Chapitre 38 : Deuxième disque, premier écueil
Stair
- Ah putain, les enflures ! Mais les enflures !
Snoog laissait éclater sa colère. Il tournait en rond comme un fauve furieux, allant et venant dans la salle de répétition, un local mis à notre disposition par la salle de concert de Bristol où nous devions nous produire le lendemain. Pour limiter les déplacements et même si nous n'étions pas loin de Manchester, Gordon avait réservé des chambres d'hôtel pour cette petite quinzaine. A chaque fois, nous quittions la ville où nous avions joué le lendemain du concert et passions deux à quatre jours dans la suivante, avant de nous produire. Il avait toujours trouvé le moyen de nous faire répéter : en général, les salles de spectacles possédaient toutes des locaux adéquats.
Jenna était avec nous, assise sur une chaise. En revenant d'Ecosse, il y a quelques jours, nous avions laissé Ally à Manchester : elle voulait reprendre le travail au Blue Limon, pour avoir un peu d'argent de côté pour le début de son année universitaire. Dès que le disque serait enregistré, j'avais bien l'intention de lui faire comprendre que je pouvais largement subvenir à nos besoins financiers à tous les deux et l'aider à finir ses études, comme Lynn le faisait pour Jenna. Mais je comprenais bien aussi son souhait d'indépendance, notamment par rapport à ses parents qui l'aidaient déjà beaucoup. Elle ne voulait pas leur causer de frais supplémentaires. Elle voulait aussi profiter de ces deux semaines avant la rentrée pour réviser.
Lynn, appuyé contre un des murs, avait les sourcils froncés et j'étais certain qu'il bouillait intérieurement, à l'unisson de la colère que Snoog évacuait à sa façon. Treddy avait l'air désolé. Je gardais le silence. Gordon, lui, nous faisait face avec courage et autorité.
- C'est ainsi, Snoog, fit-il de sa voix posée. Vous ne pourrez pas enregistrer cette chanson sur l'album. Les autres ne posent aucun problème, mais pas celle-là.
- C'est d'la censure ! rugit encore Snoog. Pourquoi ? Elle est mal composée ? Qu'est-c'qui les gêne ?
Gordon prit une profonde inspiration et dit :
- Les paroles. Trop politiques. Surtout en ce moment...
- Et pourquoi ?
Gordon reprit une nouvelle inspiration, mais il demeura ferme et précis dans ses réponses, même si elles n'étaient pas faciles à donner :
- Les Ecossais vont bientôt voter pour ou contre l'indépendance et mettre en avant une chanson parlant du massacre de Glencoe, ça ne semble pas une bonne idée.
- Ah ouais ? Et No man's land, ça les emmerde pas, par contre ? Et Dark City quand on fait crever la mère Thatcher, non plus ?
- Non. Pas du tout.
Snoog refit un tour, comme un lion dans l'arène. Il avait le regard mauvais, ne nous regardait pas. Il finit par s'arrêter, par pointer du doigt vers Gordon :
- Ok. Ils nous laissent pas l'choix. Elle s'ra pas sur l'album. Mais j'te préviens, on va la jouer à chaque concert. Et j'dirai bien pourquoi elle est pas sur l'album. J'en ai rien à foutre qu'ils en veulent pas en disque, on la chant'ra quand même. Politique ou pas. Et puis, si l'album et la tournée marchent bien, on se barre du studio de Londres. On monte notre propre studio et on gère tout. Tout c'qu'on peut. Et après, on se casse chez des indés. Rien à foutre de quitter Universal ou Virgin. Les gens s'en balancent de connaître le nom d'la maison de disques. Tout c'qui compte pour eux, c'est qu'le groupe qu'ils aiment sorte un disque. Chez qui, ils s'en tapent.
- Bien sûr. C'est la réaction du public. Mais sans l'argent d'une maison de disques, vous n'y arriverez pas. Pas encore.
Malgré ma propre colère, je comprenais ce que Gordon voulait nous faire passer comme message : faire un compromis, même provisoire. Car nous devions absolument nous reprendre, repartir. Et cela commençait avec l'enregistrement de ce deuxième disque. On avait déjà imaginé l'ordre des chansons, même si on pouvait encore changer d'avis : on ouvrirait avec No man's land, Reviens ! serait au milieu, pour faire comme une respiration, et on terminerait avec Mort Ghlinne Comhann. Dark night figuerait parmi les premières, Regrets en avant-dernière. Les autres chansons, dont Dark City, seraient des plus anciennes.
Snoog n'ajouta pas un mot. Il tourna le dos à Gordon et retourna au micro. Le visage baissé, la respiration un peu rapide, les muscles des bras saillants, il reprenait son calme, seconde après seconde. Lynn abandonna le mur contre lequel il s'était appuyé pour retourner s'asseoir à la batterie. Treddy fit glisser doucement une gamme sur son manche. Je rallumai l'ampli et jouai la même gamme que Treddy.
Et Lynn attaqua avec l'intro de la chanson controversée.
**
- Allo, baby ?
- Stair ! Ca va ?
- Non.
J'étais dans ma chambre. Nous sortions tout juste de cette répétition houleuse.
- Qu'est-ce qui se passe ? s'inquiéta-t-elle aussitôt.
- Gordon vient de nous annoncer une mauvaise nouvelle. La maison de disques ne veut pas qu'on enregistre Mort Ghlinne Comhann. On est tous furieux. On a beaucoup bossé pour la mettre au point, on s'apprêtait à la jouer pour la première fois à Cardiff dans quelques jours...
- Snoog doit être en colère.
- Ouaip. J'sens que ça va être compliqué.
- T'es déçu ? me demanda-t-elle.
- Très. C'est une belle chanson. Treddy la trouve vraiment, vraiment belle et bien écrite. T'as vu comme moi qu'il était très ému quand Snoog nous l'a présentée...
- Oui, je ne peux pas oublier ce moment-là. Surtout que c'était la première fois pour moi que je vous voyais découvrir une nouvelle chanson. C'était un beau moment et j'étais certaine aussi que ce serait une belle chanson, qu'elle répondrait bien à No man's land. Et celle-là, elle ne pose pas de problème ?
- Non. Visiblement, la situation en Irlande du Nord, la maison de disques s'en tape. Mais en Ecosse à quelques mois du référendum... Ils disent que la situation est déjà assez compliquée comme ça, qu'il ne faut pas influencer le vote... C'est nous donner beaucoup de pouvoir, je crois. J'pense pas qu'on influencerait tant les gens. On a du succès en Ecosse, mais bon, on n'est pas non plus un méga groupe phare. J'pense qu'ils sont surtout très frileux.
J'entendis Ally soupirer.
- Tu veux que je vous rejoigne dimanche ? Je me suis engagée pour travailler samedi au Blue Limon toute la journée. Il y a un concert de prévu. Mais je peux venir dimanche...
- Baby, fais pas d'la route pour ça. Ca va aller...
- D'accord, comme tu veux. Mais si tu as besoin, tu me redis d'ici là...
- Ok.
- Sinon, vous en avez parlé entre vous quatre ? Et avec Jenna ?
- Pas encore. On revient tout juste de la répét'. J'voulais te téléphoner, Snoog et Lynn voulaient se poser un moment, prendre une douche... On a prévu de s'retrouver d'ici un p'tit quart d'heure.
- D'accord. Tu me rappelles après ? Ou après votre dîner ?
- Promis.
**
Nous avions convenu de nous retrouver dans la chambre de Snoog. Lynn devait tout juste sortir de la douche, il avait les cheveux encore humides. Jenna avait l'air fermé, inquiet. Treddy semblait désolé. Quant à Snoog... Je doutais que la douche l'ait calmé. Il était à peu près dans le même état qu'à la répétition, quand Gordon nous avait annoncé la nouvelle.
Pour ma part, d'avoir parlé avec Ally m'avait permis de retrouver un semblant de calme. Mais la colère grondait encore et il ne faudrait pas grand-chose pour la réveiller. On s'assit tous, sauf Snoog. Lynn et Jenna sur le petit sofa, moi dans un fauteuil et Treddy à même le sol, dans cette attitude qu'il prenait toujours avant qu'on monte sur scène. Alors que Snoog tournait encore en rond, ce fut Treddy qui prit le premier la parole. Sa voix était très calme :
- On n'a pas le choix. Mais on va faire comme tu dis, Snoog. On va la chanter à chaque fois.
- J'enrage de d'voir plier devant ces connards.
- Les Ecossais ont l'habitude de plier, sourit légèrement Treddy. Mais ils ne rompent pas. Comme les roseaux autour de certains lochs : ils ploient sous le vent, même sous les tempêtes les plus violentes venues de l'océan, mais ils ne se brisent jamais. Il faut faire comme les roseaux.
Snoog le regarda, un peu hébété. Même si les mots et l'attitude de Treddy nous apportaient à tous un certain calme, je sentais que notre ami avait besoin d'évacuer sa rage. Et avec Snoog, je doutais qu'une séance zen serait suffisante. Fallait qu'il trouve une fille pour la nuit. Ou alors, qu'on joue. Mais le concert n'était pas prévu pour ce soir... Restait la fille.
- Treddy a hélas raison, intervint Jenna. Gordon a bien expliqué la situation. Ne lui en veux pas, Snoog. Je suis certaine qu'il s'est battu pour vous, pour cette chanson, autant qu'il lui était possible. Et qu'il est tout autant en colère que nous, qu'il trouve cette décision injuste et stupide.
Jenna, la voix de la raison, avait parlé, profitant de l'intervention de Treddy pour surenchérir dans l'optique de nous calmer. Snoog refit deux tours d'arène - de chambre, pardon. Puis il nous lança à Lynn et moi :
- Et vous deux, vous en pensez quoi ?
- La même chose que toi, fit Lynn. Chuis furieux. Mais j'essaye d'me calmer et d'réfléchir aux solutions qui s'présentent.
- Moi, fis-je, j'pense que Jenna et Treddy ont raison. Faut laisser passer. L'urgence, c'est d'enregistrer le deuxième disque. Ca, on en a tous conscience. Et la maison d'disques le sait aussi.
- Ouais, c'est pour ça qu'ils nous mettent le couteau sous la gorge.
- Ces mecs, c'est du business. Tu sais bien que c'qui compte pour eux, c'est l'fric. Et ils ont engagé du pognon sur nous. On a limité la casse avec les contrats. Mais faut qu'on continue. Et qu'on continue surtout à conquérir le public, poursuivis-je.
Il ne dit rien, j'embrayai alors :
- Et un disque, c'est primordial. Et après, comme tu l'as dit, s'il marche bien et qu'on commence à engranger, on pourra peut-être avoir notre propre studio et plus de liberté. Mais tu sais comme nous, qu'la liberté, ça s'conquiert. Et c'est pas les Ecossais qui diront l'contraire, à mon avis.
Je jetai un regard à Treddy, il hocha la tête.
Après être resté immobile à nous écouter, Snoog reprit son cheminement. A force, il allait user la moquette.
- Bon, fit-il. Faut qu'je sorte. Faut qu'j'aille me vider la tête de c't'embrouille. Qui c'est qui m'suit ?
Lynn et Jenna échangèrent un rapide regard et je ne fus pas surpris d'entendre mon ami répondre :
- J't'accompagne.
- Je viens aussi, dit Treddy en se relevant.
- J'reste avec Jenna, dis-je.
Lynn hocha simplement la tête dans ma direction : nous nous étions bien compris. Il allait veiller sur Snoog, éviter qu'il ne dérape, et moi, je tenais compagnie à Jenna.
**
Nous nous installâmes tous les deux au bar de l'hôtel, à une table tranquille. Il y avait quelques clients désœuvrés, comme nous. Jenna prit un thé, moi une pinte et on commanda juste une belle assiette garnie, en repas. Gordon se trouvait avec le reste de l'équipe technique : il avait bien compris qu'il fallait nous laisser seuls, entre Dark, ce soir. J'avais envoyé un message à Ally pour lui donner les dernières infos. Elle savait que je restais avec Jenna et m'envoya juste un petit message en réponse.
- Tu crois qu'on va faire entendre raison à Snoog ?
- J'pense que oui, répondis-je à Jenna. Il a déjà fait du ch'min. Là, faut juste qu'il encaisse et comme il le dit lui-même, qu'il pense à autre chose. Mais il a déjà un plan d'action en tête.
- Chanter Mort Ghlinne Comhann sur scène...
- Yep. Et j'trouve que c'est une bonne idée : ça va permettre de faire vivre la chanson. Après tout, il y en a d'autres qu'on joue et qui ne sont pas sur le premier disque. Et qui ne seront pas non plus sur le deuxième. Et ça pose pas d'problème.
- C'est vrai, reconnut-elle, mais ce ne sont pas des chansons aussi politiques.
- Mouais, fis-je. Ca dépend. Ce sont des chansons où on parle de la misère des quartiers, d'la jeunesse abandonnée... J'pense que c'est très politique, au contraire.
- Il y a toujours eu des groupes à dénoncer ce genre de choses, Stair. Et ça n'a jamais fait bouger les maisons de disques. Mais d'autres, avec un message politique différent, ont été censurées. Même Imagine a été mise au ban après les attentats à New York !
- C'est vrai, reconnus-je.
La serveuse nous déposa à ce moment-là nos assiettes. Jenna et moi commençâmes à manger. Ca ne faisait finalement pas de mal de reprendre des forces, après cet après-midi compliqué.
- Comment va Ally ? me demanda-t-elle après quelques bouchées avalées en silence.
- Bien, souris-je. Elle m'a dit qu'elle avançait bien dans ses révisions et que c'était finalement très pratique pour elle de bosser que le midi au Blue Limon. Ca la coupe dans sa journée, elle s'y remet dans l'après-midi...
- Je suis certaine qu'elle va réussir sa troisième année, fit Jenna. Elle est très motivée. Elle l'a toujours été d'ailleurs.
Je hochai la tête sans savoir quoi dire : je n'avais pas été présent durant ces deux années d'études, je savais juste qu'Ally était sérieuse dans son travail, qu'elle bûchait dur pour ses examens. Et qu'elle était sérieuse aussi au Blue Limon, sinon, le patron ne l'aurait pas réembauchée.
- C'était chouette, cet été, tous ensemble, poursuivit Jenna. Je suis contente qu'elle ait été avec nous et avec toi en particulier.
- Ouaip. Moi aussi. J'suis content d'avoir réussi à la décider à nous accompagner. Elle peut mieux appréhender la vie du groupe maintenant. Ca lui a aussi permis de faire connaissance avec Gordon et Treddy, c'était important.
- Tout à fait. Et égoïstement, je me suis sentie moins seule face à vous tous ! rit-elle légèrement.
- On est si insupportable que ça ?
- Non, pas trop. Mais il faut composer avec vos caractères et ce n'est pas tous les jours facile. Même si je trouve que le groupe, dans sa nouvelle version, est plus équilibré.
- Moi aussi, j'pense comme toi. L'apport de Treddy est indéniable. Des fois, j'me demande comment ça aurait fonctionné entre lui et Ruggy. J'pense pas que Ruggy aurait accepté de jouer que la rythmique des morceaux.
- Je ne pense pas non plus, dit Jenna. Il aurait fallu trouver un compromis et je suis certaine que Treddy l'aurait accepté : qu'ils jouent en alternance la rythmique et la mélodie. Comme les guitaristes de Maiden, en fait.
- C'est vrai. On aurait pu proposer ça. Ca aurait été bien...
Je laissai mon regard planer un moment sur le mur, derrière Jenna. Je ne fus pas surpris de sa question suivante et pas du tout gêné qu'elle la posât : après tout, Jenna s'était fait beaucoup de soucis pour chacun d'entre nous, après l'accident, et c'était normal qu'elle s'inquiétât encore de nous, régulièrement.
- Est-ce que... Tu prends du mieux, Stair ? Par rapport à l'accident de Ruggy ?
- Oui, répondis-je franchement. J'me sens toujours coupable de pas être intervenu, mais ça m'pèse moins. J'ai parlé de tout cela à Ally aussi et... ça m'a fait du bien.
- Je n'en doute pas, sourit largement Jenna. J'étais sûre qu'Ally allait pouvoir t'aider. Pour ça aussi.
- Ouaip, fis-je simplement, ne sachant pas quoi ajouter.
Je gardai alors le silence, revivant la visite que nous avions faite à Ruggy, fin juillet. Jenna ne nous avait pas accompagnés, Lynn ne le voulait pas : il ne voulait pas qu'elle replonge dans ses cauchemars. Il n'avait fait qu'effleurer la question, une fois, mais j'avais bien compris qu'il avait été très inquiet pour elle. C'était aussi ce qui avait motivé notre amie à prendre des cours de moto : pour dépasser le traumatisme.
Pour ma part, je cherchais encore le moyen de dépasser ce fameux traumatisme et je ne l'avais pas vraiment trouvé. Hormis ce que je venais d'en dire à Jenna : le fait d'en avoir parlé avec Ally m'avait fait du bien. Et qu'elle ait été présente, lorsque Snoog, Gordon et moi étions allés voir Ruggy alors qu'il sortait tout juste du coma. Sans le soutien d'Ally, j'aurais sans doute replongé dans le même marasme qu'au moment de l'accident, tant je m'étais senti impuissant face à son état. C'était ce jour-là que j'avais compris que nous ne retrouverions jamais Ruggy. Et que nous devions l'accepter.
De même, l'arrivée de Treddy m'avait également aidé, parce que musicalement, nous avions une vraie connivence, bien plus poussée et bien plus riche que ce que j'avais connu avec Ruggy. Ca me rendait triste, un peu, de le penser, mais c'était vrai : grâce à Treddy, j'avais aussi le sentiment de pouvoir laisser s'exprimer toute ma créativité. Ce qui n'était pas le cas auparavant. Et finalement, la musique et le groupe m'aidaient à avancer aussi.
**
C'était la première fois que je me retrouvais seul avec Jenna, du moins, pour un long moment. Je saisis l'occasion de lui parler d'Ally et surtout du rôle qu'elle avait joué auprès d'elle, pour l'encourager et même la soutenir.
- Jenna... J'avais pas encore eu l'occasion, mais... J'voulais t'remercier pour c'que tu as fait pour Ally et moi.
- Comment ça ? demanda-t-elle en suspendant le geste de porter un morceau de pain à sa bouche.
- Si tu m'avais pas secoué, au printemps, on n'en serait pas là. Ally serait toujours malheureuse et moi... Moi aussi.
Elle me sourit doucement.
- J'ai profité de l'occasion, dit-elle. Ally m'avait fait des confidences. Et je me suis dit que je pouvais tenter quelque chose.
- Tu avais des soupçons ?
- Vaguement. Mais rien de tangible. Qu'est-ce que vous étiez secrets, tous les deux ! fit-elle en levant un instant les yeux au plafond. Pourtant, Ally et moi, nous étions très proches, déjà.
- Qu'est-ce qui t'a poussée ? Vraiment ?
Elle reposa ses couverts, croisa les bras devant elle avant de répondre :
- Je pense qu'Ally t'a raconté ? Le coup de Maggie au Blue Limon ? Tout ce qu'elle avait déblatéré...
- Ouaip, chuis au courant.
- Ally a donc vidé son sac. Pas seulement sur ce que Maggie avait fait ce jour-là, mais avant. Le coup de t'avoir embrassé. Et elle m'a dit aussi pour vous deux, que vous étiez sortis ensemble durant quelques mois. Après ses confidences et le temps du trajet pour vous rejoindre, j'ai réfléchi. Je n'avais aucune certitude, mais juste... Que tu n'étais avec personne. Qu'après les concerts, de ce que j'en savais, tu ne repartais avec personne. Ou très rarement, et que c'était juste une fille en passant. Alors... Alors j'ai joué mon va-tout. Je me suis dit que ça signifiait peut-être quelque chose. En fait, je voulais en avoir le cœur net : j'avais bien compris qu'Ally avait encore des sentiments pour toi. Mais je ne savais pas ce qu'il en était de ton côté. S'il n'y avait rien... Je n'avais plus qu'à retrousser mes manches pour soutenir mon amie, dans la voie dans laquelle elle s'était engagée pour avancer. Mais s'il y avait quelque chose, alors ça méritait de te faire réfléchir. Et elle aussi d'ailleurs. Mais je ne voulais pas lui laisser entendre le moindre espoir sur de vagues suppositions que je pouvais faire.
- J'comprends. C'était sage, ajoutai-je.
- Après... Comme je l'ai dit à Ally, c'était entre tes mains et les siennes. Et vraiment, sincèrement, Stair... Tu as eu une très belle idée avec la chanson. C'était vraiment le mieux. C'est une superbe chanson et elle a atteint son but.
- J'aurais peut-être pu faire autrement. Aller la chercher au Blue Limon, un soir après son service, pour qu'on parle. Mais... Mais la musique, une chanson, c'était finalement le plus facile pour moi. Pour exprimer mes sentiments. Et lui dire ce que j'voulais maintenant.
- Et ça a marché. Quand j'y repense, c'était très émouvant. Et ça l'est encore !
Je vis une petite lueur s'allumer dans ses yeux. Mine de rien, avec Reviens !, j'avais aussi touché Jenna. Et peut-être d'autres personnes, dans le public. Et j'en ressentis alors comme une pointe de fierté.
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