Mac Aroni AKA : TontonCristobal - "Qui est-ce ?"
Nous voilà partis, chacun avec son levier, boitant dans la neige qui commence à fondre. La veille, les adieux avaient été difficiles, chacun dissimulait son chagrin, sa peur. Mais je les avais tous rassurés : les adieux sont faits pour renouer le nœud, un jour ou l’autre. C’est comme arrêter de boire, ou de fumer, nous avons tous le pouvoir d'y arriver, et même plusieurs fois dans notre vie.
Toute la nuit, nous avions marché, sans nous arrêter, guettant l’aube avec impatience. Le soleil bientôt à l’horizon allait pointer et nous sauver.
Après le dîner, vers deux heures, chacun regagna son poste d'observation.
Cette longue journée nous avait éreintés. Dans la matinée, un besoin impératif de nous délester de notre barda surchargé s’était imposé. La neige n’était plus qu’un lointain souvenir ; la chaleur du soleil l’avait avalée en quelques heures à peine.
Non sans embûche, à dix-neuf heures pétantes, nous arrivions à l’endroit fixé : une bâtisse imposante du début XIXe, meublée avec goût. Les propriétaires, un couple chaleureux, nous dictèrent les dernières instructions.
Le changeant mois de mars était arrivé, et avec lui l'enivrement du printemps, joyeux pour les jeunes, mélancolique pour ceux qui déclinent.
Nous attendions le renouveau comme si nos vies en dépendaient. Enfin la belle saison et son bouquet de promesses s’invitaient et déjà nous exaltaient.
L’hiver avait été rude, notre travail fort pénible, insupportable parfois. Mais tout cela était maintenant dernière nous. Nous voulions oublier. Ne plus jamais repenser aux épreuves douloureuses que notre délicate mission nous avait contraints à traverser. Désormais, le passé appartenait au passé. Seuls comptait le présent et l’avenir radieux que tous espéraient.
La peur les tenait recroquevillés silencieusement à leur place ; chacun semblait pressentir que quelque chose de terrible allait survenir.
C’est en ces termes, très précisément, que nous ont été relatés les prémices des événements survenus quelques jours auparavant. L’homme qui nous a retracé ces propos n’a pas su trouver le courage de poursuivre. D’ailleurs, cela aurait été inutile. Tous, ici, nous savons ce qu’il s’est réellement passé, et dans les moindres détails, puisqu’un rapport complet et précis avait été envoyé à chacun des membres de la mission deux jours plus tôt.
Oui, cette peur reste toujours présente, même dans les moments les plus paisibles de notre existence. Toujours plane cette menace dans l’air, un péril quelque part, pour nous rappeler que la paix reste encore fragile, trop fragile.
Jean, le témoin de ce terrible épisode survenu à seulement quelques kilomètres de notre base, nous en a donné la preuve dès le lendemain, juste après son départ.
Nous avions tenté de le retenir, essayé de le convaincre de rester auprès de nous, en sécurité. J’ai moi-même beaucoup insisté car, pour des raisons qui m’échappent encore, je sentais qu’en reprenant la route si vite, Jean courrait un danger.
J’avais hélas raison. À peine avait-il quitté le bourg et pris la direction de la forêt domaniale, qu’un fourgon stationna à ses côtés. Trois hommes pointèrent leur arme sur Jean. Il n’eut pas le choix. Il ne bougea pas.
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