Les vautours
Les vautours n'ont jamais le temps
d'en consacrer à leurs parents.
Toujours exténués ou surchargés,
il leur est impossible de venir les aider.
Les rares fois où ils le font,
c'est de mauvais cœur et par obligation,
ou pour s'emparer avec cupidité
de quelques objets plus tôt repérés.
Après un service donné,
les vautours claironnent à toute volée.
Une lettre postée,
une baguette apportée,
une chaise déplacée,
il faut que le Monde en soit informé.
Les vautours se plaignent sans cesse
et répètent - ô combien ! - la vie est chère
avant de partir en vacances
ou d'acheter des biens-tendance.
Experts en visites éclair,
maîtrisant l'art des faux contretemps,
les vautours souhaitent que leurs parents
dépensent le moins leur vie durant.
Tapis dans l'ombre,
ils épient,
rôdent,
tournoient,
minaudent,
supputent
et échafaudent
mille et un projets ;
en priant avec ferveur
pour que leurs précieux géniteurs
choisissent en dernière demeure
urne en carton recyclé
ou cercueil en contreplaqué.
Sans crier gare,
par un miraculeux hasard,
leur indisposition manifeste
aux maisons de retraite
s'arrête
au même instant
que la vie du mourant.
Son corps à peine froid,
ils fondent sur leur proie
en quête de bagues, colliers, chaînes, bracelets
ou de liquidités qu'elle pourrait receler.
Peu importe le jour,
le temps,
le lieu,
la circulation,
les vautours arrivent les premiers,
en toute saison,
chez le notaire ad-or-é,
après avoir bruyamment inondé
le cimetière tout entier.
Hélas, pour l'évacuation des encombrants
ou l'entretien des monuments,
les vautours ne répondent jamais présents
tant leur chagrin est grand !
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