Chapitre 32 : Tout se dire
Stair
Nous étions dimanche après-midi. Cela faisait quatre jours qu'Ally avait terminé ses examens et nous avions depuis passé presque tout notre temps ensemble. Elle était sortie un peu, prendre l'air, voir Jenna également, alors que je répétais avec le groupe.
Ce dimanche, nous étions seulement tous les deux et je l'avais emmenée sur la côte, au-delà de Chester, à Colwyn Bay, en balade. Il faisait beau, mais il y avait du vent et ses cheveux ne cessaient de voleter autour de son visage. Je lui avais pris la main et nous marchions depuis un bon moment, le long de la grande plage. Nous finîmes par trouver un endroit tranquille, éloigné des principaux accès. Les familles se groupaient plus près des escaliers et des chemins à travers la dune. Je m'assis sur le sable et elle s'installa face à moi, passant ses jambes par-dessus mes cuisses. Je l'enlaçai alors qu'elle tournait son visage vers la mer tout en appuyant sa tête contre mon épaule.
Ally était désormais en vacances, totalement libérée de ses études, jusqu'à la prochaine rentrée. Les résultats devraient lui parvenir d'ici une semaine. J'avais donc fait le choix, au cours de ces quelques moments, de lui favoriser un peu de détente. Et ce jour, je ne pensais pas à plus. Ce fut elle qui provoqua notre discussion.
- Stair, il faut que tu m'expliques ce qui s'est passé avec Maggie.
Je déglutis car je ne m'attendais pas à ce qu'elle attaque ainsi, tout de go. Mais il fallait crever l'abcès et même si la vérité était douloureuse, elle était nécessaire pour rétablir la confiance et nous permettre d'avancer. Les quelques moments que nous avions passés ensemble ces deux dernières semaines n'étaient pas suffisants, loin de là. Ils n'étaient que des moments agréables, mais ne permettaient pas de reconstruire des bases solides.
- Je vais essayer... de tout t'dire. C'est quelqu'un dont j'aimerais ne jamais avoir croisé la route et pas seulement pour le mal qu'elle t'a fait et que j't'ai fait à cause d'elle. Et... Et de moi aussi. Pardon, chuis un peu brouillon...
Elle me sourit et caressa mon bras, comme pour m'encourager à continuer.
- Il ne s'est pas passé grand-chose avec elle, dis-je avec courage en la fixant droit dans les yeux. On pourrait vulgairement qualifier cela de "coup d'un soir".
- Le soir du concert ? Quand je l'ai vue t'embrasser ? demanda-t-elle étonnée.
- Non...
Je n'étais pas fier de moi. D'avouer à Ally que je l'avais trompée alors qu'on était encore ensemble... Mais j'avais promis de tout lui dire. Elle avait besoin aussi de mes aveux pour me refaire confiance, c'était important. Alors, je me lançai.
- C'était trois jours avant ce concert. Ruggy m'avait demandé un service, après une répétition, de l'aider pour une livraison en banlieue. J'chuis allé avec lui et sur le retour, j'ai accepté sa proposition d'aller boire un verre et manger un morceau dans un pub. C'que je regrette d'avoir accepté, tu sais... Enfin. Bref. Nous étions dans ce pub. Ca faisait un moment que Ruggy avait repéré Maggie. Quand j'y pense, j'me dis que c'était l'attirance des extrêmes. Deux paumés à leur façon. Il savait qu'elle allait souvent dans ce pub, c'est pourquoi il l'avait choisi. On avait déjà bu un peu, la soirée s'avançait. Elle est arrivée à c'moment-là, il l'a invitée à boire un verre avec nous, puis elle a proposé d'aller chez elle, pour nous faire fumer de son herbe. Un arrivage spécial, avait-elle précisé. Ruggy était partant, moi, pas trop chaud. Mais bon, Ruggy n'était vraiment plus en état de conduire, alors j'ai pris le volant et je suis monté avec eux. Puis là... Ca a dérapé. On a picolé encore, elle a fait tourner un pétard. Ruggy s'est très vite écroulé et moi, j'commençais à partir. Y'a juste eu un truc avec elle, Ally. Mais j'étais trop dans les brumes pour lui résister. J'me suis réveillé quelques heures plus tard, Ruggy et Maggie n'étaient plus dans la pièce, chuis parti pour aller bosser.
- Je vois... fit-elle alors que je marquais un temps de silence. Juste... Ca ?
- Oui, reconnus-je. J'en suis franchement pas fier, mais ça m'a servi d'leçon : j'fais gaffe avec les pintes et j'touche qu'à ma propre herbe. Et j'toucherai jamais à rien d'autre, c'est sûr.
- C'est déjà ça, fit-elle. Mais alors, pourquoi elle t'a embrassé au concert ?
- Chais pas. Elle m'a sauté dessus alors que je m'y attendais pas du tout. Je l'ai repoussée aussitôt...
- Tu l'as repoussée ?
- Oui. T'as pas vu ça ?
- Non... reconnut-elle avant de m'expliquer : J'étais un peu loin, je te cherchais. A un moment, j'ai entendu le rire de Snoog, je me suis dirigée dans cette direction, puis je t'ai aperçu, juste au moment où Maggie t'attrapait...
Elle secoua la tête, une perle d'eau embruma un instant son regard. Je la serrai doucement contre moi.
- Je l'ai juste vue t'embrasser. Après, il y a eu du monde à passer devant moi et puis... J'étais tellement choquée que j'ai fait demi-tour, j'ai réussi à sortir de la salle alors que tout le monde y entrait et je suis retournée chez moi. Je ne voulais plus rien voir de tout ça... Pour moi, Maggie avait été la plus forte.
- Elle est pas forte, dis-je avec assurance.
Puis je gardai le silence, revivant la terrible soirée qui avait conduit Ruggy sur un lit d'hôpital, dans un coma dont il n'était toujours pas sorti. Mon cœur se serra encore et sans doute se mit-il à battre plus vite. Ally dut le sentir, car instinctivement, elle resserra son étreinte autour de mon torse. L'heure était aussi venue de lui raconter ce qui s'était passé.
Je repris alors, lentement :
- Maggie est dev'nue un repoussoir pour nous tous. Je sais pas c'que Jenna t'a raconté, mais... Mais j'pense que c'est à cause d'elle que Ruggy s'est planté en moto. Et les gars pensent comme moi.
Je la sentis frissonner.
- Jenna ne m'avait pas dit cela, fit-elle en écarquillant un peu les yeux. Elle m'a juste prévenue, alors que vous étiez encore à Londres, que Ruggy avait eu un grave accident. Puis elle m'a donné des nouvelles, par la suite. Mais j'en ignore les circonstances exactes. Hormis que c'est arrivé de nuit et qu'il pleuvait fort.
- Oui, c'est arrivé ainsi. Mais s'il est parti en pleine nuit, après notre dernier concert, c'est parce qu'il s'était disputé avec Maggie. Il sortait avec elle à c'moment-là.
Elle secoua doucement la tête.
- Tu le savais ? osai-je demander.
- Je m'en doutais. Continue.
J'appréciai qu'elle m'encourageât à raconter cette nuit-là, ces heures-là. J'en avais très peu parlé, quasiment pas avec Lynn et Snoog, vaguement à Gordon, et un tout petit peu avec Jenna. Et soudain, je compris que j'avais vraiment besoin de me confier. Et qu'Ally était la personne à laquelle je voulais, je pouvais raconter tout cela.
Me confier et m'en libérer.
- A l'hôtel, j'étais dans la chambre voisine de la leur. Quand nous sommes rentrés après l'concert, on a mangé un morceau, puis on est chacun monté s'coucher. Personnellement, j'tenais à peine debout. Le concert avait été génial, mais nous étions crevés par la tournée. Le rythme avait été d'enfer, nous avions joué parfois tous les soirs, allant d'une ville à l'autre, sans journées de détente ou très peu. Il n'y a eu qu'en Irlande que nous avions pu souffler un peu. Bref, ça faisait pas très longtemps que j'avais r'gagné ma chambre quand j'ai entendu des portes claquer et des gens crier dans le couloir. J'étais déjà allongé sur mon lit, pas loin de m'endormir. J'ai reconnu la voix de Maggie, un peu hystérique. Puis Ruggy criait aussi, elle l'a giflé, du moins, j'pense que c'est c'que j'ai entendu... Puis plus rien.
Je marquai une petite pause, puis je poursuivis :
- Tu sais, j'm'en veux terriblement de pas être sorti sur le palier à c'moment-là, de pas être intervenu, ne serait-ce que pour calmer l'jeu. Peut-être que ça n'aurait servi à rien, mais peut-être que Ruggy m'aurait écouté et se s'rait calmé, un peu. Et, au moins, il s'rait pas parti... pour pas revenir.
Elle me serra dans ses bras un moment, puis je poussai un long soupir avant d'ajouter :
- Voilà donc la raison pour laquelle on veut plus voir Maggie, ni entendre parler d'elle. On sait tous qu'elle a joué un rôle ce soir-là, qu'elle l'a pas reconnu et qu'elle s'en fiche. Ok, Ruggy s'emportait facilement, c'était pas la première fois qu'il s'mettait en colère et pas la première fois avec elle. Mais...
Je laissai ma phrase en suspens, puis repris mon récit :
- Mais elle est un repoussoir pour moi, encore plus que pour Lynn et Snoog, à cause de c'que j'ai fait. Du mal que j't'ai fait. Mais elle est loin d'être responsable de tout, j'ai grandement ma part aussi. Ally... Quand on s'est rencontré, toi et moi, il s'est passé quelque chose de... de vraiment fort, d'inconnu et... Et c'était très perturbant pour moi. Je comprenais pas c'qui m'arrivait. C'que j'vivais, avec toi, c'était la première fois qu'ça m'arrivait et je pouvais pas vraiment compter sur mes potes pour éclairer ma lanterne. Lynn n'avait pas encore rencontré Jenna...
Je gardai un instant le silence, cherchant des mots plus justes, m'efforçant de clarifier mes idées, mais surtout, de bien traduire les sentiments que j'éprouvais à l'époque. Je lui dis l'inconnu, ce qui me déstabilisait, la peur aussi, et l'impression que si ça devenait trop sérieux, je perdrais un des fils directeurs de ma vie. Je devais penser à la musique, au groupe, à la vie de bohème que nous pourrions mener. Les concerts, les tournées, des disques peut-être. Une vie de fête aussi. Des filles, de l'alcool, des joints, voire d'autres trucs à essayer. Une liberté que nous n'avions jamais connue et à laquelle nous aspirions très fort tous les quatre. Penser, envisager autre chose n'était pas possible. Si l'un de nous s'écartait de cette route, on se plantait tous. Et ça, ce n'était pas concevable. Mais je ne savais pas que j'avais tout faux.
- En sortant avec Jenna, repris-je, Lynn m'a prouvé, même sans que nous ayons à en parler lui et moi, que j'm'étais trompé sur toute la ligne. Que c'que j'pensais être un chemin de traverse était en fait le vrai chemin et le seul possible. Quand... Quand j't'ai revue, au Blue Limon... Tu étais là, tu m'attirais terriblement, je pouvais pas regarder ailleurs... Et tu te détournais de moi. Je t'en veux pas d'l'avoir fait, pas du tout. Ca m'blessait, mais je savais que j'méritais cette blessure. J'me sentais vraiment minable. J'me disais que jamais, jamais Lynn n'aurait fait cela à Jenna. Mais qu'un crétin-connard fini comme moi, je l'avais fait. A toi.
Je m'arrêtai et mon regard se perdit au loin, sur la mer. Ally me caressait toujours le bras et nicha un peu plus son visage contre mon torse. Je resserrai mon étreinte autour de ses reins, appréciant la caresse de ses boucles blondes sur mes joues. Ce fut elle qui reprit la parole :
- Tu sais, j'ai beaucoup hésité... après l'accident. Plus d'une fois, j'ai été tentée de t'appeler, de prendre de tes nouvelles, de savoir comment tu vivais... tout ça. Je n'en ai pas eu le courage. Ou peut-être que j'ai eu le courage de ne pas le faire, soupira-t-elle.
- Ca m'touche beaucoup c'que tu m'dis là, fis-je. J'ai pris conscience, aussi, après tout ça, combien j'aurais aimé qu'tu sois là. Jenna nous a portés pendant des semaines, soutenus, bousculés quand il le fallait, écoutés aussi quand on réussissait à parler... Mais si t'avais été là, si je t'avais pas éloignée de moi, je sais qu't'aurais été présente et ça m'aurait aidé.
Je marquai un petit temps de silence, puis continuai. Ce que j'avais à lui dire encore était important à mes yeux :
- Peut-être que j'aurais dû insister, Ally, pour te parler. Te dire combien j'regrettais c'que j'avais fait et que j'espérais que tu pourrais m'pardonner. Je t'en veux pas de t'être protégée, je comprends qu'tu l'aies fait. C'est Jenna qui m'a expliqué cela...
- Je ne voulais pas que Jenna te parle, tu sais, dit-elle. Mais elle a passé outre...
- Tu... Est-ce que tu r'grettes qu'elle l'ait fait ? demandai-je.
- Non. Non, elle a eu raison. Mais ça va être dur, Stair. J'ai peur. J'ai peur de ne pas réussir à te faire confiance à nouveau. De flancher. Peut-être de faire des scènes de jalousie ou je ne sais quoi...
- On a dit qu'on irait lentement, Ally, lui rappelai-je. Qu'on prendrait le temps de s'retrouver.
- Oui, c'est vrai. Mais... Tu vas bientôt partir, fit-elle remarquer en levant son visage vers moi. Avec cette mini-tournée. Puis vous irez à Londres. On ne va pas se voir beaucoup...
- Est-ce que tu as réfléchi à ma proposition, pour cet été ? De venir avec nous ? Comme Jenna ?
- Je dois t'avouer que c'est très tentant. Et je me dis que ça pourrait être une bonne opportunité pour qu'on se retrouve tous les deux aussi, sans être à Manchester. Et ça me permettrait de voir si je me fais à la vie du groupe. Jenna s'y est bien habituée, je sens bien qu'elle est dans son élément avec vous, mais moi... Je ne sais pas.
- Ce serait en effet une bonne occasion. Surtout que le rythme ne sera pas soutenu comme celui de la tournée du premier album, rajoutai-je. Et on ne sera pas nombreux : deux gardes du corps et chauffeurs, Gordon, l'ingé-son, nous quatre et Jenna. Et toi en plus. Pas de techniciens, on fera avec ceux qu'il y aura sur place, notamment dans les festivals. Et les salles dans lesquelles on pourrait jouer ont du personnel. On sera vraiment en petit comité, presque... en famille, en fait.
- Je vais encore réfléchir, Stair. Je voudrais être assurée d'avoir mes examens avant de prendre une décision.
- Je comprends. Et c'est plus raisonnable.
Ally
Maintenant que mes examens étaient terminés, je ne voulais pas tergiverser plus longtemps et je voulais qu'on fasse le point, Stair et moi. Qu'il me dise notamment ce qui s'était passé avec Maggie. Je voulais pouvoir passer par-dessus cette histoire, la relativiser peut-être et surtout m'assurer qu'il n'avait pas eu de sentiments pour elle.
Je ne m'attendais pas cependant à apprendre qu'il s'était finalement passé fort peu de choses et surtout qu'il n'avait aucune intention de nouer la moindre relation avec cette fille. Elle l'avait piégé, il s'était fait piéger... Connaissant Maggie, j'imaginais sans peine comment elle avait procédé. Sans compter ce que Stair m'avait révélé de l'accident de Ruggy et du rôle qu'elle avait joué.
Même si notre conversation avait dévié sur le projet de mini-tournée et sur la possibilité que j'aille avec le groupe, j'étais encore marquée par les aveux de Stair. Un moment, malgré l'étreinte de ses bras, je frissonnai. Et le vent venu du large n'y était pour rien. A moi de parler, maintenant.
- Jenna... m'a raconté qu'elle t'avait parlé. De moi, repris-je.
- Oui, dit-il. Elle m'a dit que tu n'allais pas bien. A cause de moi. Et ça... Ca m'était insupportable, Ally. Je pensais... Je pensais tellement que tu voulais plus me voir, me parler... Que j'étais plus rien pour toi. Je pensais pas qu'tu souffrais. Tu le cachais bien... Même si je reconnais que j'ai pas insisté pour l'mesurer.
- Je ne voulais pas que tu voies ma peine. Je me disais que j'étais la seule à souffrir, puisque j'étais la seule à avoir eu des sentiments. Que pour toi, c'était facile parce que tu ne m'aimais pas... J'avais tout faux, fis-je en ayant bien du mal à retenir le sanglot naissant dans ma gorge.
- Ally... fit-il en plongeant sa tête dans mon cou. Ally... Franchement... J'crois qu'on a été super-nul.
Sa réaction était à la fois tellement attendrissante et surprenante que j'en éclatai de rire. Et mon sanglot se perdit dans mon rire. Il redressa son visage, un mince sourire s'afficha sur ses lèvres. Je secouai la tête et dis :
- Oui, je crois qu'on peut le dire ainsi. On a été super-nul. Heureusement que tu es meilleur avec ta basse.
- Et toi avec une armée de seringues.
Nous rîmes encore. Cela faisait du bien. Puis, quand nos rires se furent un peu calmés, il m'embrassa longuement.
- Je t'aime, Ally. Je le dirai autant qu'il le faudra... Ne l'oublie pas. Jamais.
- Promis, fis-je à nouveau émue. Promis. Moi aussi, je t'aime.
Je me blottis un instant contre lui, regardant à nouveau vers la mer. Elle était d'un beau bleu profond, les vagues chargées d'écume s'éclataient sur le sable. Avec le vent, c'était beau. Une vraie belle journée d'été, comme nous pourrions peut-être en vivre en Ecosse.
- Il faut encore que je te parle de Maggie, soupirai-je. Je dois crever l'abcès...
- Normal, pour une future infirmière, me dit-il avec sérieux même si ses mots pouvaient s'apparenter à une boutade.
- Elle... Elle m'a fait du mal. Et pas seulement il y a deux ans.
Cette fois, ce fut lui qui frémit.
- Le jour où Jenna t'a parlé... Enfin, plutôt la veille, pendant mon service au Blue Limon. Elle est arrivée avec une bande de copains et de filles aussi stupides et vulgaires qu'elle. Et elle a commencé à parler de vous tous. Et surtout de toi. Qu'elle se remettrait bien avec toi, qu'elle ferait tout pour ça... Je t'en passe, et des meilleures. Que t'étais le meilleur coup qu'elle s'était jamais fait...
- Ah putain... Tu l'as crue ? fit-il en ouvrant de grands yeux ébahis.
- Je ne peux pas dire que je l'ai crue. J'ai surtout eu très mal... Je pensais... Je pensais avoir avancé, j'arrivais à parler de toi de temps en temps avec Jenna, à prendre de tes nouvelles par rapport au groupe, tout ça... sans que ça me pèse. J'avais bon espoir de pouvoir tirer un trait, bientôt, sur toute cette période. Ce qu'a déblatéré Maggie, ça m'a vraiment fait mal. Le lendemain, j'ai vu Jenna et je lui ai tout raconté. Je ne lui avais jamais parlé de nous avant, elle est tombée des nues...
- Hum, j'comprends mieux pourquoi elle est venue me parler, alors.
- Elle voulait faire quelque chose... C'est Jenna, tu sais.
- Ouaip. M'étonne pas d'elle. Elle veut toujours apporter du soutien aux gens qu'elle aime. C'est dans sa nature.
- Oui, souris-je. Enfin, voilà. Je voulais que tu saches cela aussi. Ce que Maggie avait dit sur toi.
- J'pense qu'elle a raconté que des conneries.
- Elle a parlé des autres aussi... Ca aussi, ça m'a fait de la peine. La façon dont elle parlait de vous tous. Elle a dit... que Ruggy n'était qu'un pauvre type. Que Lynn était très con et Snoog...
Je m'arrêtai, prenant soudain conscience du risible de la situation. Et qu'en effet, Maggie n'avait raconté que des conneries.
- Qu'est-ce qu'elle a dit sur Snoog ? demanda Stair alors que j'avais laissé ma phrase en suspens.
- Qu'il était tout en gueule... complétai-je.
Il rejeta sa tête en arrière en éclatant de rire :
- Alors, ça, c'est vraiment la meilleure... Elle doit bien être la seule fille à dire ça !
- C'est vraiment stupide, n'est-ce pas ?
- Ouaip. Et... N'y pense plus, Ally. Pense plus à ce qu'elle a dit. Ne te fais pas de mal avec ça, ok ?
- Oui... Oui, je savais bien que c'était son but, mais j'ai tout pris en pleine figure... De t'en parler, je me rends compte que c'était juste cela qu'elle voulait : raconter tout et n'importe quoi à condition que ça fasse mal.
- J'pense qu'en effet, c'était ça qu'elle voulait. Elle s'mettra plus jamais entre nous, j'te l'promets. De toute façon, on veut plus la voir dans les parages. Et puis... Pas qu'elle. Aucune autre fille, Ally. Promis.
Il dit cela en me regardant droit dans les yeux. Et je lus dans ce regard tant d'amour et de sincérité que je sus que j'allais pouvoir avancer encore.
Lui faire à nouveau confiance.
Stair
Je tenais Ally dans mes bras. Mon lit ne ressemblait plus à grand-chose, les draps étaient bouchonnés à nos pieds. Elle était blottie, enroulée autour de moi. Je goûtais à ce bonheur infini de la retrouver, de la serrer contre moi, de sentir son souffle sur ma peau, son cœur battre contre le mien.
Après notre balade à Colwyn Bay, nous étions rentrés à l'appartement. Nous avions fait l'amour. En fait, on pourrait résumer notre vie, au cours de ces journées, à ça : faire l'amour. Rattraper le temps perdu, nous retrouver. Partager enfin, vraiment, complètement, nos sentiments. Et les laisser s'exprimer pleinement.
Cela nous avait fait du bien de parler. Sans doute aurions-nous encore des choses à nous dire, sur ce que nous avions fait au cours de ces deux années, comment nous les avions vécues. L'impossibilité d'oublier l'autre, la douleur à se dire qu'on devrait vivre sans... Ce chemin ardu que nous avions parcouru. Mais cela viendrait en son temps, petit à petit. Le plus important, à ce jour et à mes yeux, était qu'Ally puisse me pardonner. Et comprenne que Maggie n'avait été rien d'autre qu'un accident de parcours...
- Ally, lui murmurai-je au creux de l'oreille. Je t'aime... Tu sais... J'voulais t'dire un truc.
- Hum... Quoi ? fit-elle d'une voix encore alanguie par le plaisir que nous venions de partager.
- T'es la seule qui peut toucher ma salamandre. Chuis pas un saint, j'ai eu quelques aventures durant la tournée... mais j'ai pas laissé ces filles la caresser. Y'a que toi qui peux le faire.
- Stair... fit-elle et je sentis bien qu'elle était émue. Moi... Je n'ai pas pu. Je veux dire... passer du temps avec quelqu'un d'autre. Il n'y a eu personne d'autre que toi depuis... Depuis qu'on s'est rencontré. Je ne dis pas que ça aurait continué à être le cas durant longtemps, mais...
Je m'écartai un peu et la fixai.
- Je t'aime, Stair. Je ne pouvais pas...
Une larme était en train de perler à ses paupières. Je la bus avec délicatesse, puis je l'embrassai à nouveau en la serrant fort contre moi.
- Y'aura jamais personne d'autre que toi, Ally. Promis.
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