Vide Intérieur

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Qui est cet homme ? Pourquoi tant de questions ? Sa vie est-elle aussi vide de sens ? Devrait-il réfléchir à faire autre chose comme métier ? Et puis, comment a-t-il deviné son prénom ?

En rentrant chez lui, Cédric savait qu'il passerait une soirée assiégée par des questions sans réponse ; que ce soit sur le chemin du retour, en cuisinant, en regardant la télévision ou en se brossant les dents : un tourbillon de pensées l’envahit, des vagues frénétiques frappant sans relâche à la porte de son esprit. 

Las, il se laisse tomber lourdement sur le canapé du salon, pose sa tête en arrière pour contempler le plafond puis passe machinalement la main sur le coussin et se sent réconforté en palpant la texture rugueuse et froissée du tissu. L’odeur familière du café tiède flotte dans l’air, lui rappelant qu’il a oublié d’éteindre la cafetière. 

Quelques minutes plus tard, il ressent une étrange absence, un vide intérieur qui persiste au-delà des préoccupations immédiates. Cette sensation, qui le submerge parfois, s’infiltre en lui, se déployant sans bruit, effritant lentement l’espace entre ses pensées et ses sensations. Il fixe le plafond, puis l’odeur du café tiède, mais tout semble lointain, irréel. Le vide est là, discret mais omniprésent, une zone de flottement qui l’engloutit peu à peu et le rend mal à l’aise. 

Nauséeux, il se résout à aller se coucher, comme si des myriades de questions l’attendaient sous son oreiller. 

L’aube qui se lève donne l’illusion d’une journée semblables aux précédentes et Cédric, bien qu’encore nauséeux, renoue machinalement avec sa routine, réglée au millimètre près : il met en route la machine à café, se sert une grande tasse, allume son ordinateur qu’il pose sur la table du salon et ainsi commence sa mâtiné focalisée sur sa recherche d’emploi. 

Mais derrière la mécanique de ces gestes, la sensation diffuse de vide le prend de nouveau sans prévenir, lui serre la poitrine, au niveau de l'épigastre, lui laissant la sensation désagréable de ne pas exister véritablement. Un corps sans vie ou presque, qui se vide progressivement de sa substance. 

Ce vide intérieur n'a pas besoin de mots pour s'installer : il est là, silencieux, creusant un fossé entre ce qu’il fait et ce qu’il ressent. Il s’imagine avoir un singe accroché à son dos, qui lui tapote doucement l’épaule, comme pour signifier à Cédric qu'il a encore un peu de vie en lui, même s’il ne partira pas de son dos. Jamais.

Ses pensées vagabondent, cherchant désespérément un sens à cette existence étrangement déconnectée. Rien ne semble réellement remplir cet espace béant qui grandit à mesure que la journée avance.

Sa difficulté à se concentrer l’incite à se remémorer la journée d’hier. Brusquement, mille détails l'assaillent : la couleur automnale des feuilles qui jonchent le sol, la place circulaire du square, le ciel voilé de nuages. Et soudainement, telle une claque en pleine tête, une phrase de Zorba s’impose à lui : "Pourquoi vouloir revivre une vie qui ne vous rend pas heureux ?" 

il commence à comprendre, avec tristesse et colère, qu’il a surtout répondu aux attentes des autres sans jamais se préoccuper de ce que LUI aimerait faire. 

Le bruit sourd du clapet de son ordinateur, qu'il referme brusquement, le surprend lui-même. Il reste ensuite assis les yeux dans le vide et le souffle court, privé de repères. A cette heure-ci, d’habitude, seuls résonnent le bruit des doigts de Cédric tapotant sur son clavier. Aujourd’hui, un silence lourd, presque palpable s’installe, comme une présence oppressante, dans la pièce, troublée seulement par le ronronnement du réfrigérateur. 

C’est face à cette remise en question qu’il se décide à retourner au square Cain durant l’après-midi ; il n’a finalement pas grand chose à perdre et ça lui permettra, dans le pire des cas, de sortir prendre l’air. 

Le reste de la journée n’a pas beaucoup d’intérêt : Cédric essaie de lire un livre, mais les mots défilent sans vraiment s’imprimer dans son esprit. Il abandonne et se tourne vers les réseaux sociaux, regardant des publications de personnes qui affichent une vie parfaite et accomplie, ce qui ne fait que renforcer son sentiment de décalage. Son regard finit par dériver vers l'horloge. 

La vie mouvementée des autres et le mouvement imperturbable des aiguilles accentue encore plus son vide intérieur : il réalise que le monde autour de lui tourne et avance alors que le sien reste figé sans la moindre perspective. Il se sent presque pris de vertige en regardant une nouvelle fois l’horloge comme si le temps drainait le peu de forces qui lui reste. 

Il trouve la force de se lever, puis se fixe dans le miroir, peinant à reconnaître ce reflet à la fois familier et étranger : son visage marqué de cernes, son teint pâle, ses cheveux en bataille…D’un geste rapide, il tente de se recoiffer, enfile une veste et sort, le cœur battant un peu plus fort

Depuis combien de temps un rendez-vous ne l'avait-il pas mis dans un tel état ?

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