13 novembre 1943,
Voilà maintenant vingt-quatre heures que nous sommes enfermés. Le temps parait si long… Les maigres ouvrages que nous avons pu glaner passent de mains en mains. Nous tentons tant bien que mal de nous occuper, espérant que quelqu’un nous vienne en aide. Mon petit groupe comporte sept membres, dont deux femmes.
Anton est infirmier, mais aussi un jeune parent. Marié à une autrichienne, leur fils est né il y a quelques moins. Ce poste lui permettait de joindre les deux bouts. Avant la guerre, il œuvrait à l’hôpital de Straßburg où il a notamment rencontré le Dr Otto Bickenbach. Un très bon collègue aux travaux tout à fait passionnants. Anton et moi avons pu longtemps échanger sur son parcours d’assistant médical. C’est un homme fort amical, et très chaleureux. Malheureusement, son sourire s’efface d’heure en heure…
Konrad est ingénieur. Au départ, il voulait servir das Váterland, la Patrie, en concevant des chars et des avions. Mais on lui confia l’entière gestion des infrastructures souterraines du bunker. Jusqu’à présent, il ne regrettait pas son choix, car les bombes britanniques ne tombaient pas ici. Infâmes britisch !
Il y a aussi Eugen. Je n’ai pas tout retenu à son histoire de bataillon et de détachement. C’est un soldat de la Schutzstaffel, les SS. J’ai eu l’occasion de voir de nombreuses armes durant ces deux guerres, mais le P38 à la ceinture d’Eugen donne une sensation de malaise… Je ne saurais l’expliquer.
Walter n’a jamais réellement voulu nous parler de lui… Il a l’air étrange. Je ne le porte pas dans mon cœur. Il reste seul dans son coin et ne dit presque rien. Il nous regarde, nous écoute. Ça en est angoissant. Il est peut-être en état de choc, qui sait ? Je ne l’avais jamais vu jusqu’à présent.
Hannah était préparatrice. Son métier se résumait notamment à élever des souris et autres cobayes pour les expériences. Elle connaissait beaucoup de monde dans le laboratoire. L’incident l’a profondément marquée… Elle n’arrête pas de nous parler de toutes les personnes à poste au moment de l’explosion… Je ne peux m’empêcher d’avoir de la peine pour elle.
Das junge Élise entame sa seizième année, et vit dans le village à quelques lieux du souterrain. Elle a l’air si jeune, si innocente. Elle me rappelle ma petite fille… J’essaye de prendre soin d’elle, de l’instruire du mieux que je peux. Ça nous occupe tous les deux.
L’ambiance au sein de notre nouvelle société demeure correcte, je m’attends cependant à ce qu’elle se détériore. Je trouve que certains regards se montrent plus qu’insistants envers la gent féminine… Je crains le pire. Tâchons de garder un œil attentif sur la situation.
Il semblerait que le secteur dont nous disposons est destiné aux offiziere, les grandes têtes pensantes du régime. J’ai exploré chaque alcôve, étudié chaque meuble, avec l’espoir de découvrir le mécanisme d’un quelconque passage. Mais rien… Il ne nous reste qu’à attendre, priant pour que quelqu’un vienne nous sortir de cet enfer.
Malgré tout, le confort des pièces est relatif, mais acceptable. Nous vivons dans la salle de réunion, à la fois la plus spacieuse et la plus conviviale. Il y a suffisamment de chaises pour tous nous installer autour de la grande table en bois verni. Nous dormons à même le sol dans ce qui s’apparente à des bureaux. Il y a de la moquette. Quel luxe ! Nous avons vampirisé les coussins des deux canapés pour nous en servir d’oreillers. La capacité humaine à s’adapter est fascinante…
Walter a rassemblé les quelques provisions trouvées ici et là, notamment dans le minibar. J’ai l’immense honneur de vous informer que nous sommes les heureux possesseurs d’une bouteille de ce nouvel alcool, le jägermeister, ainsi que du vin alsacien. Un sachet de viande séchée, une poignée de biscuits ainsi qu’un pot de foie gras sont à rajouter à cette liste. L’élite de notre nation mange à sa faim à ce que je vois…
Une radio, installée dans un coin d’une pièce à l’écart, ne fonctionne plus. Konrad jure qu’elle pourrait émettre et travaille actuellement dessus. J’espère vraiment qu’il pourra la réparer…
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