Chapitre 8 : Anniversaires deux en un

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Ally

- Paie ta tournée, Ally ! lança un de mes copains.

Nous étions un samedi soir de la fin avril, un des rares samedis où les Dark Angels ne jouaient pas, mais Stair était passé me chercher à la maison. Il avait ainsi fait la connaissance de mes parents, de mon frère et de ma sœur. Cette dernière nous avait bien fait rire en regardant la longueur de ses cheveux avec envie et en déclarant qu'elle les voulait aussi longs que lui. Nous n'étions pas restés longtemps, mais c'était une première rencontre qui se passa bien, dans une ambiance sympathique et ouverte. J'avais toujours présenté mes petits amis à mes parents, je leur disais toujours très vite quand je sortais avec un gars. Et je ne voyais pas pourquoi j'aurais dérogé à cette règle. C'était une question de confiance entre eux et moi, surtout quand j'étais mineure bien sûr. Et puis, de toute façon, ma mère me devinait très bien et avait vite flairé anguille sous roche. Je n'avais donc pas mis longtemps à lui dire ce qu'il en était.

Nous avions retrouvé ma bande d'amis au Blue Limon. Un groupe jouait ce soir, plutôt folk et balades. Moins notre style de musique, mais les musiciens étaient bons et ce fut un concert agréable dans une bonne ambiance.

- Ok, répondis-je. Une pinte légère pour tout le monde ?

- Une rousse pour moi, fit une amie.

- Ok, combien de rousses et combien de légères ?

Je fis le compte et me dirigeai vers le comptoir. Nous étions assez nombreux et avions squatté deux tables à nous tous. Stair me regarda d'un air étonné, je souris et lui glissai :

- C'était mon anniversaire hier...

- Oh... fit-il. J'comprends.

- Et toi, c'est quand ? fis-je, profitant de l'occasion pour lui demander.

- La s'maine prochaine. Pile le jour où on joue, le 7 mai. Ce s'ra mon tour de payer ma tournée... sourit-il.

Quand les premières bières furent tirées, il se leva pour m'aider à les ramener. Nous trinquâmes, puis discutâmes joyeusement, tout en écoutant le groupe et en applaudissant entre chaque chanson. Stair parlait peu, mais écoutait mes amis avec attention. J'étais contente qu'il se sente bien dans notre petite bande. Il me tenait la main et jouait avec mes doigts, machinalement, en rythme avec les musiciens qui se produisaient à côté de nous.

Ce fut lui qui me ramena à la maison, comme on en avait pris l'habitude désormais. Nous n'allions pas pouvoir nous voir de la semaine, car le groupe répéterait tous les jours pour préparer le concert de samedi prochain, et mercredi, je garderais exceptionnellement des enfants en fin de journée.

**

Je voulais offrir un petit cadeau à Stair et je décidai, un soir après les cours, de me rendre dans le centre-ville, dans une boutique spécialisée en t-shirts, livres, affiches et autres objets dédiés à la musique métal. Ce n'était pas très grand ; quand on entrait, on avait l'impression d'un fouillis indescriptible. On y trouvait de tout : des tas de produits à l'effigie des principaux groupes. Mais aussi des objets plus neutres qu'affectionnaient particulièrement les amateurs de métal : bracelets de cuir avec ou sans clou, des ceintures façon chaînes, des bagues avec des têtes de morts... Je déambulai un peu, ne sachant où donner de la tête, avant de m'adresser au vendeur :

- Bonjour, je cherche quelque chose à offrir en lien avec Iron Maiden. Vous auriez quoi comme choix ?

- Bonjour, Mademoiselle. Venez, c'est par-là.

Il me guida dans un renfoncement de la boutique que je n'avais pas remarqué au premier abord. Là, c'était le royaume de Metallica, de Motörhead et de Maiden. Le coin des trois M, me dit le vendeur en rigolant.

- C'est bien vu, répondis-je.

- Et là donc, tout ce qu'on a sur Maiden. Vous avez une idée en particulier ? On peut commander aussi sur catalogue, si vous voulez.

- Non... Enfin, je veux dire... Je ne prendrai pas un t-shirt, c'est sûr. L'ami auquel je veux faire ce petit cadeau en a déjà beaucoup. Je cherche plus un petit quelque chose à l'effigie d'Eddie...

- Je vous laisse regarder, principalement ces deux étagères, me montra-t-il. Si vous avez besoin d'un renseignement, vous me redites.

- D'accord, merci !

Il me laissa alors que je m'absorbais dans la contemplation de toute une variété de tasses, cendriers, briquets, dessous de verre et autres. Un sourire éclaira mon visage lorsque je tombai sur un petit cadeau qui allait certainement plaire à Stair : il était réalisé à partir du dessin de l'album Fear of the Dark. De quoi faire un petit clin d'œil aux Dark... Angels.

Stair

Je m'étais senti un peu bête en ramenant Ally chez elle ce soir-là. Elle ne m'avait pas dit que c'était son anniversaire et j'aurais sans doute pu lui faire une petite surprise. Je n'avais pas la moindre idée cependant d'un cadeau à lui offrir. Un livre ? Je ne lisais pas et je ne savais pas quel genre elle aimait. Un disque ? Elle m'avait parlé de ses goûts, mais j'ignorais quels disques elle possédait. Un bijou ? Je n'avais pas trop les moyens et puis, je ne l'avais toujours vue qu'avec le même collier et les mêmes petites boucles d'oreilles. Elle ne portait pas de bracelet non plus, ni de bague.

Je me sentais un peu minable en rentrant chez moi. Je continuai à chercher une idée, puis je finis par trouver. Ce n'était pas grand-chose, mais c'était tout ce que je pouvais offrir.

Le samedi suivant, on jouait à nouveau à Manchester. Je retrouvai Ally au pub, peu avant qu'on entre en scène. Elle était à nouveau venue avec quelques amis, moins que les fois précédentes : peut-être que certains avaient envie d'écouter autre chose que toujours le même groupe, ça pouvait se comprendre. Il y avait aussi une autre explication : la période des examens arrivait. Je n'avais jamais connu cela, mais je savais que c'était très prenant. Ce fut aussi la raison pour laquelle Ally me dit, ce soir-là, qu'elle ne resterait pas aussi tard que d'habitude : elle entamait ses révisions et préparations.

- C'est pas un souci, Ally. J'peux te ramener plus tôt, lui dis-je. On va pas tarder à jouer.

- Je me doute. On est arrivé juste à l'heure, fit-elle. Tu vois, on n'a pas encore nos bières et nos petits sandwichs !

- Faut qu'je r'trouve les autres.

- Pas de soucis. A tout à l'heure !

Elle me fit un petit sourire avant de m'embrasser.

**

J'avais donc décidé de réserver une petite surprise à Ally, en cadeau d'anniversaire. J'avais juste prévenu Lynn, Snoog et Ruggy que je ferais un solo sur Vivre debout. Snoog avait eu un petit sourire amusé, Ruggy n'avait rien dit de particulier et Lynn avait seulement acquiescé. Je n'avais pas parlé d'Ally avec eux, ne sachant pas moi-même, de toute façon, ce qu'elle représentait vraiment pour moi. Dans mon esprit, c'était comme pour les filles que se tapait Snoog : ça faisait partie de sa vie privée, le groupe n'avait pas à s'en mêler à partir du moment où ça n'avait pas de répercussions sur lui, sur les autres membres. C'était un point clair entre nous. Et même si je ne considérais pas du tout Ally comme une des filles faciles qui tombaient dans les bras de Snoog, voire des autres, je n'aurais pas pour autant pu qualifier notre relation.

Nous jouions ce soir-là dans un nouveau pub. En effet, à part le Blue Limon, tous les autres depuis cet hiver étaient des endroits différents. On attaqua comme d'habitude, Lynn faisant monter doucement la pression, Ruggy et moi commençant à jouer. La petite différence avec ce que nous aimions pratiquer était que les lieux ne permettaient pas aux musiciens de monter l'un après l'autre sur la scène. Nous étions donc tous les trois déjà en place quand Lynn commença à jouer. Snoog attendait, accroupi près de la batterie. Il réussit à bondir non sans avoir frôlé Ruggy de peu. Ce dernier en manqua quelques accords, mais put se rependre bien vite, fort heureusement.

Ce petit couac de début n'allait pas avoir de conséquence et le concert se déroula bien. Au moment de jouer mon solo, je me penchai vers Ally qui était - comme à son habitude - juste devant moi. Je lui fis un petit clin d'œil et j'attaquai, façon Steve Harris. Ca déclencha quelques cris et applaudissements dans le public, mais je ne voyais que le regard brillant d'Ally. A la fin du morceau, elle m'adressa un grand sourire et leva son pouce en signe de connivence.

Après le concert, je rejoignis directement Ally, glissant à Lynn que j'allais vite partir, qu'on discuterait tous les deux de notre prestation demain ou lundi. Ally ne voulait pas s'attarder, je pris juste une demi-pinte et empochai mon cachet, puis je la ramenai chez elle. Dans la voiture, elle fut enthousiaste :

- Vous avez bien joué ce soir !

- Pourtant, ça a mal commencé... Snoog a fait sursauter Ruggy et il a manqué son début de morceau... On a fait durer l'intro un peu plus du coup, Lynn et moi, pour lui permettre de reprendre le fil.

- Ah oui... C'est vrai, me fit-elle. J'ai bien vu qu'il avait été surpris, mais je n'ai pas noté la façon dont vous aviez réagi.

- Avec Lynn, on a une grande connivence, expliquai-je. Parfois, on s'fait des sortes de signes, dans un morceau, pour s'dire qu'on va attaquer plus fort ou plus vite, ou au contraire, qu'on va faire une rupture de rythme. On n'a pas besoin de s'regarder, on l'fait en jouant. C'est presque naturel.

- Ca m'impressionne ! fit-elle en ouvrant de grands yeux.

- J'crois que dans les chorégraphies, ça peut exister aussi. Sinon, il t'a plu, le solo ?

- Oui ! J'ai adoré ! Un petit clin d'œil à Steve Harris...

- Yep. C'était ton cadeau d'anniversaire, Ally.

- Oh ! Vraiment ?

- Oui...

Je restai un moment silencieux, concentré sur ma conduite. Ally fixait la route aussi, sans rien dire, mais avec un grand sourire aux lèvres. Qu'est-ce qu'elle était jolie, quand elle souriait ainsi ! Je m'en sentis tout heureux. Je n'avais rien pu lui offrir de matériel, pas de petit cadeau soigneusement emballé. Mais j'avais pu lui faire plaisir autrement et ça me semblait essentiel.

Une fois arrivés devant chez elle, je la pris un moment contre moi. On s'embrassa longuement. Puis elle s'écarta un peu, glissa la main dans une poche de sa veste en jeans, et en sortit un tout petit paquet.

- Ca, c'est ton cadeau d'anniversaire...

- Fallait pas... fis-je, touché.

- C'est pas grand-chose, dit-elle, mais je pense que ça va te faire plaisir.

J'ouvris le paquet. C'était un simple jeu de cartes, à l'effigie d'Iron Maiden, et plus particulièrement, avec le dessin illustrant leur album Fear of the Dark.

- Ah ça oui ! C'est original... J'adore ce morceau.

Elle rit :

- Dis-moi quel morceau de Maiden tu n'aimes pas...

- Disons qu'il y en a quelques-uns qu'j'aime moins, c'est vrai. Mais bon... Chuis pas impartial... J'aime bien le clin d'œil aux Dark...

- J'ai choisi celui-là exprès. Sinon, il y avait aussi un modèle avec Powerslave...

- T'as bien choisi, dis-je. Ouais, vraiment. Merci, Ally...

Et je l'embrassai à nouveau, plus touché que je ne l'aurais avoué : c'était la première fois qu'une personne qui n'était pas de ma famille m'offrait un cadeau.

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