Chapitre 28 : La clé

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Stair

- Il faut que je rentre chez moi, me dit Ally alors que l'après-midi avançait.

- Ok, j'vais te ramener, dis-je avant de lui demander : T'as un appart' à toi ou t'es toujours chez tes parents ?

- Toujours chez eux. Je n'ai pas les moyens de payer un loyer en plus des études. Mais je m'en suis sortie. Les fins de semaine au Blue Limon, ça paie plutôt bien.

- Je vois, dis-je sans trop savoir quoi ajouter d'autre.

Puis, alors qu'elle récupérait ses affaires et se rhabillait, que j'attrapais un t-shirt et des jeans, je lui demandai :

- Tu veux qu'on s'revoie quand, Ally ?

- Je suis en pleine période d'examens, me dit-elle. Encore deux grosses semaines vraiment chargées. Je ne peux pas rater mes épreuves.

- J'comprends, fis-je en la regardant.

Mais elle me tournait un peu le dos et je ne pus capter son expression. Je sentais qu'on marchait sur des œufs tous les deux. Je n'ajoutai rien et nous sortîmes de l'appartement toujours en silence. Je lui pris la main et elle noua tendrement ses doigts aux miens. Comme ce premier soir où nous nous étions embrassés. Est-ce qu'on pouvait vraiment tout recommencer ?

Dans la voiture, comme la veille, elle resta silencieuse, les yeux perdus dans le vague. Je ne dis rien jusqu'à ce qu'on arrive devant chez ses parents. J'avais retrouvé le chemin sans problème et même la place où je stationnais autrefois. Quand je coupai le moteur, elle abandonna son point lointain pour me fixer. Son regard était grave et je pouvais presque sentir le sang battre plus vite dans ses veines. Elle aussi, elle revivait des souvenirs.

Je soutins son regard, puis je sortis quelque chose de la poche de mon blouson.

- Tiens, dis-je. C'est un double des clés d'l'appartement. Tu y viens quand tu veux. Et si tu veux juste t'offrir une petite pause au milieu d'tes révisions, dans la s'maine, tu peux.

Elle fixa un moment la clé dans le creux de ma paume et je la sentis hésiter. Pourvu qu'elle accepte ! Pourvu qu'elle accepte...

Elle finit par la prendre, la regarda un instant avant de bien refermer ses doigts dessus et de la glisser dans sa poche. Puis elle releva son visage vers moi et me dit :

- D'accord. Je ne sais pas... Je ne sais pas quel jour je viendrai. Je... J'ai besoin d'un peu de temps, Stair.

Sa voix flancha sur ses derniers mots. Je l'attrapai et la fis asseoir sur mes genoux, la serrant fort contre moi. Elle noua ses bras autour de mon cou et je sentis ses doigts effleurer ma nuque.

- Je sais. Moi aussi. Va à ton rythme. Moi, j'vais suivre.

Elle me serra fort contre elle, avant de me relâcher un peu. Puis leva son visage vers moi.

- Il y a... beaucoup de choses dont il faudra parler.

J'acquiesçai.

- Mais pas tout de suite. Je veux dire... Je dois vraiment me concentrer sur mes examens.

- Oui, bien sûr. Tu pourras tout m'dire. Tout c'que tu peux garder comme blessures, comme questions. Tout.

Elle hocha simplement la tête, le regard encore grave. Puis elle sourit doucement et m'embrassa. Après notre baiser, je reposai mon front sur le sien, plongeant mon regard dans ses beaux yeux bleus.

- Je t'aime, Ally. Je serai là.

Elle ne dit rien, mais je vis bien que sa gorge se serrait. Elle dénoua notre étreinte, puis sortit de la voiture. Je la suivis du regard jusqu'à ce que la porte d'entrée de la maison se referme sur elle. Puis je partis.

Ally

La maison était silencieuse. Mes parents, mon frère et ma sœur devaient être sortis. Je traversai l'entrée pour gagner le salon et m'assis dans le canapé. Mon cœur battait assez fort. Je fermai un moment les yeux pour calmer mes émotions. J'en avais vécu beaucoup en moins d'une journée. La veille, à la même heure, j'étais bien loin d'imaginer ce qui allait arriver. J'étais à des milliers de kilomètres de penser que Stair aurait écrit une chanson pour moi. Et même qu'il avait des sentiments pour moi. Il ne l'avait jamais laissé entendre et j'avais finis par croire que notre relation, pour lui, n'était qu'un simple flirt.

Il m'aimait. Il venait de me le dire. De le prouver aussi. Il m'aimait...

J'avais encore du mal à le réaliser. Oui, vraiment, j'allais avoir besoin d'un peu de temps pour mettre tout cela en ordre. Mes émotions, mes propres sentiments... Même si je ne doutais pas de l'aimer encore. Mais est-ce que ce serait suffisant pour repartir ? Pour être ensemble ? Prendre le temps me paraissait être l'essentiel cet après-midi-là.

J'ignorais encore ce qu'il avait traversé, ce qui s'était produit exactement avec Maggie. Tout ce dont je pouvais avoir une petite idée, c'était que Jenna avait joué un rôle dans sa prise de conscience. Et peut-être même l'avait-elle incité à écrire la chanson. J'en parlerais avec elle, plus tard. Après mes examens.

Car il me fallait me reconcentrer sur cet objectif. Si, peu auparavant, je m'étais fâchée contre moi-même en me disant que Maggie ne devait pas détruire ce que j'avais reconstruit, que je ne devais avoir en ligne de mire que mon projet professionnel, que je devais, encore et toujours, m'y raccrocher, aujourd'hui, cet objectif devait demeurer ma priorité. Comme je l'avais dit à Stair, nous parlerions de tout cela, de nous aussi, après. Il l'avait accepté sans rechigner, voulant m'aider le mieux possible, à sa façon.

Je me laissai aller contre le dossier du canapé, fermai les yeux. Je le revoyais sur scène, et surtout, quand ils avaient joué Reviens !. Qu'il était beau... et bouleversant. Je ne pouvais pas rester insensible, c'était impossible.

- Ally ?

Je rouvris les yeux, surprise d'entendre la voix de ma mère.

- Ca va, ma chérie ?

Elle se tenait debout, à ma droite. Sa voix et son regard étaient inquiets.

- Oh, maman !

Elle s'assit aussitôt près de moi et me prit dans ses bras. Je pleurai à nouveau. Elle passa ses mains dans mon dos, me caressant avec tendresse.

- Maman... Je... Ca va. Ne t'inquiète pas, réussis-je à articuler. Stair...

Je l'entendis soupirer. Elle devait se demander si de l'avoir revu ne m'avait pas affaiblie à nouveau, si je souffrais encore.

- Il... Maman... Il a écrit... une chanson... pour... pour moi...

Et nouvelle vague de larmes. Elle me serra plus fort contre elle, je pus sentir son soulagement. Elle me laissa pleurer un moment, avant de me demander :

- Tu étais avec lui, cette nuit ?

- Oui, répondis-je. Il... Il m'a dit... qu'il m'aimait.

Je m'écartai lentement, elle dénoua son étreinte. Je fouillai dans la poche de mes jeans pour en sortir un mouchoir qui avait déjà bien servi au cours des dernières heures, essuyai mes yeux. Puis je la regardai :

- Il faudra qu'on parle, lui et moi. Je lui ai dit que j'avais mes examens, que je devais me concentrer dessus, que c'était mon objectif pour les deux semaines à venir et qu'après... Après, on verrait.

- Et il était d'accord ?

- Oui.

- Alors, c'est bien. J'espère qu'il est plus clair dans sa tête, maintenant, soupira-t-elle.

- Je crois que oui.

Je remis le mouchoir dans ma poche, puis en sortis la clé qu'il m'avait laissée, la fixai un moment avant d'expliquer :

- Il m'a laissé la clé de chez lui. Il m'a dit que je pouvais y aller quand je voulais.

- Oh... Bien...

Maman n'avait pas l'air de savoir trop quoi dire, peut-être doutait-elle des intentions de Stair. Tout cela était si subit pour elle aussi ! Elle devait encaisser ce choc...

- Tu n'es pas sortie avec papa ? demandai-je, un peu étonnée qu'elle se soit trouvée à la maison.

- Non, je voulais rester à la maison pour ton retour. J'étais... inquiète, Ally.

Je lui souris doucement :

- Je suis désolée. J'aurais dû t'envoyer un message...

- Je crois que tu avais mieux à faire, ma chérie, fit-elle en me reprenant un instant contre elle. Veux-tu manger quelque chose ?

- Ca va... On a pris un brunch ce midi. Je crois que j'ai pillé son frigo... souris-je plus franchement.

Cela l'amusa aussi et j'ajoutai :

- Mais je veux bien prendre un petit goûter. Et après, je me remets dans mes révisions.

Nous gagnâmes alors la cuisine. Maman fit du thé et nous mangeâmes une part du cake qu'elle avait préparé ce matin. Nous parlâmes encore un peu, je lui racontai plus en détails la soirée, le concert. Je lui dis que Jenna avait été avec moi tout le temps, du moins jusqu'à ce que je parte avec Stair, et cela la rassura un peu plus.

**

Je gagnai ma chambre et entrepris de me remettre dans mes révisions. Pas évident après ce que je venais de vivre, mais je devais garder cet objectif en tête. La session d'examens débutait mercredi et pour deux semaines. Demain et mardi, nous avions deux possibilités : soit nous rendre à l'école pour réviser, faire des exercices, recevoir les conseils de nos professeurs, ou bien rester chez nous pour travailler à notre rythme. J'avais fait le choix d'aller à l'école les deux matinées et de travailler à la maison l'après-midi.

Avant de me remettre dans mes cours, je jetai un coup d'œil à mon téléphone. J'avais reçu un petit message de Jenna.

Coucou Ally, est-ce que tout va bien ? Appelle-moi si tu veux, sinon, tiens-moi juste au courant. Tu me redis pour tes révisions, je ne travaille pas mardi, je peux passer ce jour-là si tu veux ! Bises et bonne fin de dimanche. Jenna

Je lui répondis aussitôt, devinant qu'elle devait être inquiète et peut-être qu'elle soulait Lynn à ce sujet d'ailleurs. Je souris à imaginer ce dernier levant les yeux au plafond en tentant de rassurer Jenna en lui disant que Stair était un grand garçon, que j'étais une grande fille et qu'on allait très bien se débrouiller tous les deux. Bon, ce n'était pas faux, mais je ne savais pas encore si on allait si bien se débrouiller que cela. Je l'espérais, mais ça attendrait un peu.

Coucou Jenna, je suis rentrée à la maison il y a une petite heure. J'ai parlé avec maman et je me mets dans mes révisions. Ca va, je te rassure. Ne t'inquiète pas pour moi. On n'a pas vraiment parlé de tout cela, Stair et moi. Je lui ai demandé d'attendre pour après mes examens. Je veux me concentrer dessus et il l'a bien compris. Donc la suite de l'histoire dans deux semaines à peu près... Félicite Lynn pour le concert d'hier soir. C'était vraiment chouette de les revoir sur scène, j'espère qu'il est content de leur prestation. Tu peux venir à la maison en début d'après-midi mardi, si ça te va ! Merci et bises. Ally

Elle me répondit bien vite :

Contente de savoir que ça va bien de ton côté. Vous faites bien d'attendre pour discuter, Stair et toi, le moment n'est pas trop propice pour toi et je suis certaine qu'il le comprend. Je suis même sûre qu'il va vouloir faire le mieux pour toi, en fonction de toi. Lynn est très heureux de leur concert. Ca lui a fait du bien de jouer à nouveau devant du public. Ils n'ont pas débriefé encore, ils doivent se retrouver demain à la salle de répétition. Bises et à mardi après-midi. Jenna

Je souris à la lire et j'ouvris mon premier classeur. Je devais reprendre le fil de mes révisions. C'était cela l'objectif, maintenant.

En me couchant, cependant, je regardai la clé que Stair m'avait donnée. Si ce n'était pas un gage de confiance, ça... Et c'était aussi de cela dont j'allais avoir besoin, pour le retrouver et pour que l'on reparte sur de bonnes bases. Jenna avait raison de dire qu'il fallait qu'on se donne un peu de temps.

Stair

Après avoir déposé Ally chez elle, je rentrai directement chez moi. On avait prévu de se retrouver seulement lundi après-midi entre Dark pour parler du concert. Du peu que nous ayons échangé dans la loge, on était tous heureux de notre prestation, d'avoir renoué avec le public. Cette sensation était, pour moi, couplée au bonheur fou d'avoir retrouvé Ally, d'avoir réussi à lui faire passer le message, à travers la chanson. Bien sûr, nous prendrions le temps, je me sentais aussi un peu déboussolé, maintenant, comme elle. Bien sûr, nous parlerions et j'étais prêt, comme je le lui avais promis, à répondre à toutes ses questions. Mais elle avait raison de dire que nous avions besoin d'un peu de temps.

Je n'avais rien de particulier à faire chez moi, mais je n'avais pas envie de sortir non plus. Mon appartement était assez dépouillé. Il était plus grand que le précédent - aucune commune mesure -, avec trois pièces : une cuisine, une belle chambre et la salle de bain. Plus la petite entrée. Je m'y sentais plutôt bien, la rue était tranquille.

Et maintenant, j'y avais des souvenirs avec Ally. Des vrais. Des beaux.

Je gagnai la chambre. Ma basse était rangée à sa place, contre un des murs. Je la pris et m'installai sur le lit, là où je m'étais assis pour tenir Ally dans mes bras, après la séance de démêlage et de coiffage de mes cheveux.

Et je jouai, lentement, doucement, ma ligne de Reviens !. Dans un tout autre esprit que la veille, au concert. J'étais plus serein, plus heureux et plein d'espoir.

Ally était revenue.

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