Chapitre 87 : Smooth

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Ally

- Ca a l'air chouette.

Je me tournai vers Jenna. Nous venions de descendre du bus qui nous avait conduits de l'aéroport de Managua à l'hôtel. Après les concerts en Amérique du Nord, le groupe entamait maintenant ses dates en Amérique centrale et du Sud. Une date pour chaque pays : après le Mexique, les Dark Angels s'étaient produits au Guatemala, au Salvador, au Honduras. Nous étions maintenant au Nicaragua.

- Oui, tu as raison.

Nous récupérâmes nos valises et gagnâmes le perron. Gordon menait notre petite troupe, avec Alice. Ils se dirigèrent droit vers l'accueil, nous pûmes rapidement récupérer les clés de nos chambres. Nous convînmes Jenna et moi de nous retrouver dans l'un des patios de l'hôtel, au bord de la piscine, une fois que nous serions installés.

Nos chambres étaient toutes dans une des ailes de l'hôtel et donnaient sur un joli patio. Des bananiers et des orangers voisinaient avec des parterres de fleurs luxuriantes, entourés de murets de pierres. C'était très joli.

Dès la porte franchie, Stair lâcha :

- Wahou, c'est grand !

Je hochai la tête. La chambre devait être aussi grande que son précédent appartement. Et c'était sans compter avec la salle de bain.

- C'est beau, dis-je. C'est sobre, j'aime bien. Et on a une belle vue sur le patio.

- C'est vrai, fit-il en approchant de la fenêtre. C'est cool de rester là trois jours.

- Enfin, deux nuits, fis-je pour corriger. On est déjà en début d'après-midi et à part la journée de demain qu'on va entièrement passer à Managua...

- Tu as raison. Tu trouves le rythme trop soutenu ?

- Disons qu'on fait beaucoup de sauts de puce depuis qu'on a quitté Québec, mais ça va encore. J'aurais aimé rester au moins une journée de plus à chaque endroit pour qu'on puisse se balader un peu, mais bon...

- Jenna et toi, vous profiterez mieux quand on sera à Lima ou au Brésil. Les étapes seront plus longues. Bon, ça t'embête pas que j'te laisse, baby ? Faut qu'je retrouve les autres pour aller à la salle...

- Non, ne te soucie pas ! Il y a une piscine, je vais y passer l'après-midi avec Jenna. C'est le bon côté des choses. Et Alice avait bien fait d'insister pour les hôtels avec piscine pour toute cette partie de la tournée...

- Elle est presque jalouse de ne pas pouvoir en profiter autant que vous, sourit-il.

Puis il m'embrassa avant de sortir de la pièce. Il n'avait même pas défait son sac. Mais le temps était compté, je le savais bien. J'entrepris donc de sortir les affaires dont nous aurions besoin pour la fin de journée et demain matin. Je récupérai aussi notre linge sale en me promettant de le remettre avec celui d'aujourd'hui à la buanderie de l'hôtel. Autant en profiter quand le service était proposé. Ca simplifiait les choses. Puis j'enfilai mon maillot de bain, une robe fluide, attrapai ma serviette et je gagnai la piscine.

Jenna ne s'y trouvait pas encore, je profitai donc d'un petit moment seule pour me détendre, les pieds dans l'eau. Elle me rejoignit bien vite.

- Ca va, Ally ? Tu veux un cocktail ou un jus de fruit ?

- Non, merci. Mais va en prendre un pour toi, si tu veux.

- Non, ça va encore. Hum, c'est assez calme pour le moment...

- Oui, dis-je. Les clients doivent être en excursion...

- Sans doute, fit-elle. Tu te sens bien ?

- Oui, fis-je et toi ?

- Un peu barbouillée... Alice aussi. On a mangé une des salades proposées hier soir, la même, et on soupçonne qu'il y avait un truc pas très frais dedans. En même temps, on s'attend un peu à avoir des soucis chacun notre tour, avec l'alimentation qui change tout le temps, la chaleur...

- Et la fatigue des trajets, complétai-je.

- Aussi.

- Si tu préfères te reposer dans votre chambre, je peux rester un peu toute seule, tu sais, ajoutai-je pour qu'elle ne sente pas obligée de me tenir compagnie. J'irai récupérer un des bouquins que Snoog m'a filé et qui est pas mal.

Elle sourit :

- Pour l'instant, ça va. On va se baigner ?

J'acquiesçai et nous passâmes un bon moment à faire des longueurs. Ce patio où se trouvait la piscine était en effet relativement calme à cette heure et nous pûmes profiter d'un vrai moment de détente. Dès qu'il commença à y avoir du monde, nous regagnâmes nos chambres. Les garçons n'étaient pas encore de retour et j'en profitai pour prendre une petite douche.

Stair

Le concert du lendemain augurait bien. La salle était pas mal, le matériel avait suivi sans problème. C'était toujours notre crainte et celle de Gordon en premier lieu : qu'il n'y ait un souci dans le transport du matériel puisqu'on devait prendre l'avion à chaque étape. Impossible de faire des trajets en camion ou en bus. C'était toute une logistique à suivre. Il arrivait fréquemment qu'il ne soit pas possible de faire voyager le matériel dans le même avion que nous. Dans ce cas, Andrew et deux roadies embarquaient toujours dans l'avion du matériel, même si c'était un avion de fret et que le nombre de places pour les passagers y était réduit. A l'arrivée, Aarav et Gordon les attendaient.

Nous avions passé l'après-midi à discuter avec l'équipe de la salle, les roadies avaient sorti le matériel et commencé à le mettre en place. On avait même pu jouer une petite heure, c'était pas mal. Puis nous étions rentrés à l'hôtel. Soirée relâche. Et j'avais envie de la passer seul avec Ally.

J'entrai dans la chambre et entendis d'emblée l'eau couler dans la salle de bain : Ally devait se doucher. Je déposai l'étui de ma basse dans un coin et traversai la pièce. La chambre était vraiment spacieuse. Je jetai un regard par la fenêtre, à travers les stores ajourés : le coin patio était tranquille. Les filles avaient certainement passé un bon moment cet après-midi.

Puis j'ôtai mes vêtements, les laissant tomber au sol, et je rejoignis Ally dans la salle de bain. Elle avait les yeux fermés alors que l'eau ruisselait sur son visage : elle était sans doute en train de rincer ses cheveux. Je me glissai dans son dos, l'entourai de mes bras. Elle sursauta, puis un franc sourire s'afficha sur son visage. Je lui murmurai à l'oreille :

- J'prends ma douche avec toi, baby, si tu veux bien...

- Hum, hum... répondit-elle en me laissant la câliner.

Puis elle se tourna vers moi, je l'embrassai tout en poursuivant mes caresses. Elle entreprit ensuite de me laver, je la laissai faire bien volontiers. A peine rincé, je la portai jusqu'au lit et nous occupâmes très plaisamment cette belle fin d'après-midi.

Ally

Ma main passait doucement dans les cheveux de Stair. Nous étions étendus sur le lit - un grand lit aux draps blancs. Sa joue reposait contre ma poitrine et ses yeux étaient fermés. Nous venions de faire l'amour.

La lumière qui entrait dans la chambre était très belle, en cette toute fin d'après-midi, entre rosé et orangé. C'était calme, reposant. La tournée était dense, les dates s'enchaînaient, les voyages également. Aussi, dès que nous pouvions profiter de quelques moments de détente, nous le faisions. Parfois juste Jenna et moi, voire avec Alice, Speedy et Aarav, même si ces derniers étaient souvent pris avec le groupe. Parfois, comme en cette fin de journée, juste Stair et moi.

Je laissai mes pensées vagabonder. Depuis Toronto, depuis que j'avais craint d'être enceinte et plus encore depuis que Stair m'avait dit qu'il n'était pas contre l'idée d'avoir un bébé et même carrément pour, j'y pensais souvent. J'avais un peu de mal à imaginer comment tout pourrait se concilier, entre le groupe et les exigences des tournées, mon travail que j'aimais même si je ne le pratiquais pas en continu et l'éducation d'un enfant. Dans le groupe, seul Treddy était père. Avec toutes les difficultés qu'il connaissait pour voir Coleen. Certes, sa situation était particulière puisqu'il était séparé de la maman. Ce serait différent pour nous.

De ce que j'avais pu échanger une ou deux fois avec Jenna, je savais que Lynn ne voulait pas d'enfant. David était célibataire après une rupture douloureuse. Quant à Snoog... Rien que l'idée avait de quoi faire rire tant elle paraissait saugrenue. Il répétait à l'envi "pas de ça pour lui" ou "ni dieu, ni maître, ni femme, ni enfant". Au moins, c'était clair. Mais Stair et moi...

Cette première tournée mondiale était une vraie découverte pour moi. Nous nous rendions dans des tas de pays différents, rencontrions des gens vivant d'une toute autre façon que nous. Dès que cela était possible, nous faisions de petites visites, parfois juste Jenna et moi, parfois avec les garçons comme cela avait été le cas à Québec ou à New York. Il y avait de très bons côtés. D'autres étaient moins faciles à vivre, notamment les nombreux trajets, le fait d'être tout le temps en mouvement, de ne pas pouvoir nous poser ou alors rarement plus de trois jours à un même endroit. Pour un bébé, prendre l'avion pouvait être compliqué, voire dangereux si les voyages étaient trop fréquents, surtout pour ses oreilles délicates. Un bébé avait besoin de stabilité pour bien se développer. Une fois plus grand, vers deux ou trois ans, c'était déjà plus facile. Et ensuite ? Quand il grandirait... Il irait à l'école, se ferait des amis. Bouger tout le temps ne lui conviendrait sans doute pas... Nous devrions alors faire comme beaucoup de familles de musiciens, rester à la maison lui et moi et laisser Stair repartir avec le groupe.

Je me disais que je profitais déjà bien de cette première grande tournée, que c'était une chance fabuleuse de pouvoir la vivre, de pouvoir être avec tout le groupe, Jenna et l'entourage. Que ça se passait bien dans l'ensemble, même s'il y avait toujours quelques aléas. Les concerts étaient chouettes, le public enthousiaste. Et après ces premiers shows en Amérique centrale, je commençais déjà à bien entrevoir ce que Steve Harris avait confié à Stair : que le public sud-américain était vraiment génial, tout en étant très différent de l'européen.

- A quoi tu penses, baby ?

Je baissai les yeux vers Stair. Il n'avait pas bougé, alors que je passais toujours mes doigts dans ses cheveux.

- Je pensais... à ce que tu m'avais dit à Toronto. J'y pense souvent, en fait.

- Ah... Et alors ?

- Et bien... J'essaye d'imaginer ce que ce serait d'avoir un bébé.

Il sourit. Sa main remonta sur ma hanche. Il garda cependant les yeux fermés. Rien qu'à le voir ainsi et je sentis mon cœur se remplir d'une puissante vague d'amour, au point d'en déborder. Avoir un bébé... Tous les deux... Porter son enfant... A cet instant, cette idée fut si intense qu'elle balaya toutes les interrogations que je pouvais avoir.

- Moi, j'imagine très bien, dit-il toujours sans bouger.

- D'où ça t'est venu, cette idée ? Cette envie ?

Il ouvrit les yeux, se redressa et prit appui sur ses bras tendus, de chaque côté de mes épaules. Son regard si doux plongea dans le mien, me faisant frémir jusqu'au plus intime de mon être.

- Parce que je t'aime, Ally. Et avoir un bébé, toi et moi, ce serait que du bonheur.

Je lui rendis son regard et je parvins à murmurer, malgré l'émotion :

- C'est vrai que ce serait du bonheur.

Stair

C'était la fin de la journée. Nous n'avions pas quitté la chambre, Ally et moi, et après l'amour, j'avais repris ma basse et m'étais assis à même le sol, contre le lit. Ally s'était enveloppée dans un des peignoirs bleu nuit de l'hôtel et s'était appuyée contre mon épaule. Même sans voir son visage, j'étais certain qu'elle avait les yeux fermés.

Comme moi.

Je jouais tranquillement, à un rythme plus lent que les originaux, ces lignes de basse que j'affectionnais tout particulièrement et que je reprenais souvent pour elle, dans des moments comme celui-ci, dans des moments où nous étions dans notre bulle. Reviens !, bien sûr, mais aussi Remember Tomorrow et certains passages de Rime of the Ancient Mariner, une des plus grandes compositions et réussites de Steve Harris.

Sa main glissait en une lente caresse sur mon bras, sa respiration était calme, régulière. Nous étions bien.

Et heureux.

Car nous venions de prendre une décision parmi les plus importantes de notre vie. Celle qui ferait que, demain, nous ne serions plus deux, mais trois. Que, demain, quand la tournée s'achèverait, nous envisagerions très sérieusement de plonger dans une autre réalité, de découvrir un nouvel univers.

Celui d'être parents.

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