19-3 Baptème de l'eau
Derrière elle, le mur se reforma, laissant comme seul trace du passage secret le sigle de la rose frappé en son centre. Elle ne se rappelait pas avoir vu cette rose lors de ses pérégrinations précédentes dans le labyrinthe et se demanda quelle chance elle avait de recroiser ce symbole lors de ses prochaines visites.
Mais je ne suis pas encore morte et on peut encore gagner aujourd’hui !
Elle s'engagea dans le couloir de gauche et reprit sa course.
Le module de cartographie dessinait sa progression dans une partie du labyrinthe qu’elle découvrait pour la première fois.
Elle jeta un coup d’œil au tchat du groupe. Manhattan était mort, mais Highlander avait gagné la clé de l’air. Arjun et Contraste affrontaient en ce moment même le Phénix.
Le Phénix… pensa-t-elle. Pas de chance…
De la brume apparut. La brume était l’indice qui avait annoncé la zone de Terre lors de sa bataille contre les zombies. Pourtant ici, elle comprit rapidement que ce brouillard n’avait rien à voir avec le nuage de poussière entourant leur doubles décrépis. Le sol devint humide et des gouttes tombaient du plafond et suintaient des murs. Bientôt, le son des éclaboussures accompagna chacun de ses pas.
« De l’eau » comprit-elle.
Elle allait enfin découvrir le seul élément qui lui manquait à son palmarès. Elle devrait être forte car cette fois-ci, elle le découvrirait seule.
Elle tenta de se remémorer ce qu’Highlander lui avait dit sur cette zone. On y trouvait des pistes verglacées très dangereuses et un géant de glace très puissant semblable au golem de terre.
Le boss le plus dangereux est un monstre à sept têtes et…
Elle repéra alors les formes allongées collées aux murs et plafonds. Elle ralentit. C’était de petites créatures gluantes, immobiles, comme endormies. Elle n’en voyait qu’une dizaine devant elle, mais elle se doutait que plus elle avancerait, plus leur nombre grandirait.
« Les sangsues venimeuses » murmura-t-elle.
Faciles à déloger avec le lance-flamme de Contraste, mais un fléau pour une guerrière munie d’une simple épée. Les sangsues projetaient un poison très toxique sur leurs victimes, les affaiblissant ou -comme si ça ne suffisait pas – se jetaient sur elle et s’y agrippaient avec pour résultat une mort rapide par succion d’énergie. Un peu comme les papillons de la mort.
Le seul point positif est que personne ne l’attendait. Et personne ne serait là pour la voir se ridiculiser contre de vulgaires limaces rampantes. Mais ce danger était aussi une chance. Elle pouvait se prouver à elle-même que son combat féroce contre le Phénix n’était pas un accident de parcours. Elle sentait qu’elle avait muri. Xena était plus forte que jamais.
Vous ne m’aurez pas sans combat.
« C’est parti ! » cria-t-elle.
Xena bondit en avant et se mit à courir à travers le brouillard.
L’épée brandie à deux mains en protection de son visage, elle fendait la brume, l’ouïe troublée par les échos des claquements de ses bottes dans la fine pellicule d’eau couvrant le sol. Les sangsues étaient lentes, elle devait donc être rapide. Malgré son pas de course, elle constata que les murs se couvraient de plus en plus de grosses taches verdâtres et luisantes.
Elle serra les dents à la vue d’une sangsue tombant du plafond sur sa droite.
Le sol se noircissait de bestioles des marais. Fallait-il regarder tout droit, pour garder la vision la plus panoramique possible ? Focaliser son attention sur le plafond pour anticiper les chutes de sangsues ? Ou bien sur le sol pour éviter qu’elle ne marche dessus ou même qu’une saloperie ne s’agrippe à sa jambe ? Inconsciemment, elle ralentit sa course alors que deux, puis trois ombres churent de la voûte. Jusqu’à présent, elle n’avait pas été l’objet du moindre jet de poison. Les sangsues étaient nombreuses, certes, mais ne lui accordait pas une attention particulière, ce qui était surprenant si on se référait au comportement prédateur des papillons de nuit.
Ses bottes claquaient dans les flaques entre les taches sombres des suceurs de vie jonchant le sol. Les sangsues étaient partout à présent. Lorsque le brouillard se dissipa, dévoilant un nid opaque de bestioles tapissant murs, sols et plafonds sur plusieurs mètres, juste devant un mur d’eau grondant, s’engouffrant dans une crevasse coupant le passage, Sonia comprit qu’elle avait sa chance. La cascade était la porte de sortie, les sangsues ne passerait pas le seuil du torrent. Son épée siffla dans l’air quand l’ombre fila devant elle. Son coup fut vif, instinctif et maitrisé. L’animal fut projeté contre le mur.
Elle n’eut pas le temps de se féliciter que des jets de liquide giclèrent de toutes parts comme si ce coup porté à l’un d’entre eux avait sonné le tocsin de l’armée des monstres visqueux.
Xena fit un bond au milieu des projections de venin. À peine eut-elle mis pied à terre qu’elle reprit son impulsion et se projeta en avant, recroquevillée en boule, tandis que les langues gluantes tombaient en masse du plafond. Elle traversa la pluie de sangsues comme un boulet, transperça le mur d’eau de la cascade et déboula de l’autre côté de la crevasse en roulant par terre sur un sol sec et dépourvu d’animaux. Une fois debout, elle frappa son épée contre chaque partie de son corps pour s’assurer qu’aucun parasite n’était resté collé à elle.
Elle avait passé l’obstacle. Sa barre de vie avait été entamée d’un quart. Un prix somme toute raisonnable au vu des risques encourus et des moyens à sa disposition.
Elle jeta un coup d’œil aux discussions de groupe. Highlander indiquait qu’il était dans la zone de terre. Il n’y avait pas de nouvelles de Contraste et Arjun. Ils devaient être encore aux prises avec le terrible Phénix.
Elle serait donc seule pour affronter le gardien de l’eau. Elle avait encore pas mal de force avec les trois-quarts de sa barre de vie.
Sonia erra pendant quelques minutes entre des chemins sinueux entrecoupés de rivières. Cette partie de la zone n’était pas vraiment dangereuse, mais elle avait du mal à s’y orienter. Du coup, elle se demanda s’il ne convenait pas simplement de plonger dans l’eau et se laisser porter par le courant. Peut-être que c’était la rivière le vrai chemin. À tourner en rond, elle risquait même de se retrouver à nouveaux face aux sangsues.
Je perds un temps précieux et…
Elle comprit le vrai problème. Ses saloperies m’ont contaminée.
Sa jauge d’énergie avait baissé. À chaque minute qui s’écoulait, elle perdait un peu plus de points de vie. À ce rythme, elle serait morte sans combattre dans moins de dix minutes.
À mourir sans péril, on perd sans gloire. Ce n’était pas la bonne formule, mais la seule qui lui vint à l’esprit. Elle plongea dans l’eau et se laissa porter par le flot dans une cavité souterraine. Portée par le courant, elle restait concentrée, à l’affût d’une berge ou d’un ennemi. Elle croisa un passage et s’accrocha au bord un instant. Puis, ne voyant pas de raison de sortir, elle se laissa aller et repartit de plus belle dans les flots. Le courant accéléra. La rivière se changea en torrent. C’était un signe évident. Contrairement aux voies terrestres, la rivière la mènerait quelque part. Vers la sortie ou vers la mort.
Xena ballotée dans des tourbillons, Sonia fut prise de vertige, perdant la notion du haut et du bas comme un surfeur happé par la vague. Elle vit la vaste salle un court instant, lorsque la bouche du canal l’expulsa dans les airs, juste avant qu’elle n’atterrisse dans le bassin. Elle était désorientée à plusieurs mètres sous l’eau. Une lumière lui indiqua la direction de la surface. Elle vit aussi, au fond du bassin, une sorte de poignée affleurant d’une structure métallique arrondie au milieu des algues dansantes. Elle vit aussi, plus loin, une ombre mouvante oscillant comme un serpentin dans le vent. L’ombre se rapprochait et elle grandissait.
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