Chapitre 6 : Prémices d'une idylle

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Ally

Je me sentais excitée comme une puce. La nouvelle qui m'était parvenue dans la semaine, celle d'avoir déjà franchi la première étape pour m'inscrire à l'école d'infirmières, avait de quoi me mettre du baume au cœur et me réjouir. Mais pas seulement : rien que l'idée de revoir les Dark Angels sur scène me réjouissait tout autant. J'avais vraiment aimé le précédent concert et j'étais vraiment très heureuse de les revoir si vite, sans compter que je pensais souvent à Stair.

La configuration du pub était différente de celle du Blue Limon. Il y avait une salle réservée aux concerts ou prestations d'artistes, indépendante du pub. Il fallait traverser tout ce dernier pour y accéder. Etant arrivés avec un peu d'avance, nous y jetâmes un œil. Nous n'étions jamais venus, mes amis et moi, dans cet endroit. Nous convînmes bien vite de prendre nos consommations, puis de nous installer dans la salle pour pouvoir être bien placés. Notre groupe se rassembla donc, pinte à la main, devant la scène. Cette dernière n'était qu'une estrade, surélevée d'une soixantaine de centimètres par rapport au sol, les musiciens se retrouveraient donc légèrement plus haut que nous.

Petit à petit, le public se regroupa. L'ambiance commençait à monter. Je reconnus plusieurs têtes, parmi les spectateurs : très certainement des amis ou des proches du groupe, qui étaient revenus les encourager. Je trouvai ce soutien de bon augure.

Comme j'étais la plus petite de notre bande, les copains m'avaient laissé passer devant. J'étais donc au tout premier rang, entourée par deux amies, pour assister au concert. Et, tout à fait par hasard, le musicien dont j'allais me trouver la plus proche était Stair. Le premier à monter sur scène fut, comme au Blue Limon, Lynn. Il commença à jouer tout doucement, la même introduction que la fois précédente. Puis, petit à petit, il frappa plus fort et accéléra le tempo. Stair le rejoignit bien vite, passa sa basse autour de lui et se mit à jouer. Ruggy le suivit de peu. Les pieds des spectateurs martelaient le tempo, il y eut les premiers sifflets, quelques cris d'appel aussi. Nous étions peut-être dans une toute petite salle, c'était peut-être un tout petit groupe, n'empêche qu'ils savaient faire monter la pression. Stair échangea un coup d'œil avec Lynn et l'instant d'après, Snoog jaillit sur la scène, comme un fauve aurait bondi sur la piste dans un cirque. Le morceau prit alors sa pleine mesure et il se mit à chanter.

Dès la première chanson, le public était conquis. Les morceaux s'enchaînèrent, ils ne les jouèrent pas dans le même ordre que la fois précédente. A la fin de l'un d'entre eux, No Future, Stair s'amusa à faire une série de notes très rapides. Cela m'évoqua quelque chose, mais je n'eus pas le temps d'y réfléchir, car ils enchaînèrent avec un autre morceau.

Comme un chien galeux

Fuyant et malheureux

Abandonné sur un trottoir

Là où y'a pas d'espoir,

Je traîne dans la rue

Avec mon spleen et mes rêves tordus.

La nuit est mon domaine

Dans les rues sombres je traîne

Là où l'herbe ne pousse jamais

Entre les mailles du filet

Y'a que des vieilles cannettes

Au bout de mes baskets

J'fais peur aux braves gens

Qui vivent tranquilles, confiants

En cette putain de société

Qui oublie ceux qu'elle a blessés

Les moins que rien, les petits,

Ceux qu'ont rien appris

Ou juste à se défendre

Coup pour coup à rendre

Avec les pieds, avec les poings.

Mais rêver de partir loin

Est toujours une chimère

Grimaçante et vulgaire

Quand se lève le jour

Dans mon antre je retourne.

Dormir est un artifice

C'est dans ces ténèbres que je glisse

Pour oublier la nuit

Et tous mes rêves maudits

* No Future (écrite par Lynn)

Les applaudissements à la fin du concert furent nourris et mérités. Bien sûr, il y avait encore des approximations, mais si le public était si enthousiaste, c'était bien la preuve qu'il y avait de la qualité.

Snoog avait déjà bondi dans le public, comme il avait bondi sur scène, et se trouva vite bien entouré. Ruggy et Lynn échangeaient quelques mots, ce dernier s'épongeant avec une vieille serviette : il était en sueur. Stair débrancha sa basse, la garda autour du cou et sauta de l'estrade pour se retrouver à nos côtés. Son regard doux m'effleura, il me sourit, je lui répondis par un sourire, avant qu'il ne se penche pour me faire la bise. J'en restai comme deux ronds de flanc ; je repris vite mes esprits, car il me demanda :

- T'as bien aimé ?

- Oui, c'était chouette. Différent de l'autre fois, mais bien. Vous n'avez pas joué la même chose ?

- Non, on a joué dans un ordre différent. Et on a ajouté une nouvelle chanson, Vivre Debout. C'est Ruggy qui l'a écrite, c'est sa première.

- Oh ! fis-je. Et vous en avez d'autres en préparation ?

- Yep, mais pas abouties. Bon, je vais boire un coup... A plus tard !

Je le vis s'éloigner, mes amis et moi regagnâmes aussi la salle principale. Nous dûmes rester debout, car il n'y avait plus de tables de libres, mais ce n'était pas un souci. Des amis firent la queue au comptoir pour nous ramener des bières. Je vis Stair s'y installer à côté de Lynn et échanger avec lui : sans doute parlaient-ils de leurs impressions sur le concert.

Je suis né dans la rue,

Enfant d'un monde perdu

Mon père buvait, ma mère pleurait

Et c'était moi qui trinquais

Mon monde était petit

Morne comme une impasse

Dans l'immeuble où l'on vit

Y'a pas de rêves qui passent

Y'a juste des cauchemars

Qui me poursuivent et me foudroient

Tout là-bas, jusqu'au fond du placard

Ils m'enlacent et je me noie

Demain je s'rai un homme libre

Car le rock'roll, c'est ma vie

Demain s'ra comme un livre

C'est pour ce monde que j'écris

Je déteste l'endroit d'où j'viens

J'ai détesté l'école, les aut'gamins

Mais j'ai le droit de sortir de la boue

Mais j'ai le droit d'être debout

Et d'aller là où tout le monde s'en fout

Et d'aller là où tout le monde s'en fout

* Vivre debout (écrite par Ruggy)

Stair

- Alors comme ça, t'as bien aimé ?

Le public commençait à s'éclaircir, la soirée avançait. On avait rangé le matériel dans la camionnette, puis Lynn et Ruggy étaient partis. Je demeurai encore là, avec Snoog, ce dernier avec sa conquête du soir à son bras. Je m'approchai d'Ally, assise au comptoir.

- Oui, vraiment. C'était différent de l'autre fois, me répondit-elle. A un moment, tu as joué quelques notes à la fin d'un morceau, ça m'a rappelé quelque chose, mais je ne saurais dire quoi...

- J'ai fait la fin de ce morceau à la façon de Steve Harris, le bassiste de Maiden, répondis-je.

Et je plaçai alors mes mains sur une basse fictive, bougeant très vite les doigts de la main droite.

- Je vois, me dit Ally. Je comprends pourquoi ça me faisait penser à quelque chose...

- Tu écoutes du Maiden ?

- De temps en temps, oui. Mais je n'ai pas de groupe préféré. J'aime pas mal de choses, en fait, en rock et hard-rock. Toi, je crois que tu écoutes surtout Maiden, non ? fit-elle avec amusement.

- Qu'est-ce qui t'fait penser ça ? demandai-je sur le même ton.

- Je t'ai toujours vu avec des t-shirts de ce groupe, répondit-elle. Alors, j'en conclus que tu es fan. Et puis, dans certains morceaux, on sent leur influence. Lequel d'entre vous est celui qui écrit ?

- Snoog, Lynn et moi, essentiellement. Pour les paroles, uniquement les deux autres. Moi, j'apporte mes idées pour construire l'morceau, musicalement parlant. Alors, oui, forcément, le style de Maiden ressort. Mais Lynn qui écrit aussi pas mal la musique est plus influencé par Motörhead. Quant à Snoog, il écoute beaucoup d'groupes différents, donc... Au final, on cherche pas forcément à avoir notre style à nous, mais plus à jouer c'qu'on aime et à construire de belles chansons. Et si ça plaît à notre petit public, ma foi... C'est sympa.

- Ce soir, ça a plu encore, fit-elle remarquer.

- C'est vrai.

- Vous avez beaucoup de dates à venir ?

- Au Blue Limon, le patron accepterait qu'on retourne jouer, mais rien n'est sûr encore. Pour le reste, on prospecte. Ces deux concerts nous ont bien plu, on voit qu'on est capable d'tenir sur scène...

- C'étaient vos premiers concerts ?

- Les premiers vrais, oui, répondis-je.

- Je comprends que vous ayez envie de continuer sur votre lancée, me sourit-elle.

Je hochai la tête et bus quelques gorgées de bière. Ally avait vraiment un joli sourire. Ouaip, y'avait pas à dire, cette fille était mignonne et sympa. Et elle s'intéressait à notre musique. C'était pas si courant que ça. Je crois qu'à part ma sœur, je n'avais jamais entendu une fille me parler autant de musique.

- Ally ?

Une de ses copines s'approcha, me salua, puis dit :

- On rentre. Tommy propose de me ramener, il y a encore une place dans sa voiture... Tu viens avec nous ?

- Oui, ok. J'arrive.

La fille s'éloigna, Ally descendit de son siège, puis me dit :

- Tiens-moi au courant pour votre prochain concert ! Mes amis aiment bien, on viendra sûrement !

- Ca marche...

Et je la vis sortir du pub, sans comprendre pourquoi je regrettai qu'il y ait eu une place dans la voiture de son copain. J'aurais pu la ramener aussi...

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