée vers moi et m’a regardé. Ses yeux m'ont transpercé.

Geilweis croisa les bras, son visage fermé.

— Et tu as fait quoi ?

Stéphane secoua la tête, l’air troublé :

- Rien. Elle a désigné un bruit qui venait d'une malle puis elle a disparu. Elle s'est volatilisée.

Liawen et Geilweis retinrent leur souffle. Ce qu'avait raconté le jeune étranger flotta dans l’air, lourd et chargé de sens.

- J'ai ouvert le coffre. J'y ai trouvé cette pierre à l'intérieur.

Il la sortit de sa poche pour la poser sur la table. Elle était petite, lisse et d’un noir profond. Elle absorbait la lumière au lieu de la refléter. Il poursuivit pendant que Geilweis la saisissait pour l'observer minutieusement.

- Avant de disparaître, elle a dit une chose qui m'a frappé, poursuivit Stéphane.

- Laquelle ? s’enquit Liawen.

- Elle a dit de ne pas leur ouvrir la porte.

Geilweis se redressa brusquement. Son expression devint sombre :

— Tu es sûr de ce que tu as entendu ? demanda-t-il, sa voix grave.

Stéphane hocha la tête.

— Oui, et je n’ai aucune idée de ce que ça veut dire.

Liawen échangea un regard inquiet avec son frère. Le géant secoua lentement la tête. Il était visiblement ennuyé. Stéphane sentit un frisson lui parcourir le dos :

— Vous savez de qui elle parlait ?

Geilweis soupira. Il passa une main dans sa barbe :

— On raconte qu'un homme aurait ouvert une porte. Un être serait entré... Un être qui venait d'un autre monde.

Liawen ajouta, sa voix plus douce mais non moins inquiète :

— La légende de Mirok.

Oui, c'est ça.

Qui était ce mirok ? demanda Stéphane.

Un homme qui vivait dans cette ferme en bas de la vallée. Ta ferme Stéphane. Il vivait seul avec sa fille. Puis un jour, la petite a disparu. Mirok a raconté à tous une histoire de monstres. Ils auraient enlevé sa fille mais personne ne l'a crut. Il a vite été soupçonné de l'avoir tué. Il a pris la fuite avant d'être arrêté. On ne l'a plus jamais revu.

- Geilweis, comment était sa fille ?

- Cette histoire s'est déroulé il y a fort longtemps. Personne ne se souvient d'elle. Il se disait qu'elle était très belle mais elle avait eu un accident.

- Un accident ?

- Oui... La grande guerre n'a pas épargné Mirok. Sa femme a été tué. Sa fille amputée d'une jambe.

- Mon Dieu, murmura Stéphane.

- Qu'y a t-il, demanda Liawen.

- Dans le grenier, où est apparu cette petite fille, il y avait une malle qui contenait une croix, un miroir et... une béquille.

- Cet enfant t'a transmis un message. Elle attend quelque chose de toi, affirma Geilweis.

Stéphane sentit son estomac se nouer :

— Mais... pourquoi moi ? Je ne suis personne. Je ne comprends même pas ce que je fais ici.

Le bûcheron posa une main lourde mais rassurante sur son épaule.

— Ce n’est peut-être pas toi qu’elle cherchait, mais une aide. Il y a des lieux qui attirent ce genre de présences, comme ta maison. Ces frontières ne sont pas censées être franchies, Stéphane, mais si la fille de Mirok t'est apparue, ce n'est pas pour rien.

Un silence pesant s’installa, uniquement troublé par le crépitement du feu.

Le poids de leurs paroles s’abattit sur lui. Il n’était pas venu chercher un mystère, mais celui-ci semblait s’accrocher à lui, insidieux.

Liawen brisa le silence.

— Nous devons aller voir cette ferme.

Geilweis acquiesça, son visage redevenu grave.

— Oui, mais pas avant que nous soyons sûrs d’être prêts. Si Mirok est lié à cette maison, nous nous doutons bien de ce que nous allons affronter.

Stéphane le regarda la gorge sèche. Il ne comprenait pas tout, mais pour la première fois, il se réalisa que cette quête insensée le mènerait peut-être bien plus loin qu’il ne l’avait imaginé.

Mais... Il les dévisagea. Comment allons-nous y entrer. La porte à disparu lorsque je suis passé.

Comment as-tu utilisé cette pierre ? demanda Geilweis.

Je l'ai glissée à l'intérieur d'un... miroir. Ensuite, la porte s'est matérialisée.

Un miroir... Nous n'avons qu'à essayer, déclara Liawen. Elle s'était levée, décidée à avancer dans cette aventure. Plus de temps à perdre, allons-y !

Geilweis leur donna les dernières recommandations puis, en compagnie de Liawen et Velkhan, ils quittèrent Kaeryn peu avant le coucher du soleil.

La lumière dorée des dernières heures baignait la forêt d’un éclat surnaturel. Elle rendit le retour étrange et solennel. La jeune femme marchait en tête, son arc toujours prêt, précédée de la nylaris dont les mouvements fluides étaient aussi silencieux que l’ombre des arbres qui s’allongeait sur leur chemin.

Stéphane, un peu en retrait, sentait une appréhension monter à mesure qu’ils s’approchaient de la ferme.

La silhouette de la bâtisse apparut enfin, imposante et menaçante dans l’obscurité naissante. Stéphane ne la reconnut presque pas. Les murs de pierre semblaient plus sombres qu’à son arrivée, et les fenêtres vides lui donnaient l’impression d’être observé.

Liawen s’arrêta devant l’entrée principale. Elle scruta les environs. Velkhan s’avança. L'animal renifla l’air avec une vigilance accrue. Stéphane resta en arrière, les mains moites dans ses poches.

— Stéphane, dit-elle d’une voix calme mais ferme, donne-moi la pierre.

Elle prit en main le miroir qu'elle avait récupéré chez elle. Il leva les yeux vers elle. Les paroles de Père Gilles lui revinrent instantannément en mémoire :

"Les frontières entre les mondes sont plus ténues qu'on ne le croit. Un seul peut faire basculer l'autre. En voulant passer dans cet autre monde, vous pourriez faire entrer quelqu'un dans le nôtre"

— La pierre ? Liawen, tu sais...

Elle tourna légèrement la tête, son regard perçant le sien.

— Tu l’as utilisée pour ouvrir la porte, n’est-ce pas ?

Stéphane hésita, puis acquiesça lentement. Il hésita puis glissa une main tremblante dans la poche intérieure de son jean pour saisir la gemme :

— Je ne sais pas si...

— Stéphane, je suis du bon côté. Fais-moi confiance.

Leur regard se croisèrent un bref instant puis Stéphane tendit la pierre à Liawen.

La jeune femme la prit avec une étrange révérence. Elle l’observa un instant. Ses doigts fins en caressaient la surface. Puis, elle tint le miroir à bout de bras avant de lever les yeux vers lui. Son regard éteint empreint de gravité.

— Nous allons ouvrir un passage, une porte entre ici et ton monde.

Il sentit un frisson le parcourir.

Tu es prêt ?

Elle n'attendit pas sa réponse et recula légèrement. Elle positionna la pierre devant le miroir, et murmura quelque chose dans une langue que Stéphane ne comprit pas. Ses mots étaient doux mais empreints d’une puissance étrange. Chaque syllabe vibrait dans l’air qui les entourait.

La pierre réagit. Sa surface noire se mit à pulser légèrement avant d' émettre une lueur sombre, imperceptible. Elle pouvait capter l’attention de quiconque la regardait. Stéphane recula d’un pas. Il était incapable d'en détourner les yeux. Liawen, la pierre levée à hauteur de son visage, continuait son incantation.

Le vent autour d’eux s’intensifia. La forêt elle-même retenait son souffle. Velkhan, immobile, observait la scène, ses yeux ambrés fixés sur la pierre. Ses poils étaient hérissés, tous ses sens en alerte.

Un souffle profond aspira l’air. Un grondement sourd, à peine audible, monta lentement des profondeurs de la brume. Il résonna sur les murs de la ferme comme un écho venu d’un autre monde. Puis, à la place de la porte en bois, un vortex apparut.

Il naquit d’un point minuscule. Une simple étincelle suspendue dans le vide qui s’élargit brutalement, déployant des anneaux de lumière tourbillonnante. Ils pulsaient en rythme, comme le battement d’un cœur. Des filaments d’énergie argentée s’échappaient de son centre et ondulaient tels des voiles portés par un vent invisible.

Le vortex tournait avec une lente majesté. Pourtant, en son sein, le mouvement semblait infini. Il déstabilisait comme si l’on regardait une spirale sans fin menant au-delà du réel. Des éclats bleutés et dorés se mêlaient dans sa rotation et créaient un kaléidoscope mouvant d’une beauté hypnotique, totalement irréelle.

Autour de lui, l’air ondulait, chargé d’électricité. Des particules lumineuses flottaient dans l’atmosphère. Elles formaient des silhouettes indistinctes, des fragments d’architectures anciennes ou des paysages effacés. On aurait dit que le vortex projetait des bribes d’un autre monde, comme des souvenirs qui hésitaient à se laisser dévoiler.

Au centre, un vide lumineux. Une ouverture où l’espace se pliait sur lui-même. Elle appelait ceux qui osaient s’en approcher. Ce n’était pas une simple faille. C’était une invitation. Une promesse. A cet instant, Stéphane pensa que ça pouvait être un piège.

Liawen baissa la main. La lumière qui émanait de la pierre s’éteignit aussi soudainement qu’elle était apparue.

— Comment savais-tu l'utiliser ? demanda Stéphane.

Elle tendit la pierre à Stéphane :

Je ne le savais pas, j'ai juste prié.

Il la reprit avec précaution, la tenant comme si elle risquait de lui brûler les doigts. Liawen croisa les bras, son expression grave.

— Tu es prêt ?

Stéphane sentit un poids nouveau sur ses épaules. Il serra la pierre dans sa main, conscient que son acte impulsif avait peut-être déclenché quelque chose qu’il n’était pas prêt à affronter.

—Allez, viens, dit Liawen. Montre-moi cette maison et ce qui s’y cache. Nous devons comprendre pourquoi cette fillette est venue te voir.

Avec Velkhan sur ses talons, elle pénétra dans la ferme, laissant Stéphane seul quelques instants devant l’entrée. Il inspira profondément, puis la suivit, le cœur battant à tout rompre.

À l'intérieur, la ferme était plongée dans une pénombre oppressante, adoucie seulement par la lueur vacillante de la bougie que Liawen avait allumé et qu'elle tenait à la main. Les murs de pierre dégageaient une odeur d'humidité, mêlée à celle du bois ancien. Le vortex se ferma derrière eux et le silence du lieu sembla immédiatement les envelopper.

La maison elle-même les écoutait.

Sans un mot, il se dirigea vers l’interrupteur de la cuisine. D’un geste mécanique, il l’actionna.

La pièce s’illumina brutalement sous l’éclat blafard d’une ampoule suspendue au plafond. Liawen recula d’un pas. Elle plissa les yeux sous cette lumière crue qui brisait l’intimité feutrée de l’obscurité. Son visage se ferma. Une ombre de méfiance traversa son regard.

- C’est... de la lumière ? souffla-t-elle, troublée.

- De la lumière électrique, précisa Stéphane. Il tenta d’adoucir sa réaction par un sourire.

Liawen tourna lentement la tête. Elle détaillait chaque objet sous ce nouvel éclairage. Les meubles de bois massif, les étagères croulant sous des livres et des papiers, les appareils ménagers aux formes étranges... Son monde n’avait rien de tel. Tout ici lui semblait à la fois familier et profondément étranger.

Elle crut se trouver dans un reflet distordu de sa propre réalité.

Puis, elle s’approcha d’une vieille horloge murale, effleura du bout des doigts le cadran froid, pour se détourner, son attention captée par une pile de documents éparpillés sur la table.

Ensemble, ils montèrent au grenier. Il était sombre, saturé de poussière. L’air y était si épais qu’il pesait sur leurs épaules. Chaque pas faisait grincer les lames du parquet. Le bois lui-même protestait contre leur intrusion. Liawen balaya la pièce d’un regard attentif, tandis que Velkhan restait près de l’escalier, les oreilles dressées, son corps tendu d’une vigilance instinctive.

- C’est ici que tout a commencé, murmura Stéphane. Il rompit le silence feutré du lieu. Les bruits, les murmures... la fillette.

La jeune chasseuse s’accroupit près du conduit de cheminée. Elle passa lentement ses doigts sur le sol de bois. Son expression impassible masquait une concentration intense.

C’est là qu'elle est apparu, ajouta Stéphane, dans l'espoir de lui fournir un indice.

Elle ferma les yeux un instant, comme pour mieux ressentir ce que lui seul ne pouvait percevoir. Puis, elle releva légèrement la tête et demanda :

Tu la sens ?

Stéphane fronça les sourcils :

Quoi ?

Cette énergie. Une clé a été utilisée ici même.

Il inspira profondément, troublé, avant de s’accroupir près du conduit. Puis il se redressa et scruta le fond du grenier. Il se dirigea vers une vieille malle qu’il avait laissée là depuis sa découverte. Il s’agenouilla, tira dessus avec effort, soulevant un nuage de poussière qui dansa un instant dans la lumière tremblante de sa lampe.

C’est ici que j’ai trouvé la pierre,dit-il en soulevant doucement le couvercle. Il designa une autre malle au fond de la salle :

Et ici, les drôles d’objets.

Liawen s’approcha, attentive.

Où sont-ils, ces objets ?

Dans la cuisine.

Allons les voir, fit-elle. Elle prit la direction de la sortie.

La petite croix en bois et la béquille ancienne, se tenaient toujours sur le petit banc, dans le cantou.

C’est une béquille d’enfant, souffla Liawen en la prenant avec précaution.

Elle plissa les yeux en distinguant une inscription gravée sur le bois et lut à voix basse :

ᛏᚢᛁ ᛃ ᚢᛚᛆᚾᛆ

Elle s’interrompit. Son expression se ferma légèrement.

À toi, Eugénie.

Elle reposa lentement la béquille et s’empara de la croix. Elle l’examina sous tous les angles.

Regarde ça, murmura Stéphane en pointant du doigt une autre gravure.

Liawen approcha la croix de la lampe. Elle déchiffra l'inscription à voix haute :

2155 ᛃ ᚢ ᛁ ᛚ ᛚ ᛏ 7... C’est une date. Le 7 juillet 2155. Certainement celle d'un... décés !

Stéphane sentit un frisson lui parcourir l’échine.

Oui, mais l’année ne correspond pas. Nous sommes en 2025.

Liawen le fixa, incrédule.

Dans ton mode Stéphane... mais dans le mien, nous sommes en 2156.

Le monde sembla vaciller autour de lui. Son souffle se suspendit un instant. Puis il murmura, comme s’il réfléchissait à voix haute :

Cette porte n’ouvre pas seulement un lieu différent... mais aussi un autre temps.

Il releva lentement les yeux vers Liawen.

Je vais peut-être te surprendre, mais... comment appelez-vous votre planète ?

Elle haussa un sourcil, troublée par la question.

Aethéris, pourquoi ?

Stéphane blêmit. Son regard se perdit dans le vide tandis qu’il tentait d’assembler les pièces de ce puzzle insensé. Liawen, cependant, ne remarqua pas son trouble. Elle posa la croix et la béquille puis laissa son regard errer dans la cuisine, du plancher aux poutres. Tout semblait chargé de secrets.

Cette maison a une histoire, Stéphane. Ces objets en font partie.

Elle se tourna pour examiner le mur de la cheminée lorsqu'un grondement sourd s’éleva. Velkhan grogna doucement, ses muscles se tendirent davantage. Un son grave résonna dans la pièce. Elle grognait.

Liawen tourna immédiatement la tête vers l’animal, en alerte.

- Quoi ? souffla Stéphane. Son estomac se noua d’inquiétude.

Elle a senti quelque chose, murmura-t-elle en se tournant vers lui. Stéphane, y a-t-il autre chose que tu n’as pas encore montré ?

Stéphane hésita. Son instinct lui criait qu’ils touchaient à quelque chose de bien plus grand, de bien plus dangereux qu’il ne l’avait imaginé.

Dans la malle, il y avait un journal, avoua-t-il finalement.

Dans la pénombre de la pièce de vie, il s’arrêta devant un meuble ancien. Il ouvrit un tiroir grinçant et en sortit un carnet relié de cuir. Il le tendit à Liawen. La couverture était craquelée, marquée, usée par le temps et l’humidité.

- Voilà. C’est ce que j’ai trouvé. Je n’ai pas tout lu... certaines pages sont illisibles, et d’autres... disons qu’elles n’avaient aucun sens pour moi.

Liawen se redressa aussitôt.

Montre-moi ça.

Elle hésita un instant avant d’ouvrir le carnet. Les pages jaunies crépitèrent sous ses doigts. Elles révélèrent une écriture fine et irrégulière, tracée à l’encre noire. Certaines lignes étaient soulignées, d’autres raturées. Mais ce qui attira immédiatement son attention, ce furent les symboles gravés dans la marge.

Ces runes... murmura Liawen. Elles sont différentes, mais elles ne sont pas inconnues.

Elle effleura du bout des doigts les étranges caractères, puis leva les yeux vers Stéphane.

Tu peux les lire ? lui demanda-t-il, fébrile.

Elle hocha la tête :

Oui, je pense.

Sa lampe vacillante projetait des ombres tremblantes sur le papier. Elle inspira profondément et se concentra sur la première inscription

Écoute ça :

"Les ombres sont venues la nuit. Elles n’étaient pas de ce monde. Elles ont menti, elle ont pris ce qu’elles voulaient et ont laissé derrière elles son corps vide... une coquille. J'ai essayé de leur résister, mais elles étaient trop puissantes."

Stéphane restait silencieux. Il la laissant poursuivre. Elle tourna les pages, lisant à voix haute les fragments qu’elle parvenait à déchiffrer :

"Elle pleurait, si fort. Elle appelait mon nom. Ces monstres l’ont prise. Ces monstres l’ont tuée. Je n’ai plus de sang ni de larmes à verser. Il me reste la vengeance."

Liawen s’arrêta, sa gorge soudain nouée. Ces mots vibraient d’une douleur brute, d’une rage froide qui semblait transpercer le papier lui-même. Elle passa une main sur son visage, cherchant à calmer le frisson qui remontait le long de son dos.

  • Qui parle ? demanda Stéphane d’une voix mesurée.
  • Mirok. C'était le père d'Eugénie.

Il releva les yeux vers Liawen, l’horreur commençant à s’insinuer en lui.

  • Eugénie...? répéta-t-il à voix basse.

Liawen se redressa imperceptiblement.

  • Le nom sur la béquille.

Un silence lourd tomba entre eux. Stéphane fixa le journal d’un air grave avant de souffler :

  • Continue.

Les pages suivantes étaient plus sombres, griffonnées avec une fureur qui rendait certaines phrases difficiles à lire. Liawen déchiffra avec difficulté :

"Ils l’ont prise. Ils l’ont arrachée à moi. Eux. Les voleurs d’âmes. Les destructeurs de vies. Je trouverai leur nom. Je retrouverai leur sang. Et alors, ils comprendront."

Liawen ferma lentement le journal et le poussa vers Stéphane. Au bout de quelques secondes, il reprit :

  • Ces ombres ? Que sont-elles ?

Liawen hocha la tête, le visage grave.

  • Il est possible que...
  • Que...?
  • Les Taal. L'histoire de Mirok correspondrait à ce que l’on sait d’eux.

Velkhan grogna soudainement. Il se redressa d’un bond. Son regard fixé sur l’entrée du salon. Stéphane tourna la tête, son cœur battait à tout rompre.

  • Qu’est-ce qui se passe ? chuchota-t-il.
  • Eteins, vite ! souffla Liawen.

Il actionna l'interrupteur alors qu'une brise glaciale venait de traverser la pièce.

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