Chap 42 : Là-haut

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Après une heure à dompter l'océan, à ramer à contre-courant sous le regard amusé des goélands, nous accostons au pied d’une falaise fort peu accueillante. Ses parois saillantes ne nous offrent que peu de prise pour grimper. De plus, avec seulement nos mains pour gravir l'impossible, il faudra nous armer une nouvelle fois de courage pour éviter le pire : brisés en milles morceaux sur les cailloux à fleur d’eau. Dire que cet été, au cours des JO, les athlètes ont franchi des blocs à la vitesse de vrais Spiderman.

Je me garde bien de faire allusion à ce sport à mon compagnon, il me prendrait pour un fou et je lui donnerai raison. Nous observons les différentes possibilités qui s'offrent à nous avec le même constat, il y a peu de place à l’approximation. L'audace restera notre seul atout et par chance nous permettra de trouver la bonne voie. Nous tirons à pile ou face pour savoir lequel de nous deux sera le premier de cordée. L'écu dans ma main révèle la tête couronnée de l'époque. Malgré des fouilles approfondis dans mes restes d’histoires cachés dans un coin de ma cervelle, pas moyen de remettre un nom sur ce visage. Morgan me regarde.

  • Qu’est ce qui t'inquiète au point de froncer les sourcils ? Est-ce d'avoir gagné le droit de passer en premier ?
  • Rappelle-moi qui est gravé sur l'écu ? demandé-je par curiosité.
  • Tu as dû te cogner la tête un peu fort pour oublier.
  • Oui ce doit être sûrement ça, aussi aide-moi à recoller les pièces.
  • Louis XV, idiot, bon en attendant de faire fructifier ton pactole, je t'en pris, à toi l’honneur.

Je lève les yeux au ciel pour me donner du courage et chercher les premières prises sur lesquelles je pourrai m'appuyer. Par chance, j'aperçois à quelques encablures de notre départ un premier plateau où nous pourrons reprendre notre souffle. Arrivé sur ce palier, je prendrai le temps d'étudier la prochaine étape. La roche recouverte d'embruns est légèrement glissante. Si Victor pouvait me voir, il m'encouragerait sans me brusquer. D'ailleurs où se trouve mon papillon ? J'espère qu'il est en bien meilleure posture que je le suis.

Les goélands ne nous quittent pas d'une semelle depuis que nous avons levé l’ancre de notre îlot. Ils semblent être nos guides dans notre ascension. Dans les airs, ils ont une vue d'ensemble dont je voudrais être pourvu à cet instant. Dès que je remettrai la main sur un carnet et du fusain, je leur donnerai une place sur mes planches à dessin. J'enchaîne les prises sur cette première partie sans trop de difficulté et d'une certaine façon m’en satisfait.

  • Premier niveau franchi, dis-je soulagé.
  • Tu penses qu'il nous en reste combien ?
  • Tout dépend si nous trouvons un nouveau plateau pour nous reposer.
  • Là regarde, l’oiseau qui nous observe.
  • Décidément ces volatiles ont décidé de venir à notre secours.
  • Peut-être qu’ils nous prennent pour l'un des leurs, sourit Morgan.

Nous progressons à un bon rythme, il y a bien longtemps que je ne regarde plus vers le bas. Quand nous nous accordons une brève pause c'est pour admirer l'horizon et l'île que nous avons désertée sans regrets. Un dernier effort et nous serons rendus à bon port, enfin devrais-je dire sur le plancher des vaches. Les entailles sur mes mains me font souffrir et ralentit le rythme. Le vent du large n’aide en rien notre avancée et la dernière bourrasque aurait pu nous emporter au loin si dans un effort ultime, Morgan en meilleur position n’avait pas retenu mon pied qui ripait.

  • Allez un dernier effort, nous sommes arrivés à destination, lancé-je en accrochant mes deux mains en haut de la falaise.

À genou sur la terre ferme, je tends mes deux mains pour saisir celles de Morgan et le hisser. Exténués nous nous finissons à plat ventre et observons de notre promontoire le chemin parcouru. Un frisson me saisit en réalisant l'exploit que nous avons réalisé.

  • Samy, je ne sais pas qui est le plus fou des deux.
  • Dis-toi que le plus fou est celui qui ne prend jamais la peine d’essayer.

Nous contemplons la mer qui s'étend à perte de vue, aucun nuage, aucune voile à l’horizon. Le soleil décline peu à peu dans un feu d'artifice de teintes orangées, le spectacle est somptueux. Le ciel s’embrase sous nos yeux.

  • Nous devrions nous hâter de trouver un coin pour passer la nuit, proposé-je.
  • Oui, il serait dommage d'avoir gravi une falaise pour se faire bouffer.
  • Je ne voyais pas les choses ainsi mais il est vrai que nous pourrions être des proies faciles pour un prédateur.
  • Regarde là-bas, un phare qui sait pourrions-nous trouver une âme charitable.
  • Tentons notre chance, le goéland semble être d'accord.

Nous pressons le pas pour arriver avant l'obscurité. Nous parcourons la distance qui nous sépare de l'édifice en moins de temps que nous l'aurions espéré. L'oiseau nous a devancé, il patiente sur le pas de la porte. À ses côtés se tient un homme, à l'air intrigué.

  • Que me vaut votre visite à cette heure ? demande-t-il sans animosité. Vous seriez-vous égaré ?
  • Si seulement, commence Morgan avant de se raviser.
  • Oui, d'ailleurs où sommes nous, ajouté-je.

Après tout c’est bien le cas, depuis un certain temps je suis déboussolé alors pourquoi mentir.

  • "Au royaume de France”, précise-t-il avec fierté.
  • Et plus précisément ? insisté-je.
  • L'île d’Oléron, ajoute-t-il en nous invitant à entrer.

Je rêve, ce n’est pas possible, cet édifice je le connais. Axel, Alizée et Hugo me l’ont fait découvrir il y a deux ans, lors de mon voyage à vélo pour rejoindre Paris.

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