Chapitre 81 : Children of Freedom

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Ally

- Merci, merci... C'est, ce soir, notre dernier concert en Italie et nous sommes heureux de le donner devant vous tous. Je voudrais cependant...

Snoog leva un instant la main, reprenant son souffle. Ils venaient d'achever Mort Ghlinne Comhann et même s'ils ne jouaient pas le morceau en Ecosse, c'était toujours un grand moment du show, très attendu par le public. Quel que soit le pays, nous avions pu le constater Jenna et moi, tous les fans connaissaient la chanson par cœur et mettaient comme un point d'honneur à la chanter à l'unisson avec Snoog. Il en était toujours très touché, nous l'avait-il confié.

Stair m'avait dit, dans la loge, qu'ils allaient faire quelque chose d'un peu spécial ce soir, mais j'ignorais quoi. De ce que j'avais compris aussi, seuls le chef électro et les ingénieurs du son étaient au courant. Je pensais que ce serait certainement vers le milieu du concert.

Et le moment était effectivement venu, je le compris très vite.

Car soudain, la scène fut totalement plongée dans le noir, on ne vit qu'une petite lumière allumée au bout du bras tendu de Snoog. Ce dernier reprit, après avoir laissé passer les cris étonnés du public :

- Je voudrais en effet vous demander... Vous devez bien avoir dans les poches un briquet - même s'il est interdit de fumer dans la salle - ou un téléphone... Alors... Allumez-les. Comme des dizaines de petites bougies qui s'allument, ce soir, cette nuit, un peu partout dans le monde. Comme ces milliers de petites bougies qui se sont allumées il y a quelques heures à Hong-Kong, pour rappeler qu'il y a vingt-sept ans exactement, le 4 juin 1989, un terrible massacre fut commis contre une population totalement désarmée...

On vit très vite, dans le public, s'allumer de petites lumières, certains commençaient à bouger le bras doucement, pour créer un bel effet visuel. J'échangeai un regard avec Jenna : nous retenions toutes les deux notre souffle, bien conscientes que les garçons allaient nous offrir un nouveau grand moment et une belle émotion à partager avec le public.

Snoog ne s'était pas arrêté, alors que des projecteurs à l'éclairage réduit s'allumaient pour éclairer séparément les quatre autres musiciens. Lui demeurait encore dans l'ombre. Stair, Lynn, Treddy et David portaient maintenant un brassard blanc sur lequel étaient dessinés deux idéogrammes. Ces deux idéogrammes étaient semblables à ceux figurant sur l'affiche de la tournée, en surimpression sur la photo de l'homme arrêtant les chars à Tian an Men. Ils devaient l'avoir dans les poches et avaient profité du moment d'obscurité pour le glisser autour de leur bras gauche.

- Aujourd'hui, cette population est toujours bâillonnée. Aujourd'hui, il est toujours interdit de se recueillir place Tian an Men. Aujourd'hui, un citoyen chinois du nom de Liu Xiaobo, prix Nobel de la Paix, est toujours emprisonné. Honte à ce régime qui garde sous les verrous un homme de paix ! Honte à ce régime qui massacre les populations ouïghoure et tibétaine ! Honte à ce régime qui a tiré sur ses enfants !

Il y eut une grande ovation. Snoog reprit son souffle et lança, alors que le projecteur s'allumait cette fois sur lui :

- Ce soir, nous allons tous penser à eux ! Ce soir, nous allons être pour eux... des Children of Freedooooooom !!!

Et les quatre garçons lancèrent leurs premières notes, sur un rythme endiablé. Exceptionnellement, ce soir-là, Treddy joua ce morceau avec la guitare de Ruggy. Les autres soirs, elle était demeurée comme toujours, accrochée au mur, en général derrière Lynn ou juste sur le côté de la batterie. Car si Treddy avait joué la mélodie - de même que celle de Fire Man et de Partir en vrille - avec cette guitare pour le disque, en concert, il n'utilisait que les siennes.

Non, je n'ai jamais su

Que j'avais fait le tour du monde

Que mon image était devenue

Un symbole porté par une onde

Je voulais juste arrêter

Cette colonne de blindés

Les empêcher d'accéder

Jusqu'à la Place de la Paix

Là où le sang avait coulé

Depuis la nuit du 35 mai

Innocents étaient nos enfants

Courageux étaient leurs parents

Ils ont dit qu'il ne s'était rien passé

Ils ont dit que personne n'avait été tué

Mais pourquoi l'avenue est-elle rouge ?

Pourquoi alors que personne ne bouge ?

Ils ont bâillonné les gens

Ils ont fait peur à tous les habitants

Ils ont cru qu'on se tairait

Mais chacun en son cœur sait

Allumer une bougie

En juin, peu après minuit

Allumer une bougie

Un jour sera possible

S'il doit en être ainsi

Alors un symbole je suis

J'arrêterai toujours les chars

Et chacun en gardera la mémoire

Et chacun en gardera ma mémoire

* Children of Freedom (par Snoog pour les morts du 4 juin 1989 à Pékin)

Ce fut une très belle interprétation du titre phare du dernier album. Sans nous concerter, Jenna, Gordon, Speedy et moi nous nous étions levés d'un même élan et nous applaudîmes les garçons à la fin de la chanson, durant toute l'ovation que le public leur accorda également.

Stair

Turin. Dernière date en Italie. Deuxième concert dans cette ville. Après l'aléa vécu à Rome, nous avions poursuivi le rythme de la tournée. L'ingé-son de cette salle était bien présent et Fiona put se concentrer avec Dany sur les retours pour le groupe. Cela se passa très bien. Dany était impressionné : il avait eu l'occasion d'en parler avec nous. Il pensait que la jeune fille s'en était bien sortie à Rome car elle connaissait la salle, mais à Turin, elle avait aussi offert une prestation de grande qualité.

Gordon et Alice étaient en train de régler les derniers détails et notamment devaient se débrouiller pour trouver des billets d'avion pour Fiona. Alice dut lui laisser sa place pour le vol entre Lisbonne et Lyon, elle réussit à avoir une place pour elle-même dans un avion qui partait plus tard, mais trop tard pour le groupe. Elle avait déclaré à Gordon, en rigolant, qu'elle était sa variable d'ajustement.

Pour les deux autres trajets en France, entre Lyon et Paris, puis entre Paris et Clisson, nous irions en bus, donc pas de souci. Quant au trajet Turin / Madrid, il restait miraculeusement des places dans l'avion.

Tout ceci étant maintenant réglé, nous nous apprêtions donc à donner notre dernier concert en Italie. Le public était différent de celui que nous avions en Allemagne, et même en Irlande ou en Ecosse. Mais il était aussi très amateur de métal, il y avait de bons groupes italiens qui en jouaient. L'ambiance lors des concerts était très festive et joyeuse, mais plus colorée qu'en Irlande.

Nous étions dans la grande loge. Juste nous cinq. Gordon discutait avec le régisseur de la salle, Andrew et Aarav veillaient à des considérations matérielles, les filles étaient parties en balade pour l'après-midi. Elles n'allaient pas tarder à nous rejoindre.

- Ce soir, faut qu'on marque le coup, fit Snoog. J'ai une petite idée...

- Laquelle ? fit Lynn.

Personnellement, je ne voyais pas trop de quoi il voulait parler. Mais j'attendais : on n'allait pas tarder à avoir les explications, de toute façon.

- On est le 4 juin, expliqua notre chanteur.

Et alors, je compris. J'avouais qu'à certains moments de la tournée, je perdais un peu le fil des dates. La dernière fois, j'étais mieux au fait du calendrier, aussi parce que j'étais attentif au planning d'Ally, aux périodes où elle alternait cours et mise en situation. Là, je me laissais porter.

- Ok, dis-je. Tu proposes quoi ?

- J'ai dans l'idée de d'mander au public de rendre hommage aux morts de Tian an Men. Il faut mettre le chef electro et les ingés-son dans l'coup. Mais ça, c'est pas trop compliqué à mon avis. Juste un petit réglage spécial pour cette chanson.

Et il nous exposa alors son idée. Plonger la scène dans le noir, souligner l'importance d'allumer une petite lumière, tous ceux qui le pouvaient. Je voyais déjà assez bien ce que ça pourrait donner. Et ce serait très émouvant. A ce moment-là, Treddy prit la parole :

- C'est une belle idée, Snoog. Ce qui est dommage, c'est que nous, on ne puisse pas porter une petite lumière sur nos instruments. Il faut trouver autre chose.

- On pourrait reprendre les idéogrammes, suggéra David. On les accroche comme un petit drapeau au bout de nos manches et pour Lynn, je ne sais pas trop... Devant la grosse caisse, peut-être ? Ou alors, l'éclairagiste peut les créer derrière nous, les faire apparaître en grand sur le mur.

- C'est une bonne idée, fit Snoog, mais j'pense que c'est un peu compliqué à réaliser à l'arrache. C'est l'genre de truc qu'il faut prévoir plus en amont...

- On pourrait chacun mettre un brassard autour de notre bras, reprit Treddy. Pendant la chanson.

- Ouaip, fis-je. Ca, c'est facile à faire. Un bout de tissu blanc ; limite, on découpe un ou deux t-shirts pour les fabriquer, on trace les idéogrammes au feutre dessus et le tour est joué.

- Yes ! fit Snoog en se tapant du poing dans la main. Et ensuite, on les dédicace et on les offre aux fans à la sortie.

- Aux vrais fans, fit Lynn. Pas aux groupies. On les garde pour ceux qui restent jusqu'au bout.

- Ok.

Snoog fila aussitôt trouver les techniciens pour leur en parler, avec mention de garder le secret, y compris vis-à-vis de Gordon et des filles. Il fallait jouer l'effet de surprise et d'émotion au maximum : je savais qu'il adorait faire aussi ce genre de petite surprise à nos proches, et aux filles en particulier. Il n'avait pas oublié leur émotion lorsqu'on avait interprété pour elles, pour la première fois, Fire Man.

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