Surprenez-moi
— Et sinon, qu'est-ce tu fais le dimanche, si tu viens pas voir la petite ?
— Je vends des autruches.
Josette vide son verre d'un trait.
— Des autruches ?
— Et des canards. Les soirs de la semaine, je les peins, le dimanche je les vends sur les marchés.
— Tu peins des autruches ?
— Oui. En général, je les peins en noir.
— Tu te moques de moi.
— Non, c'est la vérité vraie. Quand la peinture est sèche, je leur colle des plumes.
— Tu colles des plumes à des autruches que tu peins en noir que tu vends au marché ?
— Oui, des plumes de toutes les couleurs. Après, je leur attache les pattes …
— Tu attaches les pattes... des autruches noires... que tu vends au marché...
— … avec de la cordelette blanche, la même cordelette qui me sert pour fixer le cou.
— J'ai jamais entendu une chose pareille tu vas tout de même pas me dire que tu les pends pour les vendre ?
— Si. Avec du fil de nylon, c'est plus solide. Il suffit de bien régler le fil sur la croix pour qu'elles aient les pattes bien écartées.
— Sur une croix ?
— Une petite croix de bois.
— Attends mon gars faut que j'en boive un autre gloups tiens ! Écoute ! La petite va m'accompagner la voilà qui arrive Oula ! J'aurais pas dû descendre de la chaise si vite ça tourne un peu tu m'expliqueras tout ça plus tard ta voiture est garée où ?
— Sur la place.
— Bien. Elle ne la verra pas. Cache-toi là-dedans.
Elle me désigne l'armoire.
— Pourquoi ?
— On va lui faire une surprise.
Un ouragan pénètre dans la cuisine au moment précis où Josette referme la porte de l'armoire penderie. Ça sent la naphtaline. Je peux à peine me tenir debout. J'entends tout ce que disent les femmes.
— Alors ma petite tout va bien ?
— Bonsoir Josette. Brrr fait un froid de canard. Moins sept qui z'annoncent. Et au fait, le berger, il est pas venu ?
— J'ai vu personne. C'était pour aujourd'hui ? C'est demain Noël, non ?
— Bon, c'est pas grave, j'suis crevée. De toute façon, y m'fait chier avec ses poésies délirantes. J'ai besoin de calme et d'un verre.
— Ça s'est pas bien passé à ton boulot ?
— Mouis. Couci-couça. Le père Boissineau m'a encore renversé un seau. Il dit que c'est de ma faute, j'avais qu'à pas le laisser dans le passage... on va manquer de caillé...
— L'écoute pas le vieux schnock l'est pas plus futé que son bouc à lait !
— Son bouc à lait, c'est quoi ?
— Y t'a jamais raconté cette histoire ?
— Non.
J'éternue en m'étouffant.
— C'est quoi ça ?
Je pousse la porte et m’annonce tel un petit diable qui sort de sa boîte.
— Surprise !
— Ah ! Le con ! Tu m'as fait peur.
On se reconnaît. On se touche sans faire semblant. Elle a, dans les yeux, le trouble qui me transperce l'âme d'un bout à l'autre sans aucune aspérité, par voie directe.
Je suis nu. Elle est vivante.
Nous n'existons pour personne d'autre... sauf Josette.
— Alors les amoureux ?
— Promis, je ne dirai pas de poésie.
— Tu m'as entendu ?
La bonne femme nous entoure de ses bras, courts mais aimants.
— Je suis heureuse de vous voir ainsi ça fait plaisir vous savez asseyez-vous je m'occupe de tout les câlins ce sera pour plus tard.
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