Dies Ursum 09 Sextème Léviathale
Elle
Dragonale 20:1-14 Sanglier nous dit :
« Ne flagellez pas ceux qui abandonnent, le parcours des uns n'est pas le chemin des autres. La bonté n'est pas toujours dans la main tendue, elle peut aussi se trouver dans celle qui étreint votre peine, le temps de vous relever. »
En pleine salle d'étude, j'étais penché sur un exercice pour le cours du Primordial Flinch. La couverture du livre devant moi persistait à garder son cuir original au lieu de prendre l'aspect duveteux que je lui voulais, tandis qu'Aurore réfléchissait, un livre de géologie sur les genoux, le regard pensif.
« Il y a certaines variétés de tourmaline qui peuvent être noires – me récita-t-elle, passant d'une page au coin écorné à une autre – l'obsidienne reste encore le choix le plus facile à trouver. Mais je pense qu'à moindre coût, tu peux aussi avoir du jais. Ce n'est pas une pierre à proprement parler, mais j'ai déjà vu des bijoux de représentations faits avec ce bois fossilisé. » La prévenance de mon amie me mettait du baume au cœur, depuis que je lui avais parlé de mon rendez-vous avec le Pape. Elle m'avait fourni beaucoup d'informations précieuses sur l'histoire de cette loi, les métaux à privilégier et maintenant les différentes pierreries conseillées pour Loup. C'était touchant de la voir aussi dévoué dans la recherche. Seulement, même si je tombais sur un caillou noir au détour d'un couloir, je n'aurais pas les moyens de le faire sertir, même sur un bout de ferrailles sorti des poubelles d'une forge. Mon désespoir à ce sujet fut évident quand je posais la tête sur le livre sur lequel j'étais sensé opérer une transmutation.
« Je sais que je me répète – avança Aurore, changeant de sujet de conversation – mais pourquoi tu ne viendrais pas en vacances avec moi ? Ça te ferait sûrement du bien de penser à autre chose et de t'éloigner un peu de tout ce qu'il y a ici. » Je ne me sentais pas prête à quitter le giron du Saint-Siège, la seule pensée de m'éloigner de cet endroit me retournait l'estomac.
« Je suis désolée Aurore, tu sais que je dois me concentrer sur ce problème, sinon, dans trois mois, je n'aurais plus aucune raison d'étudier les horribles cours du professeur Flinch. » Et tous les sacrifices que j'avais fait pour arriver jusqu'ici ne m'auraient servi à rien. C'était toutefois une piteuse excuse édulcore d'humour que je lui fournis. Dix jours avec elle n'aurait pas changé grand chose. J'allais simplement rester seule à me creuser les méninges sans faire avancer ma situation. Seulement, je trouvais ça préférable à être loin de lui.
« C'est juste que je n'aime pas que tu sois seule. - ajouta-t-elle soucieuse. - Même Angie s'en va. Je ne l'apprécie pas plus que ça, mais au moins quand tu es avec quelqu'un, ça t'évite de ressasser ou, euh, de t'imaginer des choses.» À entendre la pointe de suspicion dans sa voix, je me préparai à un nouveau discours moralisateur sur ce que j'éprouvais pour Mon Primordial. Sentiment dont elle ne connaissait que les prémices ; la lisière de son étendue.
D'ailleurs, personne ne le pouvait.
J'en avais abordé la surface avec Angie, le lendemain de mon entretien. Je n'avais cherché auprès d'elle qu'un peu plus de réconfort, en pensant qu'elle comprendrait mieux mes sentiments, elle qui avait quelqu'un après tout. Ça a été tout le contraire. Elle s'était montrée très virulente, catégorique sur le dégoût que cela lui procurait, elle avait appuyé le caractère malsain de cette situation en m'enjoignant à ne pas tomber dans la dépravation d'un tel penchant. Pour la loi, les Primordiaux étaient intouchables. Une représentation ? Oui. Un prêtre ? À la rigueur. Un Primordial ? Non. Surtout pas le notre.
Le sermon d'Aurore n'arrivait pas, je devais faire suffisamment grise mine pour qu'elle n'en rajoute pas. Au lieu de ça, elle enchaîna sur un sujet qui me faisait presque regretter le précédent.
« Ton anniversaire, c'est bien le sept Septème ? Avec Franck, on se disait qu'on pouvait peut-être t'offrir quelque chose, tu sais... »
« Je te vois venir – la coupais-je – il est hors de question que vous me fassiez la charité. Ce n'est pas à mes amis de m'offrir mon bijou de spiritualité. » J'en avais déjà parlé à Angie et j'étais catégorique là-dessus. Les traditions de Dragon pour cet événement m'étaient encore trop étrangères. À Manticore, les enfants ne recevaient pas de paquets pour fêter leur naissance. Au contraire, ils offraient une plante à leurs parents et, ensemble, ils allaient la planter à minuit comme offrande pour la vie créée par Manticore. Cette année, je planterai seule pour la première fois, c'était l'unique tradition que je tenais à garder.
« Ah non, je te rassure ! — ria-t-elle — je n'ai pas les moyens de te faire ce genre de cadeau, même si j'aimerais bien. Non, avec Franck, on imaginait t'organiser une petite soirée. J'en ai déjà touché un mot à Angie et » Mon regard excédé à ce moment voulait tout dire. Aurore aurait pu être raisonné, convaincu de ne rien organiser. Ça n'aurait pas été simple, mais avec un peu d'acharnement, se serait passé. Angie ? Bah. Une fête ? Autant prévenir tout le Saint-Siège directement.
« Elle a promis que ce ne serait qu'un petit truc, avec des gens que tu apprécies. Elle m'a même dit que ton cadeau était déjà prévu. Donc fait-toi une raison ! » J'aurais beau implorer Angie, c'était peine perdue.
« D'accord, – craquai-je, – mais je t'en supplie, essaie de la canaliser. Et pas d'alcool, surtout ! Tu sais bien que je n'ai pas la tête à ça. » Vain, c'était vain. Le sourire désabusée d'Aurore m'appris qu'elle n'avait déjà plus de prise réelle sur cet événement. Soupirant, j'abandonnai l'idée même de combattre. J'aurai ce que j'aurai, que je le veuille ou non, je ne pouvais rien y faire. À part ne pas y aller. Je ne fis pas part de cette idée à mon amie, elle s'en offusquerait plus qu'autre chose et, après tout, le plaisir de la voir heureuse prévalait largement sur ce désagrément.
La salle dans laquelle nous nous trouvions n'avait que très peu d'attrait, des tables d'études sommaires, des arches-nêtres d'une taille ridicule ouvertes pour donner un léger courant d'air, rien qui ne la différencie de ses nombreuses sœurs, à ceci près qu'elle était déserte en dehors de nous. Je me laissais donc aller, la tête toujours posée sur mon livre, je renonçais à l'idée de le couvrir de fourrure et me permis de rêvasser.
À la recherche de mon lien avec Loup, je trouvai cette corde sombre indestructible qui me liait à son pouvoir. Je la laissais me guider, palpitant entre mes doigts, vers cet endroit hors de l'espace qu'était mon esprit. Sa structure n'avait aucune forme réelle, pourtant, quand je ressentais le besoin de me retirer au plus profond, je me retrouvais souvent dans une grande clairière entourée de pins, embroussaillée et sauvage. L'être de fumée ne mit pas longtemps à arriver, silencieux. Il restait à l'orée des bois, ombre parmi les ombres, seul son regard posé constamment sur moi restait visible, bruissant de ce feu que je commençais à bien connaître. Je lui parlais beaucoup, comme à un ami imaginaire créé par Loup pour moi, quand le poids devenait trop lourd dans ma poitrine. Cela n'avait pas grand sens de se parler à soi-même, après tout, je n'allais pas trouver de réponse à mes problèmes en me retirant ainsi, mais il était libérateur de pouvoir laisser aller le cours de ses pensées sans restrictions à quelqu'un que je m'imaginais m'écouter.
À lui, je ne mentais pas, face à mes émotions, je ne pouvais qu'accepter ce que je ne disais pas tout haut.
Le simple contact d'une main fut la première sensation que j'évoquais ici. Ce n'était pas un rêve, je m'accrochai à ce si petit souvenir qui m'emplissait d'une douce allégresse. Je n'avais qu’à fermer les yeux et je la retrouvais. C'était si simple. Un sentiment vint fragiliser ce souvenir, une petite brisure, minime, s'étendait dans mon esprit, telle la fêlure d'un miroir. Le souvenir s'effaçait pour ne plus laisser qu'un filet de fumée oppressante s'en échappant, rampant sur sa surface. La clairière avait complètement disparu, me laissant à l'intérieur d'une brume grisâtre ; opaque derrière laquelle j'entendais une voix à l'intonation indiscernable dont le sens des mots m'échappait. Mon corps se rebellait contre un sentiment incontrôlable de perte, je voulais le comprendre ; le déchiffrer.
« Anna, tu dors ? — m'appela Aurore en me sortant de l'intérieur de ma tête. — On a court d'Art, tu as oublié ? » Est-ce que je m'étais endormie ? s'était tellement étrange. Aurore me regardait avec une pointe d'inquiétude, cependant je ne lui laissais pas paraître mon anxiété.
« L'exercice du Primordial Flinch a dû m’assommer plus que je ne le pensais, mais une petite somme, ça peut jamais faire de mal ! » Aussi entraînante que possible, je me soustrayais aux émotions négatives qui m'étreignaient quelques instants plus tôt, en suivant mon amie vers notre prochain. Deux étages plus loin, nous entrâmes dans la spacieuse salle des arts, l'ambiance calme ; la concentration de plusieurs représentations méditantes achevait d'apaiser mon anxiété précédente. La clarté venant des grandes arche-nêtres en bois, laissant pénétrer toute la lumière du soleil, illuminait les grands établis et les chevalets devant lesquels mes camarades s'affairaient déjà. Je m'imprégnais de l'odeur de térébenthine quand notre professeur remarqua notre présence, son tablier plein de peinture enfilé par-dessus son impressionnante musculature.
« Ah ! Les filles, vous êtes en retard ! - nous gourmanda la professeure Sabbatini – Ce n'est pas grave. Chacune un chevalet. Méditez, peignez. » L'attitude et les explications sommaires du professeur énervaient beaucoup Aurore. Elle m'avait déjà dit à plusieurs reprises ne pas aimer ce cours juste à cause de ça et attendait avec impatience l'année suivante pour ne plus devoir toucher un pinceau de sa vie.
Bien que je sois d'accord avec le caractère un peu spécial de la professeure, ce cours revêtait une importance particulière pour moi ; il était le seul complètement semblable à celui que j'avais à Manticore, et si je savais que mon arrivée à Dragon devait être prise comme une renaissance, parfois je laissais la mélancolie des souvenirs m'envahir. La peinture était un bon support pour étaler nos états d'âmes.
Postez derrière mon chevalet une grande toile de lin vierge tendue devant moi. Je me laissais aller sur mon tabouret, cherchant parmi les nombreuses toiles et autres fresques colorées sur les murs, l'inspiration pour mon propre travail. De fantastiques tableaux paraient les murs de scènes inspirées du Dragonale, d'autres plus macabres illustraient des batailles datant de la grande guerre sainte. Ce sont pourtant ceux illustrant des paysages qui m'attiraient irrémédiablement. Les forêts, l'hiver, la nuit, tout cela n'était pas tout à fait similaire partout, mais les neiges des hauteurs du territoire de Dragon ressemblaient assez à celle de Manticore pour que mon travail passe inaperçu. Penser à ce territoire me faisait souffrir, il me rappelait la douleur de ma marque, la tristesse d'une perte, et c'était là le moteur que je cherchais à ma toile.
Je me crevais le cœur, au souvenir du visage de ma mère, de l'indifférence de mon père, des regards de dégoût de ceux qui m'avaient escorté jusqu'aux limites du territoire. Les petits pots de terres cuites contenants les pigments dont j'avais besoin apparurent sur mon plan de travail, les premières teintes se formaient sur ma palette, appelées par la méditation douloureuse que je m'imposais. Mon souvenir s'étalait, les coups de pinceaux se floutèrent, me transportant dans cette nuit, celle où j'avais choisi de tout perdre au nom de la quête de ma foi.
Je m'étais retourné une seule fois, la première nuit qui a suivi mon marquage d'apostate. Nous étions sur le point d'entrer dans la forêt qui gardait l'immense vallée glacée, quand les moines guerriers chargés de m'escorter à la frontière s'étaient éloignés pour prier, une poignée de neige dans la main. Les contours de ma mémoire se mirent à fumer, altérant le moment passé, les traits de mon escorte se déformèrent en des rictus grotesques, transformant la tristesse ressentie dans mon souvenir en une colère froide. La vision n'était pas réelle, mais ces visages pleins de dégoûts et de haines auraient pu être les leurs. Ce n'était pas le cas. Mon souvenir s'ébrécha, de la même manière que celui suscité plus tôt dans mon esprit. Le loup de brume réapparut, glissant parmi les silhouettes, l'air d'y avoir toujours eu sa place. Je l'entendais gronder contre les ombres et les chasser de mon souvenir. J'aurais souhaité qu'il puisse me répondre, me faire comprendre mes visions.
« Je n'ai pas le droit de déroger à la voie. — me dit-il, répondant à ma question informulé de sa voix sépulcrale, assis dans la neige de mon souvenir. — Ne te brise pas, Essentia mea, souviens-toi, il t'aidera. » La voix faiblissait, laissant la place à cette même brume grise dans laquelle je ne trouvais aucun repère, sinon une sensation ; des mots. Je continuais à peindre, sans voir ce que je peignais. Tout était de brume, tout était flou. La voix m'échappait, mes oreilles réagissaient à l'inflexion familière et inconnue. Un à un, je voulais capter le sens des mots prononcés.
« Tu oublieras, mais [...] âme. [...] place à Dragon. Anna » Mon nom prononcé par cette voix sans consistance, sans timbre ni nuance, faisait frisonner mes doigts et frémir mon corps. Des rayons de lunes traversèrent la brume, guidant ma voie ; mon chemin.
« Qu'est-ce que c'est ? » me demanda Aurore, par-dessus mon épaule. La brume disparu de mes yeux à l'appel de mon amie, me dévoilant le tableau que je venais de peindre. Une pleine lune éclairait une vallée glacée, une sublime aurore de minuit luisait dans le ciel étoilé, émanation lumineuse et sacrée du pouvoir De Manticore durant tout l'hiver. Au fond de la toile, l'ombre floutée de la silhouette d'un château apparaissait sur un lac gelé, bordé de pins. Une fleur peinte en avant plan dardait ses dizaines de petites fleurs argentées, courbées en cloche vers l'extérieur du tableau. Une Ombrelle de minuit.
« Ce n'est rien du tout – dis-je monocorde – ça doit être une invention de mon âme d'artiste ». Personne ne devait le voir, c'était contre les principes mêmes de la marque d'apostasie. Sa brûlure aurait dû se déclencher, au moins jusqu'à ce que je détruise le tableau, mais rien ne venait. Aurore me tira du haut de mon tabouret pour me montrer sa propre peinture, une parfaite image d'une chouette hulotte en plein vol. Chacune des rémiges était illustrée avec le plus grand soin. Une vraie peinture anatomique.
« Tu as médité ? – me demanda Aurore au bout d'un moment – tu semblais si concentré quand je suis arrivée. »
« Non – mentis-je, assaillis par les remords de tout ce que je ne pouvais dire à mon amie – je suis trop préoccupé par mon problème de bijou. Et toi ? »
« Non plus – sourit-elle, – j'ai juste réfléchi à une jolie illustration d'un de mes livres de biologie. J'espère que la professeure ne s'en rendra pas compte. »
« Oh, tu sais bien, – lui confiai-je en chuchotant, – elle est tellement dans la lune parfois qu'elle serait bien capable de nous illustrer parmi les plus belles peintures. » En toute honnêteté, je ne savais pas ce que notre professeur faisait de toutes les œuvres de ses élèves, je ne voyais personne les reprendre avec eux , mais il n'en restait jamais aucune trace au cours suivant.
« On n'a pas le droit de sortir quoi que ce soit des salles de cours. - m'avait dit Aurore, après mon premier cours d'Art sur des esquisses aux charbons. – C'est une loi au Saint-Siège. Tout ce que nous faisons entre les murs appartient à la spiritualité. »Peut-être utilisait-elle un procédé magique pour extraire les pigments des toiles et pouvoir les réutiliser à l'infini ? À mes yeux, elle pourrait les brûler, cela ne changerait rien. Je n'arrivais pas tout à fait à me défaire de l'image représentée sur ma toile. Ce n'était pas un souvenir à proprement parler. Mon départ de Manticore ne s'était pas fait une nuit de pleine lune et je n'avais pas non plus revu d'ombrelle de minuit depuis très longtemps. Le maître des Renards polaires, mon ancien professeur d'herboristerie, nous en avait montré durant une expédition nocturne. Elle avait besoin de conditions bien particulières pour pousser et nous l'avait présentée comme une fleur de loup.
Nous étions entre deux étages, dans les grands escaliers du donjon, quand une idée me vint. Cette peinture pouvait-elle être une de ces nombreuses manifestations spirituelles dont la Primordiale Riidh nous avait parlé ? Je devais me renseigner sur la prochaine pleine Lune. Loup cherchait sans doute à rentrer en contact avec moi. C'était une réflexion alambiquée, seulement je ne voyais pas d'autres explications à cette modification de mon souvenir. Je failli faire part de ma découverte à mon amie, mais à quoi bon ? Cela impliquerait forcément d'évoquer Manticore. Avec un soupir, je la quittai pour me rendre à la Tour de Loup. J'avais promis à Angie de l'y rejoindre avant d'aller manger. Je la trouvais dans une aile des parties communes, occupé à écrire, en compagnie d'Alexandre, un garçon de mon âge, petit, la silhouette fine et le seul membre masculin de notre groupe avec un peu de cerveau. Il me salua, installé profondément dans le canapé, les yeux mi-clos, un livre posé sur ses jambes frêles.
« Tu pourrais convaincre notre amie si présente de se dépêcher de finir sa lettre, j'ai faim ». Cela ne devait pas être la première fois qu'il râlait, parce qu'Angie lui envoya un coussin au visage. Au lieu de glisser son parchemin dans une enveloppe ou de le rouler, je la regardais intrigué, le plié, jusqu'à prendre la forme d'une hirondelle. Ce n'était pas la première fois que je l'a voyais créer de petits animaux de papier, elle échangeait des petits mots en classe de cette façon, pourtant cette fois, quand elle souffla, son enchantement fut plus puissant que d'habitude. La petite hirondelle s'envola dans les airs et, parvenant à l'arche-nêtre, elle se désagrégea, poussière soufflée par une brise magique.
« Ça s'utilise comment ? - demandais-je admirative. - C'est formidable comme magie ! Tu m'apprendrais ? » « J'ai un livre sur le sujet – me dit-elle surprise – je te le prêterai si tu veux. On a vu ça en cours d'Art en premier cycle. C'est de la magie soufflée, ça se base sur une rune et notre volonté de faire parvenir notre message. » Je pensais à mon inconnu. Si je ne pouvais pas tout dire à mes amies, peut-être que je pourrais m'ouvrir à lui ? Est-ce que cela fonctionnerait même si je ne connaissais pas mon destinataire ? M'accrochant à cette idée, j'accompagnai mes amis pour aller souper, le sourire aux lèvres. Cela m'aiderait de m'épancher auprès de quelqu'un, même sur un parchemin. Au pire, ils disparaîtront dans le vent.
Nous nous assîmes à nos places, à la table arque-lunée de Loup, discutant de nos journées respectives. J'étais face à l'homme dont j'attendais la vue, parfois toute la journée ; dont j'espérais les regards toute la soirée ; dont je priais sa présence auprès de moi, à chaque office, jusqu'à la nuit tombée. Mes rêves pouvaient s'écrouler, ma mémoire se briser, sous ses yeux de braises sombres qui ne me quittait jamais, je brûlais d'un feu noir et ardent.
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