I Walk the Line

4 minutes de lecture

Justine coupa le moteur dans le parking sous-terrain de l’aéroport. Elle regarda par la fenêtre les gens qui allaient et venaient, poussant devant eux des gros chariots chargés de bagages, trainant une petite valise à roulettes ou le sac sur le dos. Les aéroports avaient toujours eu quelque chose de très humain et de très diversifié. On y trouvait toujours un peu de tout. Ceux qui courent, ceux qui déposent leurs enfants. Ceux qui sont amoureux et ceux qui pleurent. Ceux qui partent en bande, ceux qui partent faire la fête. Ceux qui voyagent léger. Ceux qui partent pour longtemps. Ceux qui reviennent et ceux qui ne reviendront jamais. Oui, il y a vraiment de tout dans les aéroports. Caleb, lui, était juste à l’heure.

  • Ça va aller ? lui demanda Justine.
  • Je crois que oui, répondit Caleb.
  • Tu sais, peut-être qu’elle n’est même plus là-bas. Peut-être qu’elle a changé d’avis depuis…
  • Je sais, mais tu comprends que je dois essayer, n’est-ce pas ?

Caleb capta le regard de la jeune blonde assise derrière le volant. Elle aussi avait l’air éteinte et fatiguée derrière son sourire rosé. Ses ongles rouges crispé dans le faux cuir du volant laissèrent derrière eux l’empreinte d’une angoisse passagère.

  • A moi aussi elle me manque tu sais, reprit la jeune femme.
  • Je sais, murmura Caleb.
  • Si tu la trouves, tu lui diras ?

Caleb hocha la tête et l’enlaça. Il avait tellement honte, d’avoir arraché Ella aux siens, de les avoir privés d’elle, simplement parce qu’il n’avait pas su être à la hauteur. Pour la première fois depuis qu’il avait rencontré Justine, il l’a senti sangloter entre ses bras, alors il la serra plus fort. La voix de Johnny Cash grésillait à la radio et à l’extérieur, les gens fourmillaient toujours.

  • Il faut que j’y aille, merci encore pour tout, Justine. Je t’écrirai, quand je l’aurai trouvée.

Caleb déposa un baiser mouillé sur la joue de cette nouvelle amie et sortit chercher son sac à dos dans le coffre de la petite Clio. Le moteur ronronna et le véhicule se dirigea vers la sortie. Il la regarda partir jusqu’à ce qu’elle ne soit plus qu’une petite tache bleue dans l’éclat du jour.

Dans le hall de l’aéroport, tout se bousculait à cent à l’heure. Des familles entières se pressaient les uns les autres vers les contrôles de sécurité, les bébés hurlaient et les parents s’exaspéraient. Dans le chaos des départs, Caleb cherchait son vol sur le tableau d’affichage. Il repartait vers son pays à lui, pour la retrouver elle. Une ironie qui ne cessait de le faire sourire. Escale à Dublin, direction Providence. Une fois là-bas, il pourrait rassembler quelques affaires, prendre sa voiture, et repartir sur la route.

De la liste que la mère d’Ella lui avait confiée, il n’avait visité que quelques noms. Il ne s’était rendu qu’aux adresses qui se trouvaient entre lui et ce nom relevé de rouge. Ce nom c’était celui de Justine, et il était souligné car il n’existait personne de plus proche d’Ella que cette jeune femme. Les deux amies faisaient les 400 coups depuis aussi longtemps qu’on s’en souvienne et si quelqu’un savait quelque chose, ce devait être elle. C’est après une poignée d’échec qu’il était finalement arrivé chez Justine, rue du château d’eau, au cœur de la capitale. Au pied de l’immeuble, Caleb espérait l’y trouver.

Le visage de Caleb, Justine le connaissait. Elle connaissait d’ailleurs bien plus que juste son visage. Elle connaissait toute l’histoire. C’est sans doute la raison pour laquelle elle ne fut pas tant surprise lorsqu’elle l’aperçut sur le pas de sa porte. Elle finit par lui confier ce qu’elle n’avait pas réussi à dire à la mère de sa meilleure amie au téléphone. Ella était venue ici, c’est d’ailleurs le premier endroit où elle s’était rendue après avoir fui le domicile familial au petit matin. Elle avait eu besoin de la présence et des conseils précieux d’une amie de longue date, intime, d’une amie qui comprendrait pourquoi elle avait si soif d’évasion. Elle était restée quelques jours, tout comme Caleb. Elle y avait pris le temps d’être malheureuse, ouvertement et sans tabou. Et puis, un matin, elle a décidé de partir, loin. En l’espace de quelques jours, elle avait planifié son voyage, rempli des formalités et refait son sac. Sur la route de l’aéroport, les deux jeunes femmes avaient peu parlé. Une fois arrivées, elles avaient beaucoup pleuré. Un mois plus tard, Justine recevait dans sa boite au lettre une carte postale au décor boisé. Au verso, on ne lisait que ces quelques mots « Lost Creek, Georgie »

Par le hublot, Caleb regardait Paris rétrécir. C’est sans regret qu’il laisse derrière lui la ville lumière. Il était reconnaissant des réponses qu’il y avait trouvé. Il devait maintenant aller de l’avant, toujours. Il ne devait pas s’arrêter, pas avant de l’avoir retrouvé. Mais aujourd’hui, ce n’était plus seulement pour lui qu’il la cherchait, c’était aussi pour sa famille, ses proches, pour ceux qui quelque part, l’attendaient toujours.

Annotations

Vous aimez lire Annaphore ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0