Chapitre 4
Nous marchâmes silencieusement, Akada s'apprêtait à s’engouffrer dans une petite ruelle, quand je m'arrêtais hésitant.
“- Ce n’est pas pour vous vexer…
- Tutoies-moi, me coupa-t-elle avec un sourire.
- Ce n’est pas pour TE vexer mais si les gars là-bas voulaient me vendre, je suis pas sûr de ce que tu vas me faire si je te suis dans des endroits déserts.
- Je comprends, je te propose un truc, je te paye à boire et j’ai l’aprèm pour te convaincre que je suis digne de confiance !”
J'accepte, mal à l’aise, j'étais coincé,mais je ne pouvais pas me permettre de la laisser me dénoncer. Elle me conduit dans une énorme auberge, bondée de monde. Impossible qu’elle tente quoi que ce soit ici.
Nous nous asseyons à une petite table, un serveur nous sert une boisson violette appelé Tadoit. J’en ai déjà vu en travaillant mais je n’avais jamais voulu goûter. C'était le seul alcool qui avait été entièrement crée sans aucun fruit. Akada saisit sa chope et commence à boire.
“- Bon, pour simplifier, c’est la merde.
- Encourageant…
- Dans chacune de nos villes il y un maire, il la dirige, on est sensé l’élire mais ça fait des siècles que c’est truqué et que celui avec le plus d’argent gagne. Tu bois pas ?”
Je regardais le liquide, des bulles éclataient à sa surface, armé de tout mon courage je goûtais, ça piquait énormément, mais je fis comme si de rien n'était et je continuais à écouter.
“- Il y a environ 5 ans, les maires se sont tous retrouvés dans notre capitale, et ont décidés de changer pas mal de choses.
- Mais… Je croyais que les hommes avaient des sortes de territoires et qu'ils se battaient entre eux ? Il devrait y avoir autant de capitales que de territoires non ?
- Plus vraiment. Nos territoires diminuant proportionnellement avec l'expansion des forêts, il y a un bout de temps que les frontières ont toutes été supprimées pour éviter des guerres. Et par cette réaction en chaîne il n’y a plus de pays aujourd’hui. Chaque ville est “indépendante” et en cas de problème c’est la capitale qui dirige.
- Je crois que je comprends… Qu’ont-ils décidé ?
- Que notre fonctionnement actuel allait nous perdre… Et ils ont lancé le projet B. Et c’est la que ça se gâte…
- Pourquoi ?
- Pour faire pousser des plantes, nous utilisons des bulles pour les protéger de la pollution. Au centre-ville une bulle géante a été construite, elle ne fait que s'agrandir, à l'intérieur tout est plus pur et moderne.
- C’est pas vraiment une mauvaise chose, si ? Je repris une gorgé de l’étrange boisson, captivé.
- Non… Le hic c’est que seule l’élite est acceptée dans la bulle et c’est comme ça partout. D’ici un ou deux ans, les trois quarts de la population humaine sera livrée à elle-même dans les déserts. Et je te laisse deviner où ils vont se réfugier.”
Elle reposa sa chope vide sur la table, l’air triste. Ne sachant pas quoi dire je continuais à boire en silence. Elle finit par reprendre la parole en même temps que son sourire.
“- Avec une bande de bras cassés on essaye de faire péter la bulle ou au moins de l’ouvrir aux plus démunis !
- Super mais… Pourquoi tu me racontes tout ca ?
- Oh mais réfléchis, rigola-t-elle, t’es un hybride, ton monde aussi risque d'être abîmé par ces petites bubulles. En plus tu m'as sauvé la vie avant que je sauve la tienne, ça serait sympa que tu viennes nous filer un coup de main !”
Je restai muet, d’un côté se joindre à leur groupe serait bien plus intéressant que d'être serveur dans un vieux bar, mais de l’autre, tout ça me terrifiait, je ne savais pas me défendre, et recroiser des gens comme ceux qui avaient bien failli me tuer ne me faisait pas vraiment envie. Je repensais soudainement aux deux personnes que j’avais vus a l’entrée de ce qui devait être la bulle : qu’étaient-t-ils ? Ma curiosité affrontait violemment ma peur quand Akada se leva.
“- Bon je vais devoir y aller je suis de corvée repas ce soir, tu viens ? Si bien sûr ça ne te fait pas trop peur...” Dit-elle avec un sourire malicieux sur le coin des lèvres.
“- Mais j’ai pas peur !”
Je venais de crier, quelques clients se retournèrent avant de reprendre leurs discussions. La rouquine rigola, paya au comptoir, puis quand elle sortit je lui emboîtais le pas. Elle semblait ravie. Et a raison, j'avais décidé de la suivre.
Les rues commençaient doucement à se vider. Je la suivit dans une, deux, trois ruelles, puis elle escalada sans aucune difficulté une énorme grille, après de longues et douloureuses minutes je réussi à me hisser jusqu’en haut et à m’écraser de l’autre côté.
Je me trouvais dans une sorte de cour entièrement pavée, de tous les côtés se dressaient des murs parsemés de quelques étroites fenêtres. À part passer au dessus de la grille il ne devait y avoir aucun moyen de trouver l’endroit, cette étrange cours était a l'abris de tout regard indiscret. Sur le côté, une jeune fille qui devait avoir dix-sept ans tout au plus, se tenait accroupie sur un muret abîmé. Elle avait de courts cheveux rouges vifs parsemés de nombreuses mèches noires. Sa peau matte faisait ressortir ses yeux verts en amandes. Elle tenait à la main ce qui ressemblait à une longue dague. En nous voyant elle fronça les sourcil, quelque chose d'effrayant se dégageait d'elle.
“- Non mais il fait nuit là ! T’es sérieuse ?? T’as fait quoi ? Et lui, dit-t-elle en pointant son arme dans ma direction, c’est qui ? Je te préviens je le fais pas rentrer !
- Calme toi, rit Akada, Kriss je te présente Akuma. Akuma je te présente Kriss, elle saisi ma capuche et la retira, un hybride !”
Akuma resta bouche bé, je remis ma capuche mal à l’aise avant de lui lancer un “enchanté” qu’elle ne renvoya pas.
“Allez, tu vas quand même pas le laisser dehors.” dit la rouquine ravie.
Son amie me lança un regard noir, qui me fit froid dans le dos, avant de planter son couteau entre deux briques du muret.
Le sol devant moi se mit à trembler, instinctivement je fit un saut en arrière, j’atterris sur mes quatre pattes et observai. Les pavés se déplaçaient en laissant échapper une épaisse fumée grise. Là où je me trouvais il y a quelque seconde se tenait maintenant un escalier s'enfonçant dans les entrailles de la terre.
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