Chapitre 47 : Clin d'œil nantais

9 minutes de lecture

Stair

- Bonsoir Nannnnnnnnnnnnnnntes !!!

Snoog venait de faire son entrée sur scène. Comme à chaque fois, il saluait le public dans la langue du pays où nous nous produisions. On jouait ce soir-là dans une des salles qui s'était dupliquée un peu partout en France, le Zénith. C'était la même configuration qu'à Paris et à Caen où nous avions joué la veille. Cela simplifiait les choses pour les techniciens et pour nous aussi, et c'était la raison pour laquelle Gordon avait fait s'enchaîner les dates entre ces deux villes, d'autant qu'elles étaient assez proches.

La particularité ce soir était que la salle nantaise affichait complet. Neuf mille personnes nous attendaient, c'était le concert le plus important que l'on donnait pour ce début de tournée. On n'avait pas fait mieux depuis le festival de Glasgow, l'été dernier. Ce qui expliquait ce chiffre impressionnant était que la première partie était assurée par un groupe local. On avait croisé les musiciens lors des balances et malgré la barrière de la langue, on avait bien sympathisé. C'était un groupe qui se disait amateur, mais rien qu'à les entendre jouer, on pouvait tous être d'accord et penser qu'ils n'étaient pas loin de la professionnalisation. La différence entre eux et nous était minime.

Ils avaient fait un très bon show en première partie, chauffant bien la salle. A nous d'assurer pour tenir la distance après eux. Vers la fin du concert, sur Dark City et No Future, on les invita à venir sur scène avec nous et la réaction du public fut proche du délire. Snoog et le chanteur s'entendaient comme larrons en foire et je me dis que l'after serait certainement aussi chaud que le show.

Et ça ne manqua pas. Ils nous embarquèrent dans le Nantes de la nuit, nous rentrâmes raides bourrés à l'hôtel sur le coup des cinq heures du matin. Gordon nous incendia, mais nous lui rîmes au nez. Il nous envoya nous coucher en prévoyant une bonne provision de cachets d'aspirine pour chacun d'entre nous.

La tournée était lancée.

Et bien lancée.

Ally

J'avais un œil sur mon téléphone et l'autre sur mes cours. La maison de disques avait bien fait les choses pour cette tournée, à croire qu'elle voulait se racheter des conditions difficiles que le groupe avait trouvées pour l'enregistrement de l'album. Un site internet dédié aux Dark Angels avait été monté, tenu par des fans, Speedy et Lucky, d'après leurs pseudonymes. Speedy suivait le groupe, prenait des vidéos, des photos, et les envoyait à Lucky qui se chargeait de les mettre en ligne en apportant de petits commentaires sur la tournée. Avec les appels et messages réguliers des garçons, c'était le moyen que nous avions Jenna et moi de les suivre.

Nous avions ainsi pu vivre le déchargement et l'installation du matériel à Bruxelles, un petit bout des balances, puis quelques extraits du concert. Idem pour Lille, Paris et Caen, les trois premières dates de la partie française de la tournée. A Paris, ils avaient aussi pris quelques photos d'une séance de dédicaces et des garçons se promenant sous la Tour Eiffel ou posant devant Notre Dame.

J'attendais donc avec impatience de voir ce qu'il en serait pour Nantes où ils avaient joué la veille, mais la mise à jour du site tardait à se faire. Stair m'avait envoyé un message alors qu'il se trouvait dans sa loge, après le concert, me disant que le show avait été super grâce à la première partie, un groupe local au nom douteux. J'avais trompé mon impatience en me renseignant sur le groupe en question.

Ce fut un message de Gordon qui m'informa finalement de ce qui s'était passé la veille :

Bonjour Jenna et Ally,

je voulais vous rassurer pour les garçons. Ils vont bien, mais dorment encore. Ou plutôt, ils cuvent. Heureusement qu'on avait prévu de repartir pour Bordeaux seulement demain matin. Le concert nantais était très bien, mais ils ont poursuivi la soirée avec les musiciens qui assuraient la première partie. Ils sont rentrés en n'étant pas frais du tout. Je veille sur eux et soyez déjà rassurées : Lynn et Stair sont rentrés seuls. Ce qui n'était pas le cas de Treddy, Frank et Snoog. Je me demande où ces trois-là trouvent assez d'énergie pour s'occuper des filles qu'ils ont embarquées... Prenez soin de vous, bon courage pour le travail. Je vous renvoie un message quand ils seront réveillés. Bises. Gordon

Et bien... Voilà qui promettait. Heureusement que Gordon était là. Je devais bien reconnaître que j'appréciais d'avoir la précision selon laquelle Stair et Lynn n'étaient pas rentrés accompagnés à l'hôtel. Gordon devait se douter qu'on s'inquiéterait de ce point. Je renonçai donc à envoyer pour le moment un message à Stair, me doutant qu'il devait encore dormir.

Ou plutôt cuver, comme l'avait écrit Gordon...

**

- Coucou, Ally, c'est moi !

- Coucou, Jenna ! Ca va ?

- Oui... Tu as eu le message de Gordon ?

- Oui, comme toi, je suppose !

- Bien vu... Ah la la, ça commence fort... fit mon amie. Bon, ça va qu'ils avaient du répit avant le concert à Bordeaux, mais j'espère qu'ils ne feront pas ça tous les soirs.

- J'espère aussi... Ils ont dû réussir à échapper à la vigilance de Gordon.

- Oui, et je pense que le groupe qui passait avant eux les a bien aidés pour le coup ! Bon, je me dis qu'il faut bien qu'ils s'amusent aussi.

- Pareil. Je me demandais pourquoi le site mettait du temps à être mis à jour pour les infos sur le concert, mais je commence à comprendre, dis-je en souriant.

- Moi aussi. Je pense que Speedy devait être avec eux...

- Ca expliquerait pourquoi on n'a encore aucune vidéo, ni aucune photo.

- Je me disais que j'allais appeler Lucky pour savoir, fit Jenna. A moins qu'il n'ait un problème technique.

- Il aura bon dos, le problème technique... souris-je.

La réaction de Jenna m'amusait et me rassurait aussi : mon amie prenait les choses par le bon côté. Ca ne servait à rien de toute façon de leur faire la morale. Néanmoins, je rappellerais à Stair qu'il s'était promis de faire gaffe avec l'alcool... Juste pour lui rappeler. Je ne voulais pas lui prendre la tête avec ça.

- Tu avances de ton côté ? me demanda Jenna.

- Aujourd'hui, pas trop. Je guettais les vidéos et les infos sur le concert d'hier soir. Mais bon, maintenant qu'on a eu le message de Gordon, je vais peut-être m'y remettre plus facilement, répondis-je. Et toi ?

- Pareil. Allez, j'essaye de me motiver !

- Moi aussi...

Et nous raccrochâmes.

Stair

Je me réveillai avec un mal de crâne carabiné. Je notai qu'un tube d'aspirine et une bouteille d'eau se trouvaient sur la table de nuit. Je commençai par vider la moitié de la bouteille, puis j'avalai un cachet. Ensuite, je m'assis sur le bord du lit, attrapai mon téléphone. Plusieurs messages clignotaient. Ally m'en avait envoyé deux, Gordon au moins trois… Je lus ceux d'Ally d'abord.

Coucou mon cœur, contente de savoir que le concert s'est bien passé. Ici, ça va. J'avance bien. Avec Jenna et Nora, on a convenu de se faire une balade dimanche, il devrait faire assez beau. On irait sur la côte. Bonne nuit et à demain.

Bon, ce message datait d'hier soir, en réponse à celui que je lui avais envoyé quand on était encore dans les loges. Avant de se faire embarquer par les musiciens nantais. Ils portaient bien leur nom, eux…

Coucou mon cœur, ça va ? Tu dessoules ? Gordon nous a tenues au courant, Jenna et moi. Fais gaffe avec l'aspirine, ça peut donner des maux d'estomac. Et ne fais pas de surdosage ou c'est ton foie qui trinque. Et bien entendu, la quantité d'alcool avalée n'aura rien à voir avec ces éventuels désagréments. Prends une douche, un solide brunch - vu l'heure à laquelle tu vas sans doute émerger, c'est ce qu'il y aura de plus approprié. Je t'embrasse, mais de loin, tu dois avoir une haleine de chacal. Ally

Je lui écrivis un petit message pour la rassurer :

Coucou baby, je me réveille tout juste. La tête, ça va à peu près et j'ai pas vomi. Je m'en tire plutôt bien. Je vais suivre tes conseils : je commence par une douche. Je t'appelle plus tard. Je t'embrasse fort, même de loin. Stair

Et je fis comme j'avais promis : d'abord une douche.

**

Je sortis de ma chambre pour rejoindre la salle de restaurant. Au même moment, la porte en face s'ouvrit pour laisser passer Lynn. On échangea un grand sourire et on se tapa du poing dans la main.

- Ca va ?

- Yep. Douché de frais. Mais j'crève la dalle.

- Moi aussi. T'as eu le message de Gordon ?

- Lequel ?

Il pouffa, ce qui nous fit éclater de rire en attendant l'ascenseur.

Nous retrouvâmes notre manager dans la salle. Nous étions a priori les premiers à débarquer, ce qu'il nous confirma bien vite :

- Bonjour, les gars. Ou peut-être devrais-je dire bonsoir, l'après-midi étant déjà sérieusement avancé. Vous avez de la chance que le restaurant serve à toute heure...

- Cool. On crève la dalle, fit Lynn.

- Ca va, la tête ?

- Yep, répondit-il encore.

- Merci pour les cachetons, Gordon, ajoutai-je.

- Je me doutais que ça vous serait utile... Bon, j'ai prévenu les filles quand même...

- On sait, répondit-on en chœur.

Ce qui lui fit lever la tête au plafond.

- On va pouvoir leur dire que tu t'occupes bien d'nous... fis-je en me servant déjà copieusement.

- Je ne tiens pas à me faire étriper par Jenna et Ally s'il vous arrivait la moindre bricole, à tous les deux, répliqua-t-il.

Lynn sourit tout en avalant un demi-croissant. Son regard sombre gardait encore une trace de fatigue. Le mien devait être semblable, même si je me sentais mieux qu'au réveil.

- Elles vous ont donné des nouvelles ?

- Yep, répondis-je. J'ai rassuré Ally pour lui dire que tout allait bien de mon côté. T'as vu les autres ?

- Pas depuis 5h du matin, quand Speedy m'a prévenu que vous rentriez.

- Il va bien, lui ? demandai-je.

- Dans le même état que vous à peu près. Il dort encore. Je crois que Lucky va devoir attendre pour la mise à jour du site...

- Ah ouais, c'est vrai... fit Lynn d'un ton un peu lointain.

C'était la nouveauté avec cette tournée : le groupe possédait désormais un site internet officiel, ainsi qu'une page youtube. C'était Speedy et Lucky, deux fans de la première heure et passionnés d'informatique, doués pour les photos et la création de contenus internet, qui s'en occupaient. On les avait rencontrés à Londres. Hyper-sympas, drôles et surtout très motivés. Ils connaissaient notre histoire sur le bout des doigts ou presque. Limite, mieux que nous. Et cerise sur le gâteau, c'étaient de grands amateurs de métal.

On gardait cependant un œil sur les contenus publiés et Lucky, qui avait principalement cette charge, ne faisait rien sans notre accord ou celui de Gordon. On voulait de toute façon que les contenus soient axés sur la musique, les concerts, avec quelques anecdotes sympas. Et que ne soient pas oubliées toutes les personnes qui bossaient pour nous. Ils avaient notamment proposé des mini-reportages et portraits sur chacun pour présenter son travail durant une tournée. Chaque semaine, il y aurait ainsi un portrait dédié à l'ingénieur du son, au chef éclairagiste, à un roadie, aux chauffeurs... L'idée était sympa. Speedy réalisait également, au fil des jours, de petites interviews de nous, à différents moments de la journée, avant et après les balances, dans le bus. Et ils avaient commencé à écrire l'histoire de certaines chansons, avec des extraits. Par exemple, pour No man's land, Snoog répondait à quelques questions de Speedy sur la genèse de cette chanson et j'expliquais ensuite, avec un extrait de la basse seule, la façon dont on l'avait composée. On pouvait ainsi mettre en avant chacun des instruments. Je trouvais cela intéressant et assez pédagogique.

On pouvait également lire les retours des fans. A Manchester, le fan-club grossissait. On avait ainsi fréquemment des retours de plusieurs élèves de l'école de musique, dont certains auxquels j'avais donné des cours ou qu'on avait fréquentés quand on y répétait encore. On leur faisait des petits clins d'œil à l'occasion.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Pom&pomme ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0