Chapitre 37 : Une nouvelle inattendue

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Stair

En cette fin juillet, nous nous trouvions à Perth. Après avoir quitté l'île de Skye, nous avions pris la route du centre et traversé de très beaux paysages. Nous avions dormi une nuit à Aviemore et nous étions baladés dans le parc naturel des Cairgorms. Les filles avaient adoré et ça nous avait fait une bonne bouffée d'air.

Cette dizaine de jours sans concert avait une allure de vacances. Nous ne devions jouer à Perth que dans une semaine et nous en profitions donc pour répéter un peu tous les jours tout en nous offrant des moments de détente. Nous commencions aussi à mettre en musique Mort Ghlinne Comhann, à en préciser la mélodie et surtout à trouver les arrangements, les variations permettant de mettre en avant le texte de Snoog. Ca se faisait tranquillement, nous avancions bien. La chanson plaisait beaucoup à Treddy ; quant à Lynn et moi, nous étions aussi bien inspirés par les paysages que nous traversions, les endroits que nous découvrions.

L'après-midi et parfois pour une journée complète, nous visitions les alentours : Pitlochry, Stirling et la côte est. Nous devions jouer à Aberdeen quelques jours après le concert de Perth.

Cela faisait trois jours que nous nous trouvions à Perth et ce matin-là, nous étions en pleine répétition quand nos téléphones à Snoog, Lynn et moi-même sonnèrent en même temps. Nous nous arrêtâmes, un peu surpris. Le même message s'affichait sur nos écrans :

Bonjour les garçons, je voulais vous prévenir que Ruggy est sorti du coma. Il est bien sûr toujours hospitalisé et sous surveillance. Les visites sont possibles. J'espère que vous allez bien, que votre tournée se passe bien. Embrassez fort les filles pour moi.

C'était la maman de Ruggy.

Nous restâmes tous silencieux, puis nos regards à tous les trois se croisèrent.

- Enfin une bonne nouvelle de Ruggy, dit finalement Snoog.

- Oui, dis-je simplement.

Lynn avait tendu son téléphone à Jenna et à Ally, qui étaient assises non loin de lui. Je m'approchai d'elles. Elles hochèrent simplement la tête et ne dirent rien. J'échangeai un regard avec Treddy : il avait compris.

**

On n'avait pas poursuivi la répétition, on ne sentait plus trop l'envie de jouer. Snoog était habité par une nouvelle énergie et je me doutais qu'il allait nous embarquer dans quelque chose. Il était un peu dans le même état que lorsqu'il nous avait présenté Mort Ghlinne Comhann, avec comme une urgence dans son attitude.

Je ne fus donc pas du tout surpris quand, au cours du déjeuner, il nous annonça qu'il allait descendre à Manchester pour voir Ruggy, y faire un saut sur deux jours.

- Si j'pars demain et rentre après-d'main, il restera une journée pour répéter, avant l'concert. Ca l'fait, non ?

- Ouaip, fit Lynn. C'est jouable. Tu comptes prendre le train ? Louer une caisse ?

- Chais pas encore.

- Le plus facile serait de louer une voiture, je pense, intervint Gordon que nous venions de mettre au parfum. Tu irais tout seul ou l'un d'entre vous veut l'accompagner ? ajouta-t-il en nous regardant tour à tour, Lynn et moi. Je peux aussi venir, si vous le souhaitez.

Je laissai Lynn répondre d'abord :

- J'préfère pas y aller maintenant. J'verrai quand on s'ra de retour à Manchester.

- J'peux aller avec toi, fis-je. On peut même partir tantôt. On s'relaie pour conduire, on est à Manchester ce soir sans souci. On va le voir demain et on rentre après-demain.

- C'est jouable.

J'échangeai alors un regard avec Ally, elle glissa sa main sous mon bras, se pencha un peu et demanda :

- Tu veux que je vienne ?

- Si tu t'en sens capable, j'veux bien.

- Ok.

Ally

Avant de prendre la route, j'avais pu échanger avec Jenna. Nous nous doutions bien, l'une et l'autre, que Ruggy était juste sorti du coma, qu'il serait encore lourdement appareillé et notamment, qu'il ne pourrait plus marcher. Pour le reste...

A chaque fois que nous avions parlé de l'état de Ruggy, Jenna et moi, nous en étions venues à la même conclusion : s'il sortait du coma, il serait lourdement handicapé. Au moins physiquement. Pour le reste, la parole, l'intellect, c'était difficile à dire. Le coma pouvait avoir causé des dégâts irréversibles, en plus de l'accident lui-même. Et ce que nous avions aussi bien à l'esprit, c'était que les garçons n'étaient pas du tout préparés à cela. Qu'ils avaient beaucoup de mal à imaginer que le Ruggy qu'ils avaient connu n'existerait plus.

Je n'avais donc pas hésité une seule seconde quand Stair m'avait demandé de les accompagner, Snoog et lui. Gordon décida de venir également et, dès le repas terminé, alors que nous préparions rapidement quelques affaires, il se débrouilla pour louer une voiture confortable. Il voulait que nous ayons les meilleures conditions possibles pour faire le trajet, surtout le retour.

Nous arrivâmes à Manchester sans souci en fin de journée, après nous être relayés pour conduire. Gordon nous déposa d'abord chez Stair, puis conduisit Snoog chez lui. Nous passâmes une soirée tranquille, Stair et moi. Il ne voulait pas parler de Ruggy, aussi évitâmes-nous le sujet. Gordon vint nous chercher le lendemain en début d'après-midi pour aller ensemble à l'hôpital, les visites n'étant de toute façon pas possibles le matin. Même si je m'étais préparée au mieux, j'étais bien contente que Gordon soit là.

L'infirmière qui nous accueillit accepta que nous entrions à trois dans la chambre, j'accompagnai donc Snoog et Stair. Comme je m'y attendais, Ruggy était entouré par des appareils compliqués qui surveillaient ses constantes. Il était allongé sur son lit. Ses fractures s'étaient résorbées et il ne portait plus aucun plâtre. Il était encore cependant branché de partout, avec une perfusion et de nombreux capteurs. J'en évaluai très vite l'utilité.

- Salut Ruggy, comment tu vas, vieux ? fit Snoog en approchant du lit, alors que Stair et moi restions légèrement en retrait.

J'avais noué mes doigts aux siens et me tenais la plus proche possible de lui. Il ne quittait pas Ruggy des yeux.

Snoog tira une chaise et s'assit près du lit, fixant leur ami. Ruggy avait les yeux ouverts, mais son regard n'accommodait pas. On aurait pu avoir l'impression qu'il n'avait pas entendu Snoog.

- T'es réveillé ? T'as dormi longtemps, mon pote... Nous, ça va. On est v'nu t'voir avec Stair et Ally. Jenna et Lynn te font la bise. Ils viendront t'rendre visite plus tard.

Ruggy ne réagissait toujours pas. Ca me faisait mal pour Snoog qui tentait de capter son attention. A ce moment-là, Stair fit quelques pas. Je le suivis. Il se plaça en bas du lit, pour faire face à Ruggy.

- Salut, Ruggy. Chuis là, en effet. Et Ally, aussi.

Il ne dit rien d'autre. J'eus le sentiment qu'il avait compris que c'était inutile. Snoog fit encore une tentative :

- On a écrit des chansons. Pour toi. On t'les f'ra entendre quand elles seront enregistrées. J'pense que tu les trouv'ras belles...

**

Lorsqu'on quitta la chambre, le regard de Gordon se porta tour à tour sur nous trois. Stair alla aussitôt s'écrouler sur une chaise. Il pleurait. Snoog arpenta le couloir en secouant la tête. Je m'assis auprès de Stair, l'entourai de mes bras. Il m'attrapa aussitôt pour me prendre sur ses genoux et enfouir sa tête dans mon cou. Je passai doucement la main dans ses cheveux, pour essayer de l'apaiser. Mon regard croisa à nouveau celui de Gordon.

- C'est dur, réussis-je à articuler à son adresse.

Il hocha simplement la tête : lui aussi avait une bonne idée de l'état dans lequel se trouvait notre ami. Ce n'était pas pour rien qu'il avait décidé de nous accompagner.

Mes mains glissèrent sur les joues de Stair, je parvins à écarter légèrement son visage pour le regarder droit dans les yeux.

- Ca va... aller, baby, me souffla-t-il.

Je l'embrassai alors tendrement, le serrant à nouveau fort contre moi. Puis il m'écarta un peu, je repris place sur la chaise voisine. Il s'essuya les yeux de la paume de la main, puis se pencha en avant, les bras appuyés sur ses cuisses. Snoog venait de faire un nouveau passage devant nous. Saisie par une impulsion subite, je me levai et l'attrapai, le serrant dans mes bras. Il en fut tout surpris, puis il fondit en larmes à son tour. Stair se leva aussi, nous entoura. Puis Gordon nous rejoignit. Je me retrouvai entre tous les trois, mais pour rien au monde, je n'aurais bougé ou tenté de me dégager.

Nous avions tous besoin de ce moment.

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