Chapitre 1

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Ce jour-là, je me rendis à la frontière avant même que le soleil ne se lève. Posé sur ma branche, je pouvais observer la beauté de ce moment. Le soleil qui se levait dans une lumière orangée semblait faire briller le sable du désert. Pendant une seconde, il semblait presque possible de voir l’ombre de la ville humaine la plus proche.

Peu de temps après que la nuit soit partie, j'entendis un bruit derrière moi. C’était mon amie d’enfance Kony qui approchait. Elle courait à quatre pattes à une vitesse incroyable. Elle a toujours été, contrairement à moi, très douée que ce soit pour la vitesse ou l’endurance.

Arrivée à mon niveau, elle sauta sur le tronc de l’arbre, grimpant à l’aide de ses griffes et s'assit à côté de moi sans un mot. Je restais muet. Même après l’avoir côtoyé toute ma vie, cette fille reste un mystère pour moi. Elle détestait venir ici, pourtant ses oreilles redressées montraient clairement qu’elle était heureuse de se trouver là. Je fini par briser le silence :

“- Il se passe quelque chose ?

- Oui, répondit-elle l’air ravi."

J'attendit plus d'explication mais rien ne vint.

"- Tu as l’intention de me dire ou tu comptes regarder le vide avec cette tête encore longtemps ?

- Oh c’est bon ! Tu te souviens que je voulais faire de la course en compétition ?

- Comment j’aurais pu oublier… je crois que la dernière fois que tu n’en as PAS parlé on devait avoir 6 ans.

Sans faire attention à ce que j’avais dit, elle reprit :

- J’ai été acceptée dans un club à la capitale !

- QUOI ?!? criais-je en basculant en arrière sous le coup de la surprise.”

Elle soupira. Je remontai sur la branche en prenant soin de ne pas croiser son regard. Je devrais être heureux pour elle, pourtant, la capitale est si loin. Je sentis une boule se former dans mon ventre

“- Tu peux venir avec-moi si tu veux, chuchota-t-elle mal à l’aise.

-Je crois que je ne veux pas partir… Pas maintenant.

Elle me sourit.

-Kriss, tu veux partir, tu as toujours voulu partir, mais pas à la capitale. C'est là-bas que tu veux aller, chez les Hommes.”

Je me mis à bafouiller, incapable de formuler une phrase. Bien sûr que je voulais partir, voir les humains, mais pas seul ! Pas sans elle ! Elle se leva, une bourrasque de vent ébouriffa ses cheveux.

“Je dirais à tes parents que tu es parti avec-moi si tu veux, ça risque de les effrayer s'ils te savent là-bas”

Je restai bouche bée. De nouveau incapable de dire quoi que ce soit. Je voulais tellement voyager, aurais-je seulement d'autre occasion ?

Kony changea de sujet et nous parlâmes une bonne heure avant de revenir en marchant au village.

Les maisons entièrement en bois sont réparties entre le sol et la cime des arbres. Des échelles et des ponts suspendus permettent de circuler d’un bâtiment à l’autre.

Il n'y avait pas grand monde, tous les chasseurs étaient partis travailler. Je préférais ne pas les croiser, je me sentais toujours mal a l'aise en leur présence.

Mon chemin separait de celui de mon amie, nous rentrons tous les deux chez nous préparer nos affaires.

Ma maison est l'une des plus hautes, elle est plutôt étroite mais clairement assez grande pour mes parents et moi. Je me rends dans ma chambre et prépare un sac. Me rappelant qu’il faut voyager léger, je n’aurais pas forcément un endroit où poser mes affaires chez les humains, je ne prends que des vêtements (à capuche, pour pouvoir cacher mes deux grandes oreilles blanches) et quelques vivres.

Il ne me reste plus qu’à mentir à mes parents. Je me rends dans le salon, une pièce ronde traversée par le tronc de l’arbre en son milieu. Ma mère s’y trouve, assise à une table, elle est en train d’écrire. Je m’assois timidement à côté d’elle. Respire un grand coup la détaillant. C'est long cheveux blanc ébouriffé tombaient en cascade sur ses fines épaules, quoi qu'il arrive elle m’avait toujours soutenue, je serrais les points pour cacher le tremblement de mes mains et me lance:

“Maman, tu vois, Kony va rejoindre un club d'athlétisme à la capitale, elle m’a proposé de l’accompagner et…” je me mis soudain à hésiter… était-ce réellement une bonne idée, le jour ou mes parents se rendront compte que j’ai menti, ils seront encore plus inquiets.

“j’ai refusé, mais je vais quand même partir, dans le monde des humains.”

Elle ne répondit rien, se contenta de me regarder dans les yeux, après de longues secondes de silence, elle sourit et laissa un “si tu as envie” s’échapper de ses lèvres. Je cru voir des larmes dans ses deux grands yeux jaunes, mais j’avais sûrement rêvé. Aussi loin que je me souvinsse jamais elle n’avait pleuré devant moi.

Elle me prit dans ses bras, je la serrai de toutes mes forces, j'étais sûr de vouloir partir mais rester paraissait tellement plus simple, et tellement moins égoïste. J’avais l’impression de tout abandonner sans réfléchir. Non, j’y avais réfléchi ! Pendant des années je n’avais rien fait d’autre qu’espérer rejoindre le monde des humains. Et de toute façon Je reviendrai. Je reviendrai forcément quoi qu’il se passe ensuite. Je reviendrai car c’est mon monde, le monde où j’ai grandi où se trouve ma famille et mes amis. Je me mis à le répéter, comme une promesse, me permettant d’oublier ma peur d’avancer vers l’inconnu.

Je relâchai doucement mon étreinte.

Le reste de la journée sembla passer à toute vitesse, je partis d'abord à la rencontre de mon père sur son lieu de travail, c'était un agriculteur un peu bourru. Il n'exprima presque rien à l’annonce de mon départ, il se contenta d’une accolade et d’un "bonne chance". Comme ma mère il ne montre pas beaucoup ses sentiments, mais comment faisaient-ils ? je dus me retenir de toute mes forces pour ne pas pleurer.

Puis je me rendis chez Kony. Elle avait aussi préparé son sac. J'avais envie de lui crier de venir avec moi, que je ne survivrai pas sans elle, que je n’ai jamais voulu faire ce voyage seul, mais je ne dis rien. Je la regardai juste, elle me regarda en retour sans un mot. Nous n’en avons sûrement pas besoin, dans ses yeux je vois la même détresse qui doit apparaître dans les miens.

Puis quand je sens les larmes monter, je la prends dans mes bras. Quoi que je puisse dire personne ne me manquera plus qu’elle, ses sarcasmes, sa passion pour la course, ses cheveux qui sentent les biscuit, tout ! Cette fois rien ne pourra empêcher mes larmes de couler.

Quand nous nous détachons, j'essuies mes joues en espérant qu’elle ne m'ait pas vu pleurer. Mais je devine à son petit rire attendri qu’elle a remarqué.

Je sortais de chez elle, je commençais à marcher, lançant un dernier regard à mon village, à mes parents, à Kony, avant de partir.

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