Chapitre 17 : Jolie rencontre
Stair
- Il y a quelqu'un dans ta vie ?
J'abandonnai la contemplation du plafond de la chambre d'hôtel. Perdu dans mes pensées, je n'avais pas eu conscience du temps qui passait. Le jour pointait - il faisait jour tôt, en cette saison, en Ecosse. Nous étions à Inverness, pour donner demain un concert qui s'était monté à la va-vite, en parallèle avec la mini-tournée. On avait pris toutes les dates qu'on nous proposait, quel que soit l'endroit.
Je baissai les yeux vers la fille couchée à mes côtés, j'avais passé mon bras par-dessus son épaule. Elle s'appelait Deirdre, on avait fait connaissance deux jours plus tôt, dans un pub où j'avais traîné avec Snoog et Ruggy. Lynn et Jenna, eux, étaient rentrés à l'hôtel après le repas. Ils devaient avoir des trucs à faire...
Elle avait vingt-trois ans, de beaux yeux verts, un joli sourire et de longs cheveux d'un roux très clair. Et elle n'était pas chiante. Exactement ce qu'il me fallait. Sauf qu'elle venait de poser LA question qu'il ne fallait pas poser...
Je ne répondis pas, la fixai un instant, puis reportai mon attention vers le plafond. Ally...
La main de Deirdre glissa sur mon torse, puis se posa sur mon bras, voulant dessiner mon tatouage. Je l'écartai aussitôt.
- Tu ne veux pas ?
- Il est récent et c'est encore sensible, répondis-je franco.
- Ah, d'accord, sourit-elle. Pas de souci. Je m'excuse... Il est joli.
Je ne dis rien. Je n'avais pas envie de parler de mon tatouage. Pas envie de parler de ma vie. En fait, pas envie de parler du tout.
Sa main se reposa sur mon torse, dessina mes abdos, puis remonta pour frôler mes mamelons. Puis elle s'allongea sur moi, me fixa et m'embrassa longuement. Ses hanches commencèrent à onduler, ses seins se posèrent sur ma poitrine, la caressant de leurs pointes tendues. Pas de doute, elle savait y faire. Elle était douce, habile et on avait passé de bons moments. On se faisait juste du bien, depuis deux jours, et ça me convenait parfaitement.
Tout ce que je lui demandais, c'était de ne pas parler. De ne pas poser de questions. Et qu'on profite, simplement.
Et elle le comprit bien, car elle ne remit aucun sujet délicat sur le tapis.
Ally
- Salut, Ally, ça va ?
Je souris. J'étais derrière le comptoir, au Blue Limon. Le patron m'avait embauchée pour tout l'été, pour les vendredis et samedis soirs. Une aubaine pour moi. J'avais accepté tout de suite. J'avais pu continuer le baby-sitting en semaine, en juillet.
Nous étions au début du mois d'août. C'étaient les vacances, il y avait moins de clients. Mais le pub restait ouvert tout l'été et le patron continuait à faire venir des groupes : ça compensait aussi pour la clientèle, car ça ramenait toujours du public. De ce que j'avais pu voir, en jetant un œil au planning, aucune date n'était prévue pour les Dark Angels au cours de l'été, ce qui n'avait rien d'étonnant : Jenna m'avait dit qu'elle partait avec eux pour une mini-tournée en Ecosse, au moins jusqu'à la mi-août. J'étais donc assurée de ne pas croiser Stair durant plusieurs semaines. A vrai dire, je ne l'avais pas vu beaucoup... Hormis lorsqu'ils jouaient au Blue Limon, mais ça n'arrivait pas tous les quatre matins non plus. J'arrivais à ne pas penser tous les jours à lui, et je considérais donc que c'était du mieux, que j'avançais.
De l'autre côté du comptoir venait de s'asseoir Bran, un gars avec lequel j'avais sympathisé ces dernières semaines. C'était un habitué, étudiant en informatique. Le truc auquel je ne connaissais rien et qui ne m'intéressait pas particulièrement, mais il savait parler d'autre chose. Il avait bien compris que j'étais totalement ignare. Il m'avait d'ailleurs bien faire rire, une fois, à ce propos. Ca m'avait fait du bien. Je ne riais pas si souvent que ça...
- Ca va, répondis-je. Et toi ?
- Ouaip, bien. Je viens de finir de donner des cours de maths à mon élève, wahou...
Il s'étira, puis secoua la tête :
- C'est peine perdue. J'en ferai pas un Prix Nobel.
Je ris à nouveau, puis demandai :
- Je te sers quoi ?
- Une pinte, légère.
- Ok.
Je pris un grand verre, me plaçai près de la tireuse et j'actionnai la poignée. J'avais pris le coup de main et le patron me laissait désormais servir. J'attendis un peu, pour faire redescendre la mousse, puis je terminai. J'attrapai un dessous de verre, pour glisser sa boisson jusqu'à Bran. Il prit le verre, le leva légèrement en ma direction et but une première gorgée. Je jetai un regard derrière lui, la salle n'était pas trop remplie, tous les clients étaient servis et personne ne faisait signe. Je notai cependant qu'une table avait les verres presque vides et qu'il n'allait pas falloir tarder à débarrasser, mais j'avais encore un peu de temps devant moi. Nous n'étions que trois à travailler ce jour-là, le cuisinier qui préparait les petits sandwichs à l'arrière, le patron qui encaissait et servait à l'autre bout du comptoir, et moi qui avais charge de ce petit bout de comptoir, de la vaisselle et de la salle pour le service.
J'aimais bien cette dernière tâche, même si c'était fatiguant, car c'était ce qui me permettait de récupérer les meilleurs pourboires. Quand on travaillait uniquement au comptoir, les gens donnaient plus rarement, même s'il y avait une petite tirelire en forme de gros citron bleu dans laquelle ils pouvaient glisser une pièce. Le patron partageait chaque soir ce qu'il y avait dedans entre ses employés, cuisinier compris. Lui ne prenait rien sur cette cagnotte. Mais c'était vraiment avec le service en salle que je me faisais les meilleurs pourboires.
La soirée avançait. Bran commanda des petits sandwichs et discuta avec les clients autour de lui ; de temps en temps, quand je n'étais pas occupée, nous échangions quelques mots. A la fin de la soirée, il proposa de me ramener chez moi. J'acceptai.
- C'est bon, Ally, tu peux y aller, me dit le patron à un moment alors que j'essuyais une table. Je vais terminer.
- Il reste juste les deux tables du fond, je peux finir...
- T'inquiète pas. T'es attendue. File, je te dis. Et à demain !
- Ok, merci, patron ! A demain.
Je partis donc me changer dans le mini-recoin prévu pour cela, à côté de la cuisine. J'attrapai mon sac, enfilai le blouson léger que je portais ce soir-là, puis je sortis du pub avec Bran. Il n'était pas garé bien loin.
Tandis qu'il conduisait et que je lui indiquais le trajet, on continua à discuter simplement. Arrivés devant la maison, j'eus soudain la boule au ventre. Cela me rappelait la première fois que Stair m'avait ramenée, avant que tout ne commence... Stair...
Mes traits s'étaient certainement figés, mon regard devait se perdre au loin sur une vague silhouette jouant de la basse dans la lumière d'un projecteur. La main de Bran se posant sur mon bras me tira de ma rêverie.
- Ally ?
Je me tournai vers lui. Il me regarda un moment, sérieux, puis sourit. Et il se pencha pour m'embrasser. Je reculai. Je n'en avais pas du tout envie. J'en pris soudainement bien conscience.
- Non, Bran. Désolée...
- Ok, pas de souci, Ally. Je te laisse.
Je sortis alors un peu vite de la voiture et remontai l'allée jusqu'à la porte de la maison. Je fouillai dans mon sac, trouvai ma clé, déverrouillai et entrai, avant de refermer la porte.
Je ne m'étais pas retournée, je n'avais pas fait un seul signe à Bran.
Et je ne le revis plus jamais au Blue Limon.
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