Hola Señorita
La cigale a la dalle.
Malgré un remarquable récital,
la fourmi lui a donné que dalle.
Quel scandale !
D’une oreille distraite,
la ronchonneuse travailleuse
s’est empressée d’enfourner
le gâteau en entier
qu’elle avait confectionné
pendant que l'autre chantait
sans garder une seule miette
pour le misérable squelette
qui s’agitait sous ses fenêtres.
Quelle tristesse !
Pour ne pas crever,
seule et rejetée,
une seule solution
pour l'interprète infortunée :
faire son baluchon
avant de tailler la route,
afin de gagner sa croûte
coûte que coûte.
C’est mieux pour elle,
sans nul doute !
Direction la cité minière
à l’aspect lunaire.
Là-bas, le travail ne manque pas ;
on a toujours besoin de bras
pour piocher, creuser,
et remplir les wagonnets.
Triste destinée !
La cigale est prête à tout
pour manger un petit bout ;
même à vivre dans le noir
ou renoncer à son art
pour ne pas mourir dare-dare.
Sombre histoire !
Dès les premiers pas,
la cantatrice est flagada.
Elle est si maigre
que le moindre effort
la rapproche inexorablement
de la Vallée de la Mort.
Regrettable sort !
Heureusement,
des anges veillent sur elle
et placent sur son chemin -
mieux que du pain ou quelques grains -
une charmante troupe de saltimbanques
à bord d’un van coloré empli de gaieté
qui stoppe net
en apercevant la frêle silhouette
- pour ne pas dire le cadavre ambulant –
qui se déplace si lentement.
Comme c’est poignant !
— Hola Señorita,
nous sommes sur la piste
d’une fabouleuse artiste
qui a passé tout l’été
à chanter.
Savez-vous où
l’on peut la trouver ?
L'espoir renaît !
Mieux qu’un rêve,
la cigale se serait sentie pousser des ailes,
si elle n’en avait pas déjà,
tant son cœur déborde de joie.
Doux émoi !
— C’est moi, répond-elle, modeste,
d’un filet de voix.
Ses yeux brillent.
Des larmes perlent de ses longs cils.
— Viens avec nous, l’amie,
on t’emmène au Paradis.
Sourire infini !
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