Retour aux sources.2
2. Retour au pays
Le vaisseau traversa le ciel.
Sa trajectoire se courba en direction de la forêt, et il disparut loin entre les arbres.
Un bruit étouffé accompagna sa chute dans l’horizon vert.
John Roughman ouvrit le sas.
Lorsque la porte glissa, il découvrit le paysage verdoyant de la jungle qu’il avait survolée.
— La Terre a eu le temps de bien changer en 7000 ans. Quel âne de m’être tant rapproché du trou noir de la voie lactée ! Un dixième de tour de trop, et tous ceux que je connaissais sont morts et enterrés depuis longtemps. Pourtant ici, j’ai l’impression d’être revenu au temps des singes.
Lors de son survol, il avait bien reconnu les océans, dont l’apparence lui avait paru inchangée.
Mais les terres, elles, étaient maintenant recouvertes d’un tissu végétal uniforme s’étendant des pôles à l’équateur, et il n’y distingua aucune ville, ni aucune ligne de communication, routes ou lignes ferroviaires.
Même le Sahara semblait avoir disparu, recouvert par cette même épaisse forêt.
Roughman posa le pied sur le sol couvert de mousse.
Autour de lui, apparaissaient des arbres de tous types (palmiers, marronniers, érables), densément plantés. Par quel prodige, avait-on réussi à faire cohabiter dans une même région, des arbres aux provenances si diverses ?
Derrière lui, l'arrivée brutale de son vaisseau avait créé un long couloir d'arbres abattus. Les rétrofusées et l'épais blindage avaient joué leur rôle, aplatissant en douceur les arbres et protégeant son habitacle.
Roughman se demanda ce qu’il allait devenir sur cette planète dont toute trace de vie humaine semblait avoir disparue et qui était, maintenant, recouverte par une végétation luxuriante.
Les humains avaient-ils fini par s’entretuer avant de devoir restituer tous leurs biens, si mal acquis, à la planète-mère ?
Il pensa que jamais il n’aurait dû accepter de partir pour cette mission d’exploration au cœur de la galaxie.
La prime était tentante, surtout pour un vieux baroudeur comme lui, à qui on avait proposé jusque-là que du travail moyennement honnête.
Il aurait dû refuser cette offre, car comme chacun sait l’honnêteté ne mène qu’à une vie morne et ordinaire.
Pourtant, s’il était resté sur terre, lui aussi serait mort depuis longtemps, avec tous ses semblables.
À qui allaient maintenant bien pouvoir servir toutes ces données scientifiques qu’il avait collectées durant son voyage vers le trou noir X1.
Aujourd’hui, il était sans doute le dernier survivant de son espèce et il allait terminer ses jours, tout seul, sur cette planète uniformément verte.
Roughman observait le fouillis des arbres qui l’entouraient en remuant toutes ces vieilles pensées dans sa tête, lorsqu’il entendit un craquement sourd venant des sous-bois jouxtant l’arrière du vaisseau.
Il dégaina son arme.
Le bruit se rapprochait et ressemblait à une marche lourde et chaloupée.
À une centaine de mètres, il aperçut la forme arrondie d’un animal volumineux de couleur brune.
Il vérifia la visée de son arme. L’animal approchait lentement vers lui.
Roughman le reconnut ; il s’agissait d’un tapir, un animal ventru et indolent, sans doute à la recherche d’une nourriture forestière. A son époque, ces animaux avaient presque disparu ; seuls survivaient quelques ultimes spécimens regroupés dans de rares réserves tropicales protégées.
L’animal ne semblait pas effrayé par Roughman et continuait à avancer pesamment dans sa direction.
À moins d’un mètre, l’animal le regarda passivement, puis poursuivit sa recherche de nourriture. C’est alors que Roughman actionna son arme, qui produisit un vif trait de lumière mauve, accompagné d’un sifflement aigu, qui traversa la jungle.
L’animal s’effondra alors brutalement sur le sol végétal ; il n’avait, sans doute, même pas eu le temps de se douter qu’on allait le tuer.
— J’avais besoin de nourriture fraîche, mon gros. Tu as bien fait de passer par là.
Roughman utilisa l’équipement mécanique de télé-manipulation dont il disposait dans son sac dorsal.
En écartant arbres et buissons avec ses pinces mécanisées, il dégagea une petite clairière sur laquelle il ne laissa que les matériaux nécessaires à la préparation d’un feu.
Il alluma ces débris végétaux avec son arme, et lorsque l’âtre devint puissant, il y déplaça l’animal mort entre ses pinces métalliques.
Depuis combien de temps n’avait-il pas goûté à ces nourritures naturelles ?
L’odeur de la chair animale qui se consumait lentement lui redonna un peu goût à la vie.
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