Les amants d'antan

2 minutes de lecture

Du haut de la tourelle, une gentille tourterelle

Chantait une ritournelle pour la triste donzelle

Qui passait ses journées à scruter

L'horizon - avec obstination - en toute saison.

Sèche tes larmes, ma mie

Ton bien-aimé te reviendra

Sèche tes larmes, ma mie

Dans ses bras, il t'enlacera

La damoiselle au cœur en peine tremblait pour son chevalier

- Parti terrasser le dragon, sans aplomb ni compagnon -

Et priait, dès le lever du jour, pour son prochain retour

Avec une telle austérité que les fleurs, à ses côtés, se fanaient.

Réjouis-toi, ma mie

Ton adoré, tu retrouveras

Réjouis-toi, ma mie

Sur son épaule, tu t'endormiras

Peu à peu, une femme aigre à la voix de crécelle prit la place de la délicate jouvencelle.

Depuis longtemps, la tourterelle avait cessé sa ritournelle et déserté la sinistre tourelle.

Parents, dames de compagnie, gardes se cachaient dès que l'insupportable geignarde se montrait.

Avec son teint blafard, son mauvais regard, ses cheveux en pétard, elle faisait peur, même dans le noir.

Ma mie, ma bien-aimée

Je reviens aujourd'hui

Ma mie, ma bien-aimée

Je serai là cette nuit

Guilleret, le chevalier cheminait vers son royaume, sans avoir occis ni dragon ni licorne.

N'ayant point l'âme d'un guerrier, il s'était contenté de trouver un nid douillet

Avant de s'en retourner, un demi-siècle après, comme si de rien n'était.

Pour s'occuper, il avait moult fois dessiné sa dulcinée en embellissant, au fil des ans, chacun de ses traits.

Ma mie, mon adorée

Prépare-toi, me voilà

Ma mie, mon adorée

Ce soir, je dors dans tes bras

Décrépi et dégarni, tout en pestant contre sa mule qui n'avançait pas, le héros supposé bramait

À pleins poumons sa joie. Seuls ceux qui étaient enterrés ne pouvaient l'entendre arriver.

À son poste de guet, la mégère qui observait un point en mouvement se pencha plus en avant

Pour mieux voir le criard chevrotant qui avançait si lentement.

Quel est donc ce paltoquet

Qui se déplace en beuglant ?

Quel est donc ce paltoquet

Qui approche bruyamment ?

Malgré la distance, le troubadour sourd, qui possédait une acuité visuelle exceptionnelle,

Aperçut une femme âgée fort déplaisante lui rappelant vaguement une connaissance.

En pleine réflexion, il ne vit pas l'élue de son cœur s'envoler avec stupeur avant d'entamer le plongeon de l'horreur,

Et ne put éviter de se faire écraser par l'amour de sa vie qui avait certes perdu la vue, mais pas l'ouïe.

Ainsi périrent les amants d'antan

L'une sur l'autre, brutalement

Ainsi périrent les amants d'antan

D'un amour pur et fracassant

Annotations

Vous aimez lire FannyO2R ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0