Le comique

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Il pensait avoir du talent ;

Ils gloussaient à ses dépens.

Il se croyait drôle ;

Ils raillaient son accent créole.

Ses blagues tombaient à plat,

Il ne se démontait pas.

Depuis son stupide accident,

Le rire était devenu son agent,

Son bouclier, son diamant.

En temps de paix,

Il n'aurait pas connu le succès, mais

En ces temps de haine et de désolation,

L'humour était sa salvatrice munition.

Sous les sifflets et les jurons,

Il multipliait les représentations.

Tant que cela faisait bouillir sa marmite,

Il jouait sans limite.

En silence, il souffrait

Des cruels quolibets lancés

Telles des grenades dégoupillées.

Sans ce pied en moins,

Il serait parti loin ;

Même affublé d'oripeaux,

Il aurait servi sous les drapeaux.

Défendre sa patrie,

Au péril de sa vie,

Faisait partie de ces rêves

Qui reviennent sans trêve.

Un soir, un troufion en permission,

Posté près d'un camion,

Lui fit miroiter un contrat

Avec cachet et repas.

Il accepta volontiers :

Les insultes des planqués

N'avaient que trop duré.

Piège ou porte de sortie,

Il le découvrirait dans un autre pays.

En attendant l'accord de ses supérieurs,

Le mystérieux guetteur

Le fit voyager clandestinement

À bord d'un vieux zinc inquiétant.

S'il voulait rester vivant,

Mieux valait ne pas se montrer bruyant,

Car, en cas de faux pas,

Il perdrait bien plus que la voix

Pour s'être introduit dans un avion

À la manière d'un espion.

Sans ambages ni délai,

Celui qui l'avait recruté,

Alla parler aux hauts gradés.

Sûr de lui, il leur présenta

Avec émoi

Le clown hué tant de fois.

Ce dernier, fort impressionné,

Fit une entrée fracassante

En trébuchant dans des plantes.

Sur-le-champ, il fut engagé

Pour remonter le moral des armées.

Terre, mer, air, chacune d'elles pourrait profiter

Du comédien dynamité.

Soudain, les rires fusèrent différemment :

Francs, sincères, indulgents ;

À l’inverse de ceux auxquels il avait eu droit,

Secs, blessants et froids.

La paix revenue,

Il se retrouva rapidement à la rue.

L'armée n'avait plus besoin de lui ;

Sa mission était finie.

Reconnaissant pour cet incroyable parcours,

Et prêt à solder le reste de ses jours,

Plutôt que de vivre seul et rejeté

Dans la misère et la mendicité,

Il croisa l'ancien militaire,

Qui avait fait décoller sa carrière.

Les conflits les avaient séparés,

Tandis que la popularité du comique grandissait.

Depuis plusieurs mois, le vétéran fatigué

N’avait cessé de remuer

Ciel et terre pour le retrouver.

Avant de partir au front,

Il possédait un spacieux pavillon

Transformé en petit théâtre

Produisant toutes sortes de spectacles.

D'emblée, ce metteur en scène altruiste

Était tombé sous le charme de l’humoriste,

Passionné et touchant,

Qui rayonnait, même en vacillant.

Pour le mécène bienveillant,

Là résidait le plus grand des talents.

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