Chapitre 5 - Isis

4 minutes de lecture

"— Alala, ma Tess... Qu'est-ce qu'on va faire de lui ?"

Tess penche la tête sur le côté. Visiblement, elle aussi a des doutes quant à la capacité d'adaptation de notre invité.
Tout en sortant les chevaux un à un, je me demande comment aborder le reste de la journée avec Maël. Je ne veux pas le traîner comme un boulet, et il est hors de question de le laisser continuer son petit jeu de séduction à sens unique. Je suis presque certaine qu'il ne s'agit que d'une stratégie défensive. Il est plus simple pour lui de me montrer ce masque faussement charmeur qu'il maîtrise à la perfection, plutôt que de dévoiler le vrai Maël — celui que je commence doucement à entrevoir.

Quoi qu'il en soit, tant qu'il ne me fait pas confiance, je vais devoir tolérer ses écarts, comme je le ferais avec un jeune cheval. Je ne pense pas qu'il soit idiot. Il peut tout à fait apprendre ce qu'il doit ici. Et s'il n'en avait pas envie, il ne serait pas là.

Patience et fermeté. Exactement comme avec mes pensionnaires. À une différence près : aucun d'eux ne dort dans mon lit.

Le grognement de Tess m'indique l'arrivée de Maël. Il me rejoint alors que je pose un licol sur un grand selle français, debout devant son box, les mains dans les poches.

"— Tu veux que je te montre comment on met un licol ? C'est la base. Et si, pour une fois dans un film, on pouvait voir un acteur le poser sans le claquer derrière les oreilles..."

Il acquiesce sans un mot et s'approche de FireJack. Fire est parfait pour débuter. Une vraie crème. Je me décale à l'épaule du cheval et tends le licol à Maël. Il l'attrape, l'examine sous toutes les coutures, visiblement perplexe.
Je ris, sincèrement. C'est maladroit, mais attendrissant.

"— Tu vas voir, c'est très simple. Le nez passe ici, tu rabats ça par-dessus les oreilles, et tu boucles. Une petite démo ?

— Je veux bien, oui..."

Je me glisse entre lui et Fire. Il recule aussitôt de plusieurs pas, refermé comme une huître. Je soupire, légèrement agacée, et décide de le confronter.

"— Bon écoute, Maël. On va vivre ensemble 24h sur 24 pendant sept jours. Comme tu l'as vu, mon appart n'est pas immense, les box non plus. Il y aura des moments où la proximité sera inévitable. Je ne suis pas en train de te draguer, je ne compte pas te sauter dessus, et tu n'es pas mon style. Je ne suis pas le tiens non plus visiblement, mais je n'ai pas la peste. Alors tu peux te détendre. OK ? On peut bosser normalement ?"

Il me regarde, surpris, ouvre la bouche, puis se ravise. Il souffle, passe une main sur sa nuque, gêné. J'ai envie de le secouer, de lui faire dire ce qu'il pense. Mais je me retiens.

Il fixe mes lèvres, ferme les yeux, contracte la mâchoire, secoue la tête.

"— Oui... excuse-moi. C'est bon. Montre-moi comment on met ce truc. T'as raison, il faut que je donne l'impression de savoir le faire depuis toujours."

Je hoche la tête et reprends les explications, en lui parlant aussi du consentement du cheval. Les signaux de fuite, le malaise. Il les connaît, j'en suis sûre. Je les lis chez lui aussi.
Fire, lui, est imperturbable. Il savoure l'attention.
Je laisse Maël recommencer plusieurs fois avant de lui proposer de sortir Fire au paddock. Il ne risquera pas de se faire bousculer.

Je les accompagne et le surprends à murmurer quelques mots à Fire, le gratouillant une fois le licol retiré. Quand il revient vers moi, son masque est revenu.

"— Super, Maël ! Tu es à l'aise avec les chevaux, c'est une bonne chose. On va prendre le 4x4 pour aller voir mon troupeau."

Il monte côté passager, Tess entre ses jambes, visiblement vexée : c'est sa place.
Je démarre sur le chemin de terre. Les alertes de mouvement s'enchaînent sur mon téléphone. Je le vois froncer les sourcils.

"— Je sais pas qui te harcèle, mais tu peux répondre. Ne te gêne pas pour moi, grogne-t-il."

Je lève un sourcil.

"— Ce sont les caméras de surveillance. Elles détectent les mouvements, c'est tout. Ça me permet de vérifier que tout va bien sur le domaine.

— Ah... d'accord. Je ne voulais pas paraître indiscret."

(Un silence.)

"- Tu conduis bien ton 4x4... Tu en conduis depuis longtemps ?

— Depuis aussi loin que je m'en souvienne. Mon père avait un automatique, je m'entraînais avec. Et je sais aussi conduire tracteurs, camions de transport et véhicules attelés. Je suis seule ici, je dois savoir tout faire.

— C'est... impressionnant, je dois dire.

— Nous sommes arrivés. Je te propose d'observer un peu la dynamique du troupeau. Tu verras comment ils communiquent. Ça t'aidera pour cet après-midi, quand tu travailleras un cheval pour la première fois."

On s'installe dans l'herbe, à bonne distance. Je lui montre les interactions, les signaux discrets, la hiérarchie implicite. Il écoute, attentif, concentré.
Midi approche. Je décide d'interrompre.

"— Tu te sens capable de conduire le 4x4 jusqu'à l'écurie ?

— Oui, aucun souci. Pourquoi ?

— Je vais ramener Orion. C'est lui que tu travailleras cet après-midi.

— Mais... tu n'as pas de matériel ? Il va juste te suivre ?

— Pas besoin de matériel avec Orion, dis-je en lui lançant un clin d'œil."

J'appelle Orion. Il arrive au galop. Après quelques gratouilles, je monte sur une souche pour grimper sur son dos à cru, lance les clés du 4x4 à Maël.

"— Suis-moi. Pas de trop près, d'accord ?"

Il hoche la tête.
Le voir appliquer les consignes, s'impliquer, c'est une bonne surprise. Finalement, peut-être qu'on va réussir à travailler ensemble.

Annotations

Vous aimez lire A Srd ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0