Chapitre 26 : Ally ? Ally ! Ally...

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Ally

Reviens !

J'étais sous le choc. En larmes. Seule au milieu de la foule. Sans repère.

Et amoureuse.

Sous le choc car je ne m'attendais vraiment pas à ça. A cette chanson. Déjà, lorsque Snoog l'avait présentée, annonçant qu'elle avait été écrite par Stair, avant même les premières notes, j'avais senti mon cœur se serrer, puis battre plus vite, adoptant instinctivement le rythme du morceau. Les paroles m'atteignirent en véritable coup de poing. Non, vraiment, je ne m'étais pas attendue à ça.

Je m'étais mentalement préparée, bien sûr, à revoir Stair sur scène. Je m'attendais à être émue, par moments, sur Redemption en particulier et aussi sur les chansons d'hommage à Ruggy. Mais je ne pensais pas que Stair aurait écrit une chanson.

Une chanson pour... moi.

J'étais en larmes. Parce que Snoog avait mis une émotion incroyable dans son chant, parce que Lynn assurait totalement, parce que Treddy savait tour à tour jouer avec énergie et douceur. Et parce que Stair... Stair me bouleversait.

Dès les premières paroles, dès ce "Je t'attends", les larmes s'étaient mises à couler. Je crus bien que je n'avais jamais autant pleuré que ce soir-là. Et c'était loin d'être fini.

J'étais seule au milieu de la foule. Comme si le public avait soudainement totalement disparu. Comme si j'étais seule à prendre la chanson en plein visage, en plein cœur. Durant tout le morceau, je demeurai figée, le regard rivé à Stair. Son visage s'était fermé, son regard s'était fait à la fois doux et triste, mais quand il attaqua son solo - le seul qu'il joua ce soir-là -, dans lequel il mit tout son cœur, ce regard se chargea aussi d'espérance. Chaque mot, chaque parole me touchaient, m'ébranlaient. Ce fut seulement quand ils l'achevèrent, que le regard de Stair se perdit au-dessus des spectateurs, comme me cherchant, que je repris conscience de la présence de Jenna à mes côtés. Je ne savais plus du tout où j'en étais et sans elle, je me serais sans doute écroulée. Je me tournai vers elle et mes larmes redoublèrent. Je passai la fin du concert, Redemption comprise, dans ses bras, à pleurer toutes les larmes de mon corps et de mon cœur.

Je n'avais plus de repère. Tout ce que j'avais reconstruit, plus ou moins solidement, avait volé en éclat. Stair m'attendait. Stair voulait effacer tout ce qui s'était passé ces deux dernières années. Il voulait reconstruire quelque chose de solide et de beau. Et il me posait une question, essentielle et vitale : est-ce que je voulais de lui toujours ?

La réponse était simple : j'étais amoureuse. Encore et toujours.

Amoureuse.

**

Lorsque le concert s'acheva, après une très belle interprétation de Redemption et de longs applaudissements, nous laissâmes la vague du public sortir. J'en profitai pour reprendre un peu mes esprits. Quand nous pûmes nous parler sans crier, je demandai à Jenna :

- Tu connaissais cette chanson ?

- Oui. C'est la dernière qu'ils ont écrite et qu'ils ont répétée pour qu'elle soit prête à être jouée ce soir.

- T'as manqué à ta promesse, Jenna, fis-je en secouant la tête.

- Quelle promesse ?

- Tu m'avais promis de pas en parler.

- Tu m'avais demandé de ne pas en parler aux filles. Pas de me taire face à Stair. Après, la chanson, je n'y suis pour rien. C'est lui qui l'a écrite. Pas moi. Et pas pour moi. Pour toi. Il l'a écrite pour toi, Ally !

Je secouai la tête. J'avais du mal à réaliser et aussi à comprendre ce qu'il avait voulu dire. Ce qu'il avait voulu me dire. Et même, tout simplement, à réaliser qu'il avait écrit une chanson pour moi. Pour moi ! J'avais bien conscience de l'avoir fui, je l'avais avoué à Jenna quand je m'étais confiée, après le dernier coup de vache de Maggie. Mais j'avais trop mal... Et là, j'avais mal encore. Car je ne savais pas quoi faire ! Lui parler ? Le laisser m'approcher ? Qu'est-ce que ça donnerait ? Est-ce que je m'écroulerais encore ? Est-ce que ça ne ficherait pas par terre tout ce que j'étais parvenue à reconstruire, même si c'était toujours un peu branlant ? N'était-ce pas mieux que le champ de ruines qu'il avait laissé ?

- Tu veux qu'on les rejoigne dans les loges ? me proposa Jenna. J'ai mon passe.

- Non. Je préfère... Je ne sais pas ce que je préfère, fis-je encore bouleversée.

- Sortons, dit-elle. Ca va te faire du bien de prendre l'air un peu.

- Tu as raison.

Nous nous retrouvâmes au-dehors, sur la place qui jouxtait la salle. Des groupes se formaient, les gens discutaient entre eux. C'était une ambiance sympa d'après concert. Je fis quelques pas le long du bâtiment, j'avais réussi à sécher mes larmes, à reprendre un peu contenance. La tête levée vers le ciel, je voyais briller les étoiles. L'air était doux, la nuit claire.

Prendre l'air me fit du bien et alors que Jenna veillait à ce qui se passait aux alentours, surveillant notamment du coin de l'œil des mecs un peu louches qui traînaient derrière la salle, non loin d'une mini-horde de groupies dans laquelle, ouf, on ne voyait pas Maggie, je fis quelques pas de mon côté, cherchant à reprendre le contrôle de mes émotions, à calmer autant mon cœur que mes larmes. La relative fraîcheur de la nuit m'apaisa un peu. Les paroles de la chanson s'étaient profondément inscrites dans mon esprit, et le refrain tournait encore en boucle dans ma tête, ce "Rentre à la maison, baby, je t'attends". Il m'attendait. Il voulait que je rentre, que je revienne. Il ne voulait plus que je fuie.

Le cri des groupies quand les musiciens sortirent de la salle me tira de mes songes. Je me tournai alors et mon regard se posa directement sur Stair qui suivait Lynn. Je ne fis pas attention aux autres, sans doute Snoog s'était-il déjà dirigé vers les filles. Treddy l'accompagnait peut-être, je n'en savais rien et je devais bien reconnaître que c'était le cadet de mes soucis. Quand Stair vit que j'étais là, il s'arrêta net et me fixa. Son regard doux et à nouveau chargé d'espérance me fit frissonner. Nous restâmes un moment ainsi, assez loin l'un de l'autre, sans faire le moindre geste, totalement oublieux de ce qui se passait autour de nous. Je serais toujours incapable de dire combien de temps dura notre échange muet. Mais son regard fit s'effriter, pierre après pierre, les murailles que j'avais pu construire et quand, soudain, me trouvant démunie, je me détournai, je sus que j'allais rentrer à la maison.

Stair

Ally ? Ally ! Ally...

Elle était là. A peine j'étais sorti des coulisses, suivant Lynn qui nous avait poussés à quitter les lieux comme s'il avait eu le feu au c..., que je vis Ally. Je ne vis même qu'elle et perdis totalement conscience de tout ce qui pouvait se passer autour de moi, autour d'elle. Il n'y avait plus que nous deux. J'étais certain maintenant qu'elle avait assisté au concert, sinon, elle n'aurait pas été là. Et qu'elle avait entendu la chanson, qu'elle avait très certainement compris qu'elle était pour elle, que je l'avais écrite pour elle. En revanche, j'ignorais encore totalement ce qu'elle en ferait, ce qu'elle allait décider désormais.

Dire combien de temps nous restâmes à nous fixer était impossible. J'étais juste incapable de regarder ailleurs. Je vis, petit à petit, son regard changer. Le bouleversement initial, voire le bouillonnement qu'il exprimait, se muèrent lentement en une sorte d'apaisement. J'allais devoir faire quelque chose, quelque chose de plus que la chanson. Mais je ne savais pas quoi.

Ma crainte fut grande quand elle se détourna et s'éloigna, mais mon soulagement en fut tout aussi intense en la voyant s'approcher des voitures et s'arrêter près de la mienne. Puis, quand elle se tourna, qu'elle attrapa à nouveau mon regard, je compris qu'elle avait compris le sens des paroles. Elle voulait rentrer avec moi. Je déglutis et fis les quelques pas qui me séparaient d'elle. Sans un mot, je déverrouillai la voiture, rangeai ma basse dans le coffre et pris place au volant alors qu'Ally s'était assise côté passager. Elle ne me jeta pas un regard, fixa un point lointain à travers le pare-brise. Je mis le contact et m'empressai de quitter les lieux : j'avais vu tourner les groupies, des fans s'approcher : je n'avais pas envie d'être embarqué dans une conversation. Ally était avec moi et tout ce que je voulais, c'était me consacrer à elle.

Je me concentrai sur ma conduite pour ne pas laisser le bouillonnement d'émotions s'emparer de moi. Ally était avec moi. Avec moi ! Mon cœur battait comme un fou. Mes plus folles espérances s'étaient réalisées. Même en voulant croire très fort que Jenna parviendrait à la faire assister au concert, je n'aurais pas imaginé qu'elle se trouverait avec moi, maintenant. Qu'elle aurait accepté, sans un mot, de venir avec moi. De revenir avec moi.

Oui. Revenir.

Je percevais qu'elle était bouleversée, elle aussi. Après tout, je m'étais préparé à la revoir, j'avais mis toutes mes espérances et tout mon cœur, depuis quelques semaines, à écrire, composer, puis construire et enfin interpréter cette chanson. Pour elle. Et rien que pour elle. Mais elle, même si elle s'était préparée à me revoir sur scène, elle ne s'attendait pas du tout à cette chanson. Je pouvais bien imaginer que ça lui avait fait un coup.

Le trajet jusqu'à chez moi n'était heureusement pas trop long. Je stationnai dans la cour, derrière l'immeuble. Puis je sortis, ouvris le coffre et pris ma basse, alors qu'Ally sortait de son côté. Je fis le tour de la voiture vers elle, pour lui prendre la main, nouant tendrement mes doigts aux siens. Un soir, il y a deux ans, je lui avais pareillement pris la main. Un soir, il y a deux ans, nous nous étions pareillement retrouvés à rentrer chez moi. C'était dans l'autre appartement et, ma foi, ce soir, je me félicitai d'avoir changé de lieu de vie. Pas parce que ce nouvel appart' était moins miteux que le précédent et même plutôt agréable, mais tout simplement parce que c'était un nouvel endroit pour repartir. Pour poser d'autres fondations.

Tout reconstruire.

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