Chap 15 : la cabane à carrelet

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Le long du littoral se dresse une cabane peu banale. Faites de bout de bois aux couleurs lilas et coiffées d’un toit de tôle qui gondole. Un ponton la relie à la terre, seul accès entre elle et la mer pour venir la visiter. Sur ses piliers, elle semble se plaire et se satisfaire de cet emplacement idéal au bord de l’eau. Un vieux loup de mer est installé à l'avant de ce bateau sur pilotis. Ainsi suspendu dans le vide, l’embarcation vole au vent, au gré des marées.

— Papi, acceptes-tu un peu d’aide en cette fin d'après-midi ? lui demande Hector tout en le saluant.

— Comment refuser la compagnie de moussaillons, répond-il avec un large sourire.

Nous approchons de l’habitat afin de découvrir la tâche qui nous incombe. Un grand filet carré est suspendu dans le vide. Le vent le balance de droite à gauche. Il me fait penser à une nacelle dans laquelle j'aimerai me prélasser pour observer le ciel déverser ses teintes bleutées sur l'horizon, et l'océan lécher mes fesses sans arrière pensée.

Hector quant à lui nous enseigne cette technique de pêche si particulière. Un appât est déposé au centre du carrelet. Puis, il baisse le filet dans l'océan à l’aide d'une poulie. Une fois submergé nous devons le soulever rapidement. Chacun s’active pour maintenir le mouvement. La maîtrise est tout un art que nous ne souhaitons pas briser par notre maladresse. Nous ne quittons pas des yeux, notre trésor apporté par la marée montante. Nos efforts sont récompensés, des crabes, des crevettes et des petits soles remplissent le panier.

Positionnés autour de la table, nous observons la dextérité de l'aîné. Les poissons dans ses mains sont nettoyés et vidés afin de pouvoir les déguster sur une plancha. Hector et Victor mettent la table pendant que je profite de quelques anecdotes distillées par Ernest. Il m’explique comment les tempêtes de mille neuf cent quatre vingt dix neuf et de deux mille dix ont été terribles. Je n’en crois pas mes oreilles quand il m’annonce avec émotions que plus de quatre vingt dix pourcent des carrelets ont été détruits en quelques heures. Sur les six cent cabanes soufflées par les vents, seulement quatre cent cinquante ont été reconstruites et je découvre qu’on ne peut pas les acheter, elles sont louées de façon aléatoire par l'État.

Assis sur le ponton, j’admire le coucher de soleil, les vagues déferlent au pied de notre cabanon. Dans le silence du soir, seul le ballet des goélands accompagne nos discussions. Nous avons partagé un repas frugal avec un grand-père et son petit-fils, tous deux amoureux et respectueux de ce monde qui les entoure. Nous écoutons avec respect leurs histoires et comprenons rapidement que la tempête n’a pas seulement englouti quelques planches. Le père d’Hector, marin émérite, repose sur ce lit de sable.

Je saisis mon carnet pour déposer les contours de la cabane à carrelet. Sur le ponton, le dragon déploie ses ailes, le gardien du lieu, son regard porté sur la ligne d’horizon. Les lignes se font courbes, les courbes s’étirent en arabesque, les arabesques s’effacent pour laisser la place à des gerbes d’écumes qui enveloppent le voilier surgissant de l’océan. Dans cette soirée de mai, aucun regret, pas de colère, ni rancœur, juste un grand-père et un petit-fils fiers de transmettre leur valeur avec pudeur à deux jeunes voyageurs.

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