Chapitre 20 : Dans les pas de Richard Cœur de Lion

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Avant de nous envoler, un premier arrêt s’impose. Une bâtisse se dresse sur le bord du chemin en gardienne du coin. Derrière ses murs dorment des siècles d’histoire. Samy observe l’abbaye et saisit son crayon pour en esquisser les contours. Ma tête posée sur son épaule, j’admire sa dextérité. Ses doigts me fascinent, les lignes s’étalent. Un subtil songe envahit mes pensées en lisant le panneau d’informations. La construction de l’abbaye Royale de Lieu-Dieu fut commandée par le roi Richard Cœur de Lion au onzième siècle pour les moines de l’Ordre des Prémontrés à Jard-sur-Mer en Vendée. Cette belle surprise aiguise mon appétit, ce saut dans le passé me captive. Je découvre au fil de ma lecture que l’abbaye a connu de nombreux heurts pour finir par tomber en ruines au début du quinzième siècle au cours d’un ultime pillage. À l'heure actuelle, une collecte de dons est instaurée par les nouveaux propriétaires pour consolider le toit et la rendre ainsi accessible aux férus d’Histoire. Regrettable de ne pouvoir jeter un œil à la salle capitulaire. Samy range son croquis et nous reprenons le cours de la réalité.

La route se déroule sous nos yeux, les paysages qui en découlent sont merveilleux. Pas facile de rester concentré sur le pédalier, entre l’océan à ma gauche, la plage du Veillon qui se profile à l’horizon et les fesses de mon compagnon, je ne sais où donner de la tête. Samy se déhanche avec tant d’aisance. Le plus sportif de nous deux ouvre la route pour mon plus grand plaisir et quand il vient se porter à ma hauteur, je ralentis pour admirer une dernière fois son postérieur.

Comment ne pas tomber sous le charme de celui qui jour après jour enflamme mon âme. Je m’égare dans ses formes qui ondulent à chaque effort. Je fantasme encore en songeant à prendre la place de cette foutue selle faisant corps avec ses courbes sensuelles. Pendant que la mienne malmène avec joie mon fessier. Je ne m’habituerai jamais à ce supplice. Comme à chaque fois, je ferai mon beauseigne et supplierai sans aucune gêne un massage à mon seigneur. Pas besoin de le prier, il prendra soin de malaxer les zones douloureuses. Je vois son regard coquin me déshabiller, l'as-tu lu dans mes pensées ?

  • Viens Victor, suis-moi.
  • Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu as vu un monstre, l’apostrophé-je en le voyant abandonné sa monture d'aluminium sur le parcage à vélo.
  • Allez presse-toi, insiste-t-il en attrapant son sac à dos et la laisse d’Ulysse.
  • Tu es sûr que tout va bien ? m'inquiété-je, surpris d’une telle hâte.
  • Arrête de discuter et avance.

Nous pénétrons dans le bois du Veillon, une bulle d’oxygène pour les curieux et une mine d’or pour les botanistes. Des fougères, du houx et des orchidées sauvages tapissent le sol. L’odeur des pins maritimes ravive nos sens. Le clou du spectacle, les chênes verts vieux de plusieurs siècles nous attirent. Nos mains effleurent le tronc, nous fermons les yeux et écoutons le silence. Côte à côte, nous profitons de l’ambiance mystique qui se dégage du lieu. Nous sommes des privilégiés, en cette période, les allées sont désertées. Ulysse, d’ordinaire fou fou, marche dans nos pas.

La vue en lisière de forêt s’ouvre sur un sentier encadré de bordures en bois, précaution mise en place pour protéger la faune et la flore. Le cadre est somptueux, les couleurs emplissent nos yeux, déclinent des verts, des bleus, des teintes pastelles. Ce camaïeu stimulera nos imaginaires féconds. Le décor me fascine, un don de la nature a savouré à deux. La plage se dévoile à l’abri du vent protégé par les dunes. Ce drapé de sable fin bordé d’une dentelle rocheuse et d’un canevas de marais salants s’étend sur un kilomètre.

Samy et Ulysse se précipitent pour rejoindre le bord de l’eau. Lequel des deux est le plus enthousiaste ? Lequel osera affronter la fraîcheur matinale et poser les pieds dans l’océan ? Avant de partir nous avons pris cinq minutes pour vérifier la météo et les marées. La période est propice. Aussi nous profitons pleinement de notre environnement en parcourant de long en large ce petit coin de paradis. Après nos folles courses, nos corps alanguis sur ce matelas douillet aux grains fins, contemplent le tableau à ciel ouvert.

  • Regarde un vélociraptor, me lance Samy en tendant son index vers l’azur.

De petits amas ouatinés semés dans le bleu se transforment à l’infini. Nous adorons l’un et l’autre donner vie à ces petits riens qui dopent nos âmes d’enfants.

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