Chapitre 52 : One

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Pour commencer, avant ce chapitre, je vous souhaite à toutes et tous une belle et heureuse année 2025 ! De la réussite dans vos projets, de belles lectures, de bons moments avec vos proches, votre famille, vos amis !

Et en cadeau, un chapitre que j'ai beaucoup aimé écrire...



Ally

Dublin. République d'Irlande.

C'était la première fois de ma vie que je me rendais sur l'île voisine. L'influence anglaise se faisait cependant sentir, ne serait-ce que dans la langue et quelques traditions. Mais nous n'étions plus au Royaume-Uni, je m'en rendais bien compte également.

Nous étions arrivés tard la veille et avions gagné directement l'hôtel. Le groupe devait jouer ce soir et à nouveau dans deux jours. Les deux concerts seraient donnés à la salle The O2, la plus importante salle de spectacles d'Irlande. Au départ, Gordon avait estimé qu'un concert serait déjà une belle performance, mais le deuxième album s'était très bien vendu en Irlande et il avait fallu ajouter une deuxième date, pour le plus grand bonheur des garçons. Lors de la tournée précédente, ils avaient joué dans une salle beaucoup plus petite. Ils gardaient cependant un très bon souvenir de ce premier concert dublinois.

Nous étions en route pour la salle, située sur les anciens docks. D'extérieur, le bâtiment était très beau, offrant un mélange de structure moderne avec verre et acier, et de fondations en pierre, avec de larges portes. Gordon nous confia que, de nuit, c'était aussi très beau, car il était tout illuminé. Nous pourrions en avoir un aperçu en quittant la salle, dans quelques heures.

Dès que nous pénétrâmes à l'intérieur, je me sentis tout impressionnée et j'eus le sentiment que les garçons l'étaient aussi. Pourtant, ils avaient joué dans de belles salles, sur de grandes scènes, notamment en Allemagne et même en France. Le lieu était vraiment superbe. La scène était vaste, les tribunes disposées un peu comme dans un théâtre romain, offrant un large éventail de possibilités de placements.

La journée se déroula comme à l'accoutumée. Installation du matériel, balances, puis repas et période de repos. Les loges étaient très confortables. Les musiciens en avaient une pour chacun, et ils convinrent de se retrouver dans celle de Snoog pour la demi-heure précédant leur entrée sur scène. Nous avions repéré les lieux, Jenna et moi, et serions très bien installées, en coulisses.

Nous nous retrouvâmes donc seuls pendant un petit moment, Stair et moi. J'attrapai la brosse et le peigne et entrepris de le recoiffer. En fait, il était très bien coiffé, mais cette petite séance, avant de retrouver les autres, le détendait. Et là, après presque un mois d'interruption, il leur fallait reprendre le rythme de la tournée, retrouver des automatismes. Et cette petite séance de coiffure en faisait partie.

Il avait fermé les yeux et je le sentais se détendre, au fil des minutes, au fur et à mesure que je passais et repassais le peigne et la brosse dans ses cheveux. Puis je pris l'élastique et les nouai en une assez lâche queue de cheval. Il m'attrapa alors et me fit asseoir sur ses genoux, plongeant son regard si doux dans le mien. Sans dire un mot, il m'embrassa longuement.

- On y va, les amoureux !

Ce furent trois coups discrets frappés à notre porte par Treddy qui nous firent quitter la loge. On le suivit jusque dans celle de Snoog et commença le rituel habituel, chacun prenant sa posture, sa façon de se concentrer. Stair, sans surprise pour moi, sortit son jeu de cartes et commença à faire des réussites. Puis Frank lança sa blague vaseuse - dont tout le monde se serait bien passé - et déjà Lynn et Jenna se levaient de leur fauteuil. Nous les suivîmes sans tarder. Stair avait pris ma main et nous avancions dans le couloir menant à la scène, en direction de Gordon. Alors que nous approchions, je vis Lynn s'installer à sa place. Le public était déjà impatient et donnait de la voix.

Un dernier baiser, Stair s'engagea à son tour et je rejoignis Jenna.

**

- Bonsoir Dubliiiiiiiiiiiinnnnnnnnnnnnn !!!!

Snoog avait lancé ce qu'il appelait son cri de guerre en gaëlique : ou comment mettre dans sa poche plus de dix mille personnes en deux secondes. Treddy fut aussi chaudement applaudi car il portait un t-shirt bleu et blanc, en faveur du référendum écossais. Même si nous n'étions pas encore en Ecosse, nous étions en terre celte et le public était bien au fait des questions qui agitaient ses voisins et cousins écossais.

Les chansons s'enchaînèrent, le public reprenait en chœur les couplets ou scandait le rythme comme sur Lies !. Il y avait une très belle ambiance, très joyeuse et festive. Snoog arpentait la scène, comme un fauve aurait paradé dans une arène, sur son domaine, crinière blonde au vent, mots percutants, mouvements des bras entraînant la foule pour, par exemple, dénoncer la politique de Margaret Thatcher sur Dark City. A chaque fois qu'il prononçait les mots de "Dame de Fer", le public huait et sifflait. Les Irlandais ne gardaient pas un bon souvenir d'elle, c'était certain.

Puis il marqua une courte pause, le temps de descendre un demi-litre d'eau, de s'éponger. Il revint vers le devant de la scène, grand sourire aux lèvres.

- Nous sommes très, très heureux de rejouer en Irlande et pour plusieurs concerts au cours des trois prochaines semaines. Nous allons revoir de bien beaux endroits de votre pays et c'est fabuleux de se dire qu'on va, à nouveau, pouvoir échanger avec vous. La dernière fois... Il y a à peine deux ans... Et oui, ça semble fou... On avait joué dans une belle petite salle ici, mais vous étiez dix fois moins nombreux !

Grands cris, voire hurlements du public.

- Marrant, mais on entendait vachement mieux le public dans cette salle qu'ici... fit-il, un rien goguenard et provocateur.

Cette fois, les cris furent si forts que je me dis que plusieurs allaient en perdre leur voix.

- Ah quand même... Oui... Il y a presque deux ans, nous nous étions aussi rendus à un endroit bien particulier. De cette visite... est née une chanson.

Et il poursuivit, citant un extrait, alors que Stair entamait son introduction à la basse :

- La couleur de cette chanson est le vert, celui du drapeau irlandais. Le vert des collines, le vert de la mer. Le vert de l'espérance... No man's land !

Et Lynn lança sa rythmique avec une puissance rarement égalée, du moins de ce que j'avais pu entendre jusqu'à présent.

Stair

J'étais très heureux de reprendre le fil de la tournée par l'Irlande. Lors de la précédente, nous y avions vécu de bons moments, rencontré un public très amateur et aimant faire la fête. Même si on avait joué dans de petites salles, l'ambiance avait toujours été au rendez-vous et les échanges après le show avaient été intéressants. J'avais ainsi pu discuter avec des amateurs, parfois dans un pub, autour d'une bière. Lynn était souvent avec moi. J'en gardais un bon souvenir. Et Ruggy était encore avec nous...

Ce soir, ce serait un premier grand et beau concert. Treddy était à fond, comme toujours quand on jouait en terre celte. Il remporta un grand succès, éclipsant presque Snoog, en montrant le dos de son t-shirt avec le grand Yes ! en faveur de l'indépendance écossaise. Et je me dis que lorsque nous jouerions en Ecosse, ce serait certainement encore pire.

Comme nous avions eu l'occasion de le faire certains soirs, nous avions convenu d'une reprise d'un autre groupe. Après Scorpions en Allemagne ou Trust en France, le choix n'avait pas été bien difficile pour l'Irlande. Et même s'il ne s'agissait pas d'un groupe de hard-rock, on ne pouvait pas passer à côté, surtout à Dublin.

Aussi après avoir joué No man's land et recueilli beaucoup d'applaudissements, un technicien apporta rapidement le pied du micro à Snoog, pied qui avait disparu dès la moitié de la première chanson. Je m'attendais à une chaude réaction du public et je ne fus pas déçu.

- Merci, merci... Ce soir... Comme nous le faisons presque à chaque fois... Nous voulons rendre un petit hommage à un groupe qui nous a marqués, qui nous a influencés... Et après No man's land, nous aurions pu choisir une autre chanson, mais...

Et il se tut, alors que Lynn se levait derrière ses fûts pour frapper bien fort ses baguettes entre elles, et Treddy, Frank et moi entamâmes ensemble les premières notes. Aussitôt, accompagnée de cris et d'applaudissements, une vague se forma dans le public, mouvante, ondulante et belle, comme une de ces vagues ayant traversé l'Atlantique et venant s'échouer sur une plage au sable blanc de la presqu'île de Dingle ou du Connemara.

Oui, une vague.

One.

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