Chapitre 5 : Tatouages, boucles d'oreilles et autres utilités

6 minutes de lecture

Stair

- On y va ?

- Yep.

- T'es sûr de toi ?

- Yep. Et toi ?

- Aussi.

Lynn et moi nous trouvions à quelques rues de la boutique d'un tatoueur. Avec le petit cachet obtenu au Blue Limon, nous avions décidé de nous faire tatouer. Ca faisait un moment que ça nous tentait. Et puis les deux autres l'étaient déjà, surtout Ruggy, mais pas nous. Snoog s'était fait faire deux tatouages aux bras, comme des bracelets, légèrement en-dessous du coude. L'un reprenait les signes chinois du yin et du yang - un truc qu'il m'avait expliqué car j'ignorais ce que ça signifiait - et l'autre des symboles ésotériques. J'en aimais bien l'idée et après mûre réflexion, j'avais opté pour un animal stylisé, une salamandre. Snoog m'avait dit que le modèle choisi rappelait des tatouages aborigènes - là encore, il m'avait expliqué ce qu'il en était.

Lynn, quant à lui, avait une tout autre idée. Un des rares bouquins qu'il avait lu et adoré, c'était Le Seigneur des Anneaux, de Tolkien. Les batailles de nains, de trolls et de dragons l'avaient bien impressionné. Il aimait aussi certaines histoires des mythologies germanique et scandinave, et il avait choisi un dragon. Snoog le kiffait grave et je le sentais un poil jaloux du choix de Lynn. "Tout feu, tout flamme, mon pote. Les filles vont adorer !"

Ca faisait marrer Lynn et moi aussi. Enfin bref, ce fut ainsi que nous nous décidâmes tous les deux. Le tatoueur s'occupa de moi d'abord, car c'était plus simple et moins long. Lynn avait rendez-vous avec lui le lendemain, mais il était curieux de le voir faire. Le tatoueur avait accepté qu'il soit présent. C'était douloureux, mais supportable et en effet, ce ne fut pas trop long. Lynn, lui, allait en baver bien plus, d'autant qu'il lui faudrait plusieurs séances. Mon tatouage était en noir, le sien en couleurs. Ca prenait plus de temps.

Au final, le résultat était superbe. Même si je ne me voyais pas du tout avec un tatouage de ce style, je devais reconnaître et d'une qu'il était très réussi, et de deux, qu'il collait parfaitement à Lynn. Ce dragon, c'était vraiment lui. Toute son énergie, toute sa vitalité, toute son endurance aussi. Moi, j'aimais bien ma petite salamandre. Elle était comme un petit animal emblématique, une petite compagne de route. Et c'était vrai : je la porterais à l'intérieur de mon bras gauche pour la vie.

**

Le tatouage, c'était un pas de plus pour afficher et revendiquer notre statut d'amateur de hard-rock et même de hard-rockeurs. Mais ce n'était pas le seul. Il y avait aussi les piercings. Perso, ça ne me tentait pas, et les autres non plus. C'était, à mon avis, plus dans le style punk. Je n'y étais pas indifférent, j'étais même assez intéressé par écouter ce style de musique qui affichait aussi beaucoup d'énergie et était proche de certaines branches du métal. Mais de là à avoir des perles dans le nez ou les paupières... bof.

En revanche, Lynn était bien décidé à se faire percer une oreille et j'avais embrayé. Snoog et Ruggy s'amusaient bien à dire que lorsque l'un avait une idée, l'autre l'adoptait. Ce n'était pas faux et ça valait beaucoup pour la musique, pour l'élaboration de nos morceaux.

Ainsi donc, après le tatouage, nous nous rendîmes dans une petite bijouterie. C'était celle où ma sœur s'était fait percer les oreilles, l'année passée, pour son anniversaire. Notre choix était vite fait : nous ne voulions pas porter de trucs de filles, mais un simple anneau. Pour nous différencier cependant - histoire de ne pas faire tout à fait l'un comme l'autre -, Lynn choisit l'oreille droite et moi la gauche.

Le premier concert au Blue Limon nous avait donné envie de recommencer. On avait vu aussi qu'on était capable de jouer sur la durée, je voulais dire par là de jouer plus d'une heure sur scène. Entre nos morceaux et deux-trois reprises qu'on maîtrisait pas trop mal. Avec Snoog, je me lançai à la recherche d'autres endroits pour nous produire, pubs ou petites salles. Les pubs étaient ce qui convenait le mieux : les salles, en général, il fallait raquer. Et comme on n'avait pas un sou en poche, ou à peine, on ne pouvait pas payer la location, même si c'était peu élevé. Dans les pubs, on pouvait jouer gratis. Parfois, on touchait un petit cachet, parfois, c'étaient juste les consommations gratuites. Comme ce qui nous motivait, c'était de pouvoir jouer, à partir du moment où l'endroit convenait, on acceptait.

Ce fut ainsi qu'on rejoua trois semaines après ce premier concert au Blue Limon dans un autre pub de Manchester, puis que d'autres dates s'ajoutèrent. Le patron du Blue Limon nous appréciait et il nous offrit deux dates avant l'été. C'était cool de sa part, en plus, c'était chez lui qu'on se faisait nos cachets les plus élevés.

Nous répétions toujours à l'école de musique : en semaine, l'après-midi, il n'y avait personne. Nous arrêtions juste quand les cours commençaient le soir et on n'y allait jamais le mercredi après-midi. C'était un bon compromis et cela nous offrait aussi un cadre adapté. On pouvait également profiter du matériel et notamment des amplis et micros. Tout cela gratuitement. Sans cette structure, sincèrement, on n'aurait pas pu continuer. On n'avait pas les moyens de louer un local, même à pas cher, pour répéter. Cela viendrait, mais quelques mois allaient devoir passer avant qu'on puisse envisager cette perspective.

Ally

- J'ai réussi !

- Et quoi, ma chérie ?

Je venais de rentrer du lycée. Sur la table de la cuisine m'attendait un courrier. Je l'avais ouvert et lu la lettre avec avidité.

- Maman ! Mon dossier est retenu à l'école d'infirmières pour l'année prochaine !

Je sautai au cou de ma mère, qui me serra fort dans ses bras et m'embrassa sur les deux joues.

- Bravo, ma chérie ! Je suis heureuse et fière de toi !

- Bon, il faut encore que je réussisse mes examens de fin d'année et que je valide mon inscription.

Le sourire de ma mère s'effaça :

- Je suis désolée, Ally, que papa et moi ne puissions pas t'aider plus...

- Je peux rester vivre ici, maman, c'est déjà énorme ! Ca me fait beaucoup de frais en moins... Et puis, je vais travailler cet été. N'oublie pas que l'école accepte également que les frais d'inscription soient réglés en trois fois... Alors, même si je n'ai pas tout à fait la somme nécessaire pour septembre, je parviendrai bien à l'obtenir d'ici Noël.

- C'est vrai, fit-elle. On va fêter cela !

Nous avions en effet fêté cela en famille, puis avec mes amis, le samedi suivant, à l'occasion du deuxième concert des Dark Angels. La semaine précédente, Stair nous avait envoyé à tous un message pour nous prévenir du lieu et de la date. Je lui avais répondu que c'était ok pour moi, il avait juste écrit en retour : "cool !"

Quand il m'arrive de repenser à cette période, je me dis que j'avais le sentiment que des étoiles étaient en train de s'aligner : mon projet d'études se concrétisait pas à pas, je faisais du baby-sitting pour payer mon inscription et un garçon m'avait tapé dans l'œil. Je restais prudente, bien sûr, pas question de m'emballer, mais cette rencontre me faisait tout simplement du bien. Même si ça ne donnait rien.

Sans oublier que l'énergie que déployaient les Dark Angels lors de leurs concerts nous faisait aussi du bien à tous. Ca nous donnait la pêche. On sortait des concerts comme si on avait rechargé nos batteries, repris de la force pour réussir nos dernières semaines de lycée et nos examens finaux.

Oui, à bien y réfléchir, c'était une période très riche que je vivais là.

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