Il y a très longtemps, un prince qui aimait à voguer sur les océans s'éprit de la Mer plus qu'il ne l'est permis. Sa fascination pour ce large horizon bleu le rendait si joyeux, et pourtant ses sentiments incompris faisaient de lui l'homme le plus malheureux du monde. Une nuit, alors qu'il voguait sur les eaux du Pacifique, il céda à sa folie et déclara sa flamme à la Mer ondulante. Désespéré, il sauta du pont du bateau et se laissa mourir dans les bras de sa bien-aimée.

Jamais son corps ne fut remonté à la surface. Mais on raconte que, de cet amour des plus purs, naquit une enfant, mi-femme mi-écume. Née du feu prince et de la houle, la petite fille était vouée à une existence hors du commun. Elle fut trouvée sur la plage, un matin, par la femme d'un modeste pêcheur. D'abord émue de découvrir un nourrisson abandonné, celle-ci la prit dans ses bras. C'est alors qu'elle remarqua sur l'enfant des écailles de poissons et d'immenses branchies. Effrayée par le monstrueux nourrisson, elle appela à l'aide.

L'histoire se répandit très vite et ne tarda guère à parvenir paux oreilles du roi, père du défunt prince. Accablé par la perte de son unique fils et animéd'un terrible vengeance, il s'en alla quérir l'enfant. Comme ce roi était un peu sorcier, il érigea une tour, perdue dans les abîmes, là où nul ne pouvait pénétrer, et y enferma la petite. Il espérait qu'elle mourût, pourtant elle tînt bon. En quelques jours, l'enfant se métamorphosa en une magnifique jeune femme. Sa nature duelle l'avait dotée d'un formidable pouvoir : elle ne vieillissait pas, et jamais ne mourrait.

Furieux de ne pouvoir accomplir sa vendetta, le roi lança à la l'immortelle un sortilège plus terrible que le trépas. Elle serait condamnée à sortir de sa tour, une fois tous les cent ans pour gagner le monde des Hommes. Si elle parvenait à en séduire un qui l'aimerait aussi purement que le prince avait aimé la Mer, elle serait libérée de sa prison. Dans le cas contraire, elle y serait à nouveau cloîtrée cent années durant.

Les Hommes de l'île de Shindamo l'ont appelée Umiko : l'enfant de la Mer. On raconte que jamais elle n'aurait rencontré son âme-sœur et qu'elle aurait dévoré la chair de tous ceux qui l'ont trahie...