Chapitre 24 : une leçon de braille

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La clepsydre posée sur le pupitre de l’entrée, nous rappelle que chaque grain qui file nous rapproche inexorablement de la fin de notre quête. Victor tend la plume à Julie pour qu’elle puisse délicatement ôter la poussière du carnet.

  • C’est nulle, une page blanche, soupire Julie déçue.

Devant le regard interrogateur de mes partenaires, j’observe de plus près le papier pour l’effleurer du bout des doigts.

  • Du braille, je peux sentir le relief des points, déclaré-je avec une pointe d’optimisme.
  • Comment déchiffrer les mots sans l’aide d’un spécialiste ? demande Victor, tout aussi surpris.
  • Laissez-moi une minute, le temps de rassembler mes souvenirs.
  • Tu sais que plus on traîne et plus nous avons de chances d’échouer, râle cette fois Laura, impatiente de sortir de là.
  • Faisons-lui confiance, suggère son père, toujours ravi de la situation.
  • J’ai quelques notions apprises au cours de ma quatrième, précisé-je, notre professeur d’anglais de l’époque était mal voyante.

L’expérience fut des plus enrichissante, son handicap, qui pour certains, semblait être un obstacle, Marianne Popins le faisait voler en éclat avec classe. En plus de la maîtrise de la langue, elle nous avait enseigné avec beaucoup de patience, les subtilités de cet alphabet. Ce code permettait de transcrire des sons à l’aide de points en relief placés sur une grille de deux colonnes à six points.

  • Alors ça dit quoi Monsieur malin ? me branche Julie.
  • Il faut retenir que chaque point représente une lettre de l’alphabet, une ponctuation et ou des chiffres, aussi j’aurai besoin de votre aide.
  • Tu veux qu’on note sur quoi grand bêta ? ajoute Laura en me tirant la langue.
  • Attendez, si ma mémoire ne me joue pas des tours, à côté du poudrier, il y avait un petit pot d’encre, s’écrie Victor en se dirigeant vers le secrétaire.
  • Et oui avec la plume on va pouvoir écrire sur une autre page du carnet, s'exclame Laura.

Une fois, tout le matériel en main, Laura a pour mission de calligraphier les lettres, Julie l’éclaire à l’aide de sa bougie en prenant garde de ne pas laisser la cire couler. Leur père, en retrait, apprécie la scène, heureux de cette complicité partagée. Victor, blotti dans mon dos, entoure ma taille de ses bras. Je ferme les yeux et commence à décrypter les lettres les unes après les autres en prenant soin de montrer à chacun de mes coéquipiers comment les reconnaître.

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JAMAIS …

Laura tend le carnet à Victor qui nous énonce à voix haute le texte :

“Jamais prisonnier n’exprimera sa pensée
correctement sans manifester sa tristesse,
mais pour se réconforter il peut faire une chanson.”

  • C’est un extrait de la complainte du prisonnier, conclut-il.
  • Que devons-nous comprendre ? souffle Julie.
  • Il nous faut trouver une partition pour nous libérer, réplique Laura.
  • Très drôle petite soeur, s’agace Julie.
  • Mais oui, confirmé-je, Louis Braille jouait du piano et a adapté son système pour la musique en y intégrant les partitions.
  • Quel rapport avec Richard ? rouspéta la brunette.
  • Il est devant tes yeux, déclaré-je.
  • Je suis larguée, avoue-t-elle en fixant le fond de la pièce.
  • Un tympanon, énonce son père.
  • Qu’est-ce que tu baragouines ? peste-t-elle.
  • Oui, le maître des lieux, nous en a parlé quand nous avons visité la grande salle.
  • Papa à raison, confirme Laura, il a parlé d’une caisse en forme de trapèze. Même que tu t’es moqué quand j’ai essayé de frapper les cordes tendues sur la table d’harmonie avec de petits marteaux.

Nous nous dirigeons vers l’instrument, la partition est posée sur le banc juste à sa droite.

  • Samy, tu sais aussi jouer de la musique ? me questionne Laura.
  • J’aime l’écouter avant tout, mais je connais un charmant jeune homme mélomane et pianiste.

Victor, fasciné par l’objet, commence par l’étudier avant de le tester. Ses doigts se posent sur le tympanon, mon corps frissonne. Les notes se diffusent dans la pièce, la mélodie résonne, toute notre attention se porte sur le musicien. Il m’impressionne, rien ne lui résiste. Un clic retentit comme si un cadenas se déverrouillait. Nous nous regardons, une porte s’ouvre sur un couloir sombre.

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