Partie 3
Au manoir, XVIe siècle
Eugénie avait ouvert son livre de littérature à la page du poème Chant royal de l'arbre de vie, mais elle était ailleurs. Elle aimait beaucoup sa mère, mais devenir Duchesse elle ne le voulait pas. Elle savait à peine ce que ce mot signifiait. Elle le détestait, autant qu'elle détestait le poète Guillaume Dubois.
« Le maistre ouvrier en vraye agriculture
Planta jadis.... » tentait-elle de réciter en levant les yeux au ciel pour ne pas voir son manuel. Finalement, elle jeta violemment le livre à terre et se mit à hurler à s'en brûler les cordes vocales :
- Je le déteste ! Je hais Guillaume Dubois ! Guillaume Dubois je te hais ! Guillaume Dubois le Crétin ! Guillaume Crétin ! Crétin de Guillaume ! Crétin de Guillaume je te hais ! Crétin de Guillaume je te tuerais ! Guillaume Crétin, tu périras au fond du bois !
Elle avait hurlé. Si sa mère l'avait entendue ! Elle lui aurait fait copier le poème tout entier jusqu'au bout de la nuit ! Heureusement pour Eugénie, la bibliothèque se trouvait au sous-sol et à cette heure tout le monde dormait. Personne n'aurait put alors l'entendre.
Elle profita de cette solitude pour pleurer, pleurer. Elle se sentait incapable. Incapable de connaître ce poème comme le lui demandait la Duchesse : sur le bout des doigts. Incapable de devenir Duchesse à son tour. Incapable d'expliquer tout ça à sa mère, trop honteuse de ce qu'elle était.
Bientôt, la vue troublée par ses larmes, elle crut apercevoir la silhouette de Guillaume Dubois. Elle prit son livre de littérature et se rua sur le poète, voulant lui faire avaler ses vers et le rouer de coup. Mais elle tomba en avant, s'écrasant lourdement sur le sol. Guillaume Dubois n'était qu'une hallucination passagère témoin de la fatigue et de la détresse de la jeune demoiselle.
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