Chapitre 48 : Un concert à Hambourg

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Stair

- Dehors ! Le taxi vous attend. Vous allez tourner en rond à l'aéroport et me ficher la paix ! Je ne veux plus vous voir avant demain matin !

- Bien chef, oui chef, répondit Lynn d'un air moqueur.

Et avant de se prendre une autre remarque de la part de Gordon, nous sortîmes rapidement de l'hôtel.

Nous étions à Hambourg, après avoir fait la route depuis Brême qu'on avait quittée ce matin. Ce serait notre quatrième date en Allemagne, après Hanovre et surtout Berlin, par laquelle nous avions commencé. La capitale allemande nous avait réservé un accueil très chaleureux, le concert était vraiment bien. Le public allemand était très amateur de métal et de découverte et Gordon avait vu s'envoler les dernières places pour les concerts qu'on donnerait encore dans ce pays : résultat, les salles affichaient complet alors que cela n'avait pas été le cas ailleurs, même si on pouvait être très satisfait de ces premières semaines de tournée.

Ce jour-là, un vendredi, était un jour spécial : Jenna et Ally allaient nous rejoindre. Ce seraient nos premières retrouvailles depuis notre départ début janvier, soit depuis près de deux mois. Ca commençait à faire très long pour elles comme pour Lynn et moi. Aussi, depuis qu'elles nous avaient annoncé qu'elles avaient pris leurs billets et nous rejoindraient, nous ne tenions plus en place. Et pour une fois, c'était avec nous que Gordon avait le plus de mal, et non avec Snoog. Nous étions de vraies piles électriques, Lynn et moi. Le concert à Brême, la veille, nous avait aidés à évacuer un peu de cette tension, mais là, je pouvais comprendre que nous devions être insupportables.

Une fois dans le taxi, Lynn poussa un long soupir :

- Qu'est-ce qu'on va faire durant trois heures à l'aéroport ?

- Bah, la même chose qu'à l'hôtel, répondis-je. On va tourner en rond. Mais au moins, on f'era plus suer Gordon.

- J'soupçonne qu'il nous ait fait dégager parce que Snoog et Frank sont partis en vadrouille avec Speedy et qu'il va falloir qu'il les gère.

- Ouaip, fis-je. C'est bien possible. Au moins, nous, il saura où on est.

- Yep. A l'aéroport ou dans nos chambres quand les filles s'ront arrivées. Il aura pas à nous courir après et à nous chercher dans toute la ville.

- Paraît en plus qu'y a un quartier chaud à Hambourg...

- Ouais, comme à Amsterdam.

Lynn fronça légèrement des sourcils :

- Faudra qu'on surveille Snoog quand on s'ra à Amsterdam.

- Ouaip. Néanmoins, j'm'ferais bien un coffee-shop, pour voir.

- Moi aussi. Mais juste pour l'expérience. On emmènera Treddy, il s'ra pas contre. Et il dépassera pas les limites, lui.

- Nous non plus, on fait gaffe.

- Ouais enfin... A peu près, répliqua-t-il. T'étais pas frais à Valence...

- La faute à la sangria. C'est trop bon, ce truc, mais ça te casse les jambes sans prévenir. Après, j'me suis méfié. Puis t'étais pas mieux à Nantes.

- Là, j'dois dire... Les Nantais, ils assurent. Paraît qu'c'est un truc de Celtes, d'après Treddy. Les Bretons, les Ecossais, les Irlandais, tout ça... Ils sont tous un peu frères et ils savent faire la fête.

- C'tait chouette quand on était à Vigo.

- Sûr ! Treddy était impressionnant : comme un poisson dans l'eau ! On aurait été en plein cœur de ses Highlands que ça aurait été pareil.

- Il avait super bien joué, ce soir-là. Il nous entraînait tous, fis-je remarquer.

- Même moi, j'avais du mal à l'suivre ! rit Lynn.

- Demain, chais pas qui de toi ou de moi va entraîner tout le monde...

- Nous deux, répondit Lynn. Les filles vont nous donner la foi. On va jouer comme des dieux. Les autres devront suivre.

Je ne dis rien. J'avais juste hâte de retrouver Ally.

**

Elle était dans mes bras. Enfin. Ally. Mon Ally...

Le trajet pour revenir de l'aéroport m'avait paru très long, et à Lynn aussi. Les filles devaient ressentir la même chose. Heureusement que Gordon avait payé la course du taxi, parce que nous en étions à peine sortis, que nous avions traversé le hall de l'hôtel comme des furieux. Heureusement qu'il ne comptait pas trente ou quarante étages... Nous avions vite gagné nos chambres.

Et maintenant, je n'arrivais pas à faire autre chose que regarder Ally, caresser son visage du bout des doigts comme si j'avais eu besoin de le graver jusque dans mes mains. Elle me souriait et me regardait avec cette joie et cette force qui m'avaient toujours frappé. C'était peu dire qu'elle était heureuse de me revoir.

Ally

Nous n'en pouvions plus, Jenna et moi. Aussi avions-nous décidé de partir pour le week-end à Hambourg, pour retrouver Lynn et Stair et assister au concert que le groupe allait y donner le samedi soir. Ils joueraient à guichets fermés, devant un peu plus de cinq mille spectateurs. Une belle scène et une belle salle nous avait dit Gordon dans la semaine, quand il avait appris que nous serions là. J'avais hâte de les revoir et plus encore bien sûr, de passer deux jours avec Stair.

Notre voyage s'était déroulé sans souci ; Jenna et moi étions un peu excitées et surtout très enthousiastes. A l'arrivée, nos hommes nous attendaient juste en face du couloir des arrivées. On ne pouvait pas les manquer. Nous leurs sautâmes dans les bras avec un bel ensemble. Le premier baiser de Stair fut profond, passionné. Il m'avait attrapée et me tenait tout contre lui. Que c'était bon de le retrouver ! Enfin !

Le taxi nous ramena bien vite à l'hôtel. Les garçons nous racontèrent leurs dernières journées, le formidable concert donné à Berlin et la réaction émue, vibrante et très heureuse du public lorsqu'ils avaient entonné The wind of change, de Scorpions. Ils avaient ainsi décidé de jouer une chanson d'un groupe du pays dans lequel ils se produisaient, quand cela était possible. En France, à Lyon uniquement - il leur avait fallu un peu de temps pour apprendre le morceau - ils avaient ainsi interprété Antisocial de Trust. Snoog baragouinait les paroles, mais le public prenait le relais. Les photos avaient reçu beaucoup de "like" quand elles avaient été publiées sur le site.

Au cours des premières heures de cette nuit, je ne vis rien de ce qui nous entourait. Tout ce qui comptait pour moi, c'était Stair. Encore Stair et toujours Stair. On fit beaucoup et longuement l'amour. Je n'arrivais pas à m'endormir et lui non plus et ce fut seulement en milieu de nuit que nous trouvâmes un peu d'apaisement. La faute à nos retrouvailles, bien sûr, mais aussi au rythme de la tournée : en deux mois, les garçons s'étaient décalés, même si, certains matins, il leur fallait se lever assez tôt pour prendre la route vers la prochaine ville où ils se produisaient.

Nous étions allongés face à face, Stair caressait mon visage du bout des doigts. Je me perdais dans son regard si doux. Que ça m'avait manqué... Deux mois sans le voir, sans les voir, c'était vraiment trop long. Jenna avait bien fait de me rappeler que la prochaine séparation serait plus courte : nous devrions les retrouver début avril à Budapest, puis Stair ferait un saut de puce à Manchester pour mon anniversaire, Gordon ayant réussi à caser le voyage aller-retour entre deux dates à Athènes.

- Ca va, baby ? me demanda-t-il à un moment.

- Oui, ça va. Qu'est-ce que je suis contente d'être venue !

- Moi aussi, répondit-il en déposant un baiser sur mon front. Ca m'fait du bien qu'tu sois là et Jenna aussi. Ca va être chouette le concert, tu verras. Les cours et tout, c'est pas trop dur ?

- Je m'en sors. Je garde de la motivation. Et c'est vraiment bien d'être en situation. Chaque semaine, je vois un service différent. C'est très intéressant et je participe à certains soins. J'apprends beaucoup, ainsi.

- C'est pas trop chargé ? s'inquiéta-t-il.

- Si. Car le soir, j'avance aussi sur le mémoire. Je ne dois pas perdre de temps. Surtout que les semaines de cours sont bien remplies : on fait le programme sur moitié moins de temps qu'en première année ! Bon, il n'est pas aussi lourd, il faut le reconnaître, et il offre un bon complément à la pratique. Mais comme je change de service à chaque fois, il faut que le week-end, j'aie terminé la rédaction sur ce que j'ai fait au cours de la semaine, pour ne pas perdre le fil, ni oublier ce que j'ai vu. Certains soirs, il m'arrive juste de prendre quelques notes, mais les jours suivants, je rédige. C'est obligatoire.

- Ca fait vraiment beaucoup. Je r'grette de pas être à la maison pour t'aider...

- D'un côté, tu m'aides en étant sur la route !

- Ah ? fit-il un peu intrigué. J'te perturbe pas, comme ça, c'est ça ?

- Un peu, ris-je et il rit avec moi. Tu sais... Si ça ne t'embête pas, je crois que je m'installerai chez toi en fin de semaine prochaine : ça devient de plus en plus difficile pour moi de travailler à la maison, même si chacun fait attention. Ma sœur a besoin de tranquillité également de son côté.

- Pas d'souci. Tu fais le mieux pour toi.

- Ca me ferait un peu comme à la fin de l'été dernier, quand je bossais le midi au Blue Limon et que je m'étais installée chez toi.

- Chez moi, c'est chez toi, Ally. Vraiment.

Je souris. Il était attendrissant, ainsi. Et je me dis que lorsque la tournée s'achèverait, à l'automne prochain, ce serait certainement un changement pour nous deux : nous nous installerions vraiment ensemble. Peut-être qu'on chercherait un autre appartement, on verrait. Ce serait un pas de plus.

Stair

La préparation du concert s'était déroulée comme d'habitude. Même si les filles étaient avec nous, on avait démarré pas trop tard. Petit déjeuner pris tous en commun, puis on s'était rendu à la salle. Les roadies étaient déjà à l'œuvre, à installer le matériel. On avait pu entamer les balances assez vite. Jenna et Ally étaient restées près de l'ingénieur du son. Elles aimaient bien assister à tout ce travail qui se faisait en amont, pour préparer le show. Cela faisait intervenir beaucoup de monde, car après le son, on faisait les tests des éclairages.

On prit ensuite le repas avec toute l'équipe. Jenna et Ally étaient les deux seules femmes, ce que Frank sembla oublier à un moment donné, car il commença à raconter des blagues vraiment grivoises. Snoog fut le plus rapide à intervenir pour lui rappeler la présence de nos dames. Il m'amusait quand il veillait ainsi sur elles, alors qu'à certains moments, il ne loupait pas une occasion de les draguer gentiment. Je n'avais pas l'impression que cela gênait Ally, elle lui répliquait toujours avec beaucoup d'humour. Et moi, je n'étais pas jaloux. Je savais bien qu'il n'avait aucune chance, ni avec Ally, ni avec Jenna.

Après le repas, nous nous isolâmes chacun dans notre loge. Ally vint bien sûr avec moi. Nous en profitâmes pour faire un long câlin, très tendre, puis elle m'aida à me coiffer. J'avais pris une bonne douche ce matin, avec shampoing, mais ce n'était pas inutile de repasser un bon coup de brosse et de peigne dans mes cheveux. Et puis, même si je n'en avais pas eu besoin, c'était juste agréable. Et ça me détendit bien avant le concert.

Nous rejoignîmes les autres dans la grande loge, celle qui avait échu à Treddy ce soir-là. Chacun se concentra alors à sa manière habituelle et je sortis mon jeu de cartes. Les coins commençaient à s'user, même si j'en prenais grand soin. Un jour, certainement, il faudrait que j'en achète un autre. Mais j'aurais toujours celui-là dans le fond de ma poche, c'était certain.

Ally était assise à côté de moi, la tête appuyée contre mon épaule. Sa présence rendait ce moment différent et particulier. J'étais plus calme, plus concentré encore. Un instant, j'eus un mince pincement au cœur et comme un regret : celui qu'elle ne puisse pas suivre toute la tournée, et Jenna non plus. Certes, on n'aurait pas commis quelques excès, Lynn et moi, si elles avaient été là, mais qu'importe. Leur présence aurait été un vrai plus. Parce qu'on aurait pu partager ces moments si importants pour nous, avec elles. Je me consolai en me disant qu'à l'automne, Ally au moins serait avec nous. Et qu'elles vivraient toutes les deux l'été en Irlande et en Ecosse, pour cette partie de la tournée.

Frank lança sa blague nulle, Lynn se leva et je rangeai mes cartes, pendant que Treddy se relevait et que Snoog abandonnait la contemplation du plafond. Nous étions prêts à monter sur scène.

A peine Gordon, Lynn et Jenna s'étaient-ils engagés dans le couloir que nous les suivîmes, d'abord Ally et moi. Je la laissai à l'arrière de la salle pour qu'elle rejoigne Jenna. De ce qui se dessinait, elles passeraient là une partie du concert, mais rejoindraient aussi l'ingénieur du son durant quelques chansons. Au cours du repas, ce dernier et Gordon leur avaient fait savoir que ce serait aisément possible et qu'elles pourraient ainsi vivre une partie du concert côté foule. Gordon avait ajouté que le bon moment serait avant qu'on fasse la reprise de Scorpions, car les réactions du public étaient toujours très belles à vivre.

L'acoustique de la salle était vraiment de qualité. Le concert démarra bien. Comme je m'y attendais, Lynn était à fond et je suivis sans problème. J'eus quelques échanges de regards avec Treddy qui semblait bien s'amuser à nous entendre. Frank suivait aisément lui aussi et Snoog tournait à cent à l'heure. La façon dont le public accueillait nos chansons, cette énergie qu'il dégageait, les retours le boostaient complètement.

Lorsque nous entamâmes Reviens !, je jetai un coup d'œil en coulisses, puis, quand vint le moment de mon solo, je me tournai carrément et, le regard planté dans celui d'Ally, je jouai les premières mesures juste pour elle, avant de refaire face au public. Nous marquâmes ensuite une petite pause, alors que le public réclamait le rappel. Ally s'était levée, elle me sauta au cou et je l'embrassai longuement. Ce fut Snoog qui me tira par le t-shirt pour m'arracher à elle et me ramener sur scène, pour les deux dernières chansons.

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