Chapitre 15 - Isis

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J’ai roulé vite pour rentrer. J’ai besoin de voir mes parents, de leur parler. Eux seuls savent ce qui s’est vraiment passé avec Gabriel. Et encore, seule ma mère connaît toute la vérité… les viols. J’ai besoin de leur soutien. De leurs mots. De leur présence.

J’ai vu que Maël m’avait envoyé un message, mais je n’ai pas encore trouvé la force de lui répondre. Il me demande s’il peut venir plus tôt que prévu. Et je n’ai pas de réponse à lui donner. Une part de moi serait rassurée de ne pas être seule sur le domaine… mais une autre redoute ce huis clos.

Je pensais avoir dépassé mes blocages physiques envers les hommes grâce à lui. J’arrivais à m’abandonner dans ses bras, à vivre l’instant, sans crainte, sans flash-backs. Mais aujourd’hui, l’idée même de revivre ces moments m’angoisse. J’ai besoin de me sentir en sécurité. Et je ne sais plus si Maël est capable de m’apporter cela.

Je me gare devant chez mes parents. J’ai fini par envoyer un message à mon père. Je sais qu’ils m’attendent.

Quand j’entre dans la cuisine, ma mère a déjà préparé du thé. Deux tasses fumantes nous attendent sur la table. Ils ont l’air anxieux.

— Ton message nous a inquiétés, ma puce, murmure ma mère en m’invitant à m’asseoir.

— Tu l’as croisé ? demande mon père, direct.

— Non. Juste le propriétaire du cheval qu’il a cassé. Il arrive la semaine prochaine.

— Tu as accepté d’accueillir ce cheval ?! Mais tu es inconsciente ou quoi, Isis ! s’écrie mon père.

— Tu aurais fait exactement la même chose, répond calmement ma mère.

— Oui, mais moi je suis un homme. Et je ne vis pas seule au milieu de nulle part.

— Je fais du self-défense. Et à partir de demain soir, je ne serai plus seule.

— Ah bon ? Et qui vient vivre chez toi ? demande mon père, surpris.

Je soupire. Je n’ai aucune envie de leur parler de Maël, ni d’essayer d’expliquer notre relation.

— L’acteur principal du film. Il vient en immersion.

— En immersion… répète ma mère, le regard appuyé.

Elle a compris. Je sais qu’elle a compris.

— C’est un type sûr, ton acteur ? Si Gabriel débarque, il saura te défendre ? Pour ce soir en tout cas, tu restes ici !

— Je pense que oui, papa. C’est quelqu’un de bien. Et… merci pour ce soir.

— Je suis allé voir tes chevaux. Je me suis occupé de tout le monde. Tu peux t’installer dans ta chambre, dit-il d’un ton plus doux.

Une fois seule, je m’installe dans ma chambre. Je commence à taper un message à Maël… Quand une notification s’affiche sur mon écran :

Appel entrant — Maël.

— Salut… Merci d’avoir décroché, dit-il à voix basse, un peu nerveux.

— Je me suis dit que si je ne répondais pas maintenant, tu rappellerais dans dix minutes, répliqué-je, un peu froide.

— Pas impossible, ouais, admet-il dans un rire nerveux.

Je soupire.

— Je suis fatiguée, Maël. Ce n’est pas vraiment contre toi, mais… j’ai pas la tête à parler.

— C’est à cause du cheval ? Du rendez-vous ce matin ?

— C’est compliqué, ok ? Ça m’a ramenée à des trucs que j’ai pas envie de revisiter. Et j’ai pas envie de les coller sur toi non plus.

— Je comprends. Enfin, j’essaie. Je voulais juste… être là. Savoir si t’étais en sécurité.

— Je suis chez mes parents. J’ai préféré ne pas rester seule ce soir.

— Tu veux que je vienne demain ? Je peux être là dès le matin, ou plus tard… comme tu veux.

J’hésite.

— Je… Je sais pas encore, Maël. Je suis pas certaine d’avoir envie de ce huis clos, pas tout de suite. Je croyais avoir dépassé certains trucs. Et là, tout revient.

— Tu me fais pas peur, Isis. Si t’as besoin de temps, je prends le temps. Si t’as besoin de moi, je suis là. Et si t’as juste besoin de silence, je peux faire ça aussi.

Je laisse un silence, puis murmure, plus vulnérable :

— Je sais. C’est ça, le problème… Tu gères tout trop bien. Et moi, j’ai l’impression de vaciller dès que tu me touches.

— Alors je te toucherai pas. Pas avant que ce soit toi qui le veuilles. Mais j’ai envie d’être là. Pas pour ce qu’on a failli être. Pour toi.

— C’est dangereux, Maël.

— Peut-être. Mais y’a des risques que je suis prêt à prendre. Toi, t’en fais partie.

— Appelle-moi demain. On verra.

— D’accord. Bonne nuit, Isis.

— Bonne nuit, Maël.

Le lendemain matin, je me réveille un peu plus apaisée. Ma mère entre dans ma chambre avec un plateau de petit-déjeuner. Elle s’installe sur le bord du lit avec une tasse fumante entre les mains, me dévisageant avec tendresse.

— Maël, n’est-ce pas ? dit-elle avec un sourire en coin.

Je rougis instantanément. Elle a deviné.

— J’ai donc vu juste. Tu veux m’en parler ?

— Je sais pas, maman… Je ne sais même pas quoi te dire.

— Ce garçon te plaît, non ?

— Je… À la base, non. Mais maintenant que je le connais un peu… Il est différent. Il me touche d’une façon étrange. Il voit des choses en moi que j’essaie de cacher même à moi-même.

— Pour te plaire, c’est certain. Tu sais que ton père va vouloir l’évaluer, n’est-ce pas ?

— Oh, je le sais.

Elle rit doucement.

— Vous êtes ensemble ?

— Franchement, je ne sais pas. On est en statu quo, sans étiquette. On s’attire, et c’est de plus en plus difficile de résister. Mais je ne suis pas certaine qu’il soit prêt à s’engager. Et je ne sais pas si je le suis non plus. Nos vies sont très différentes.

— Tu sais, parfois il ne faut pas trop réfléchir. Si tu te sens bien avec lui, s’il touche cette part blessée en toi… Peut-être que c’est suffisant pour commencer. Le reste, on l’invente au fur et à mesure.

— Et si ça ne marche pas ?

— Alors tu sauras que tu as essayé. L’amour est un risque. Tu mets ton cœur entre les mains de quelqu’un, et tu espères qu’il en prendra soin. Et parfois, c’est le bon.

Elle caresse mes cheveux avec tendresse.

— Il attend de savoir s’il peut venir aujourd’hui.

— Et quand tu l’imagines arriver… Tu ressens quoi ? Joie ou gêne ?

— Joie…

— Alors laisse-le venir. Ce n’est pas lui que tu invites. C’est ce qu’il t’apporte.

— Merci, maman.

— Je t’aime ma chérie. Déjeune tranquillement… et appelle-le. Et invite-le à déjeuner ici. Ton père ne sera pas rassuré si tu rentres seule.

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