Chapitre 13 : Un difficile été

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Ally

Les jours qui suivirent furent très difficiles. Douloureux. Je pleurais beaucoup. Maman me consolait comme elle pouvait, ma sœur était très triste pour moi et me faisait des câlins tous les soirs. Mon frère et mon père étaient désolés. Du peu qu'ils avaient vu Stair, ils l'avaient bien aimé. Mais voilà, c'était la vie... J'étais encore jeune et je m'en remettrais. C'était l'idée à laquelle je me raccrochais.

Il me restait deux semaines de cours, je les suivis en dilettante, dans une brume. Mes amies m'entouraient, mais je gardais le silence. Je leur avais juste dit que c'était terminé avec Stair, sans donner plus d'explications : j'étais incapable de raconter ce que j'avais vu. Ca me faisait trop mal. Et de l'imaginer avec cette pouffiasse...

Après la douleur vint la colère. Je m'en voulais de m'être fait avoir, d'avoir cru qu'il serait différent. D'avoir cru aussi à l'excuse du groupe pour ne pas me voir durant deux semaines : il devait certainement déjà sortir avec cette fille. Après, oui, bien sûr, ils avaient le concert à préparer... C'était plausible aussi.

Il ne m'avait laissé qu'un seul message, disant qu'il voulait qu'on se parle. Mais pour se dire quoi ?

Il va sans dire que je n'assistai à aucun concert des Dark Angels de tout l'été. Toute la fin du mois de juillet, je gardai les enfants de cette famille qui m'employait depuis deux ans maintenant. Je m'en occupais de 7h le matin à 17h30 le soir, ce qui faisait de bonnes journées. Quand j'étais avec eux, je ne pensais pas à Stair et c'était un vrai soulagement. Ca me faisait une bulle d'air, une échappatoire. La petite fille avait six ans, son frère pas encore quatre. Je commençais la journée en leur préparant le petit déjeuner. Puis nous sortions faire quelques courses pour le repas du midi. Ensuite, je faisais des jeux avec eux. Je les laissais devant la télévision pour quelques dessins animés le temps de préparer le repas. Puis je couchais le petit pour sa sieste et je restais avec la grande. Nous faisions alors des jeux de société de son âge ou de la lecture. Au réveil de la sieste, si le temps le permettait, on allait au parc à côté de chez eux. J'emportais le goûter. On rentrait pour 17h15 environ. Quand on ne pouvait pas sortir, on faisait alors des jeux ensemble ou des coloriages, de la lecture. Les journées étaient bien remplies, j'avais rarement le temps de souffler. Mais c'était ce qu'il me fallait.

En août, nous partîmes une semaine au Pays de Galles voir une de mes tantes et un peu de la famille installée là-bas. Puis ce fut le retour à Manchester. Je repris la garde des enfants la dernière semaine d'août. Je retournai aussi au Blue Limon, un après-midi, pour m'entretenir avec le patron : j'allais commencer à travailler le samedi 3 septembre. Les cours à l'école d'infirmières débutaient le 1er. Tout mon dossier était en ordre, j'avais pu régler les deux premiers versements. Avec l'argent que je gagnerais au Blue Limon, j'allais pouvoir régler le dernier avant la fin du premier trimestre.

Je n'eus pas l'occasion de recroiser Stair ou un des autres membres du groupe. J'étais parfois, au cours de l'été, tombée sur une affiche annonçant un de leurs concerts dans un pub de la ville. Mais j'avais résisté à l'envie d'aller les voir. Tout doucement, je prenais de la distance, je commençais à me reconstruire. Je n'avais pas envie de retomber en croisant Stair avec sa blondasse.

Stair

Ally n'avait pas répondu au message que je lui avais laissé. Elle préférait le silence, je ne voulais pas la forcer à en sortir. Je repris alors le rythme de ce qu'avait été ma vie avant de la rencontrer : boulot et groupe. Répétitions. A cela s'ajoutaient les concerts que nous donnions quasiment tous les week-ends. Au cours de l'été, nous jouâmes beaucoup. Toujours les pubs de Manchester et de sa banlieue, voire des petites villes alentours : ce fut au cours de cet été que nous agrandîmes le cercle des lieux où nous nous produisîmes. Quand on se présentait dans un nouvel endroit, on nous refusait rarement la possibilité de jouer, sauf si le pub était dédié à un type de musique précis. Ceux qui accueillaient des groupes ne jouant que du traditionnel, on n'essayait même pas.

Les deux nouvelles chansons que nous avions présentées lors du concert de la fin juin faisaient désormais partie de notre répertoire. Nous peaufinions aussi la reprise de Metallica que Ruggy voulait absolument jouer. Snoog avait une nouvelle chanson en préparation, Lynn n'avait rien écrit de particulier ces derniers temps : il était beaucoup plus concentré sur notre jeu, sur la maîtrise de nos morceaux. Nous avions maintenant une quinzaine de chansons à notre répertoire, sans compter les reprises. Snoog avait dans l'idée d'en ajouter une de Scorpions, Big City Nights, en la faisant en version light, car nous n'avions qu'une guitare. Je me plongeai alors dans l'étude du morceau, pour voir comment je pouvais reprendre la ligne de basse et la rendre plus mélodique.

Ce fut un bon moyen de ne pas - trop - penser à Ally et à toute cette embrouille. J'enfermai mes sentiments au plus profond, me consacrant totalement au groupe.

Au mois d'août, comme on ne travaillait pas et que l'école de musique n'accueillait pas d'élèves, on pouvait y répéter quand on voulait. Notre petit pécule augmentant, nous nous mîmes aussi en quête d'une autre salle de répétition. Ce fut grâce à Ruggy que nous dégotâmes un ancien entrepôt. Le loyer était dérisoire, on pouvait refaire les lieux à notre convenance. Nous passâmes alors quelques journées, tous les quatre, à l'isoler au mieux et à repeindre les murs. Ruggy pouvait trouver de la peinture à pas cher, voire gratuite, de même pour le matériel de bricolage. Cela ferait l'affaire durant un bon moment. Les seuls frais que nous eûmes vraiment furent de changer la porte, d'en mettre une coulissante pour faciliter le rangement du matériel, et surtout que ce soit une porte sécurisée, avec de bons verrous. Pas question de se faire voler le matos. Par précaution et parce que j'avais besoin de l'avoir sous la main, je ramenais toujours ma basse chez moi après les répétitions. Ruggy faisait généralement de même avec sa guitare. Mais pour la batterie et les amplis, c'était quand même plus facile de les laisser sur place. Je ne voyais pas, de toute façon, où Lynn aurait casé sa batterie chez lui. C'était à peine plus grand que chez moi.

Ce fut au cours de cet été que le groupe devint encore un peu plus mon unique objectif. Les concerts nous avaient fait beaucoup progresser, les uns comme les autres. Autant individuellement que pour le groupe dans son unité. Nous rodions aussi de mieux en mieux nos prestations. Nous ne le savions pas encore, mais nous étions en train de faire les premiers pas vers la professionnalisation. A chaque concert, nous prenions de l'assurance, les hésitations étaient moins nombreuses, les notes et notre synchronisation plus justes. L'idéal, on le savait bien, aurait été de pouvoir enregistrer une maquette, avec deux à quatre chansons, pour l'envoyer aux maisons de disques. Mais nous n'avions pas les moyens de réaliser un enregistrement de qualité. Snoog avait pu se débrouiller à quelques reprises pour enregistrer nos concerts. C'était plutôt sympa à réécouter : on pouvait ainsi entendre a posteriori ce qui avait fonctionné et ce qui foirait. On travaillait alors beaucoup sur ces points précisément. Cela nous aida aussi considérablement à nous améliorer.

Certains jours, parce qu'on n'avait pas envie de jouer ou que l'un d'entre nous avait un truc à faire, on partait en balade, Lynn et moi. Il venait de s'acheter sa moto et il m'était arrivé de monter derrière lui. Il préparait son permis depuis longtemps, l'avait passé au printemps. C'était une routière. Il ne voulait pas d'une moto "belle gueule et puissante". Il voulait une moto fiable et sûre. Qui en avait dedans quand même, pas question d'avoir une moto de papi, disait-il. Il avait finalement trouvé à lui convenir. Une bonne occasion, pas trop chère.

On se rendait alors sur la côte, vers le nord ou vers le Pays de Galles. On y passait la journée, on se baignait, on grignotait un truc. Ca nous vidait la tête et ça nous faisait du bien.

Pas une seule fois, Lynn ne me posa de questions sur Ally. Je ne me livrai pas non plus. Pourtant, il était bien le seul avec lequel j'aurais pu parler, du moins, qui aurait été un peu à l'écoute et compréhensif. Ruggy était trop différent de moi, quant à Snoog... Son rapport aux filles faisait qu'il n'aurait rien compris à ce que je ressentais.

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