Chap 38 : Tout ceci est étrange
Après notre goûter improvisé, mon conteur sombre dans les bras de Morphée. Je remonte le plaid jusqu’à ses épaules et m'éclipse pour poursuivre mon exploration du lieu. La mezzanine est une caverne d’Ali Baba à une différence près, les quarante voleurs ont mis les voiles. À cette pensée, j'espère que leur butin n’a pas pris la forme d’un beau gosse au doux nom de Samy. Mon imagination est en ébullition, une librairie, des piles de bouquins, l’odeur de l’encre sur le papier, des revues usées par le temps et me voilà surfant sur une vague que je ne peux réfréner.
Je farfouille les étagères à la recherche d’une pépite à feuilleter. Peut-être que le petit poucet a semé sur son passage des miettes de contes tout aussi farfelues que poétiques. Dans ce lieu mystérieux, combien de regards se sont posés sur les quatrièmes de couverture en quête de dépaysement, de voyage ou de contrées sauvages. Combien de main ont-elles effleuré les pages de ses ouvrages aux multiples facettes ? Aucun ordre ou classement alphabétique ont été instaurés, juste un joli fatra. Les romans d'aventures côtoient les pièces de théâtre. Les contes philosophiques batifolent avec des fables fantastiques.
Je profite de mon exploration, dans ce coffre pour géants, pour jeter un œil vers la porte d’entrée, surpris par l’absence prolongée de mon dragon. Je m’attends à tout moment à le voir débouler de nul part, dans une tenue de pirate. Il aurait si fier allure. Difficile de résister à son charme quel que soit l’habit modelant ses formes. Même dans des haillons, mon regard ne pourrait se détacher de ses courbes. Pour l’heure, je voudrais juste voir son popotin se dandiner sur des airs de samba. Je consulte mon téléphone au cas où un de ses messages se serait glissé dans mes notifications sans que je ne fasse attention. Rien, pas même un de ses avatars.
- Victor, entends-je dans mon dos.
Le vieux bouquiniste s’est réveillé et m'appelle à le rejoindre pour poursuivre l’histoire.
- Si tu le souhaites, je peux reprendre les aventures de Samy et Morgan, me propose-t-il en reprenant le livre.
- Avant, je voudrais vérifier quelque chose, dis-je avec une pointe d'inquiétude.
- Prends le temps d’écouter la suite et qui sait je pourrais apaiser tes craintes.
- Pourtant mon ami n’est plus en bas et le connaissant il m’aurait laissé un message.
- Tu veux dire comme un poème manuscrit à la plume sur un parchemin.
- Je ne comprends pas.
- J’ai trouvé ce message posé sur ma table.
Il me tend le bout de papier. Je le déplie et découvre stupéfait un haïku. Je reconnaîtrais au milieu de cent autres textes celui écrit par Samy. Les formes de ses majuscules sont de belles courbes enlacées. À chaque fois, qu’il s’empare d’un crayon pour me laisser un mot juste pour moi, il agrémente les “v” d’ailes de papillon.
Au grand )v(ent d’été
je t'attendrai mon sau)v(eur
sur mon bel îlot.
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