Chapitre 25 - Isis
Je me réveille dans mon lit, les couvertures remontées jusqu’au menton. Je pensais qu’il serait là, et durant une demi seconde je cherche sa présence à mes côtés.
Je me remémore l’épisode de la veille au soir avec un sourire. Je me demande bien à quoi il pouvait penser avant que j’arrive pour déclencher cette…réaction.
Je me lève doucement et entre dans le salon. Il dort encore, en boxer, un bras dégringolant du canapé, l’autre posé au-dessus de sa tête, la couverture a glissé jusqu’au milieu de ses cuisses. Je m’arrête une seconde pour le regarder. Son visage est détendu, il semble serein, apaisé. Et son corps…rien que d’y penser, ça allume un feu dans mon bas ventre.
Je prends doucement la couverture et la remonte jusqu’à sa poitrine. Inutile d’avoir ça sous les yeux.
Je fais le café le plus silencieusement possible. Et m’assoie au bar pour regarder mes notifications de la nuit.
Un texto de ma mère demandant si tout va bien. Des notifications sur les dernières nouvelles du monde équestre. Je les parcours rapidement lorsque mes yeux tombent sur l’une d’elle : mon nom est écrit en gras. Mon cœur s’accélère, je clique pour l’ouvrir et parcours l’article. C’est une interview de Gabriel, au sujet de la rupture du contrat de confiage de Nébuleux. Il me cite à plusieurs reprises, m’accusant de diffamation, d’être jalouse de son succès et de chercher à lui nuire pour me venger de notre rupture. Il parle de moi comme d’une personne complètement instable, aux méthodes douteuses et hasardeuses, grande manipulatrice, qui vit sur le dos de ses parents. Il dit que je ne me suis jamais remise de notre rupture, évidemment à son initiative, et que depuis je cherche à me venger par tous les moyens. Que la preuve si besoin, est de voir le sabotage que j’ai orchestré avec Orion, qu’il montait à haut niveau et qui n’a plus remis un sabot sur un carré de concours depuis notre séparation. Il est en train d’attaquer non seulement ma personne, mais aussi mon travail, mon image. Un larme coule le long de ma joue, j’ai la nausée.
J’aurais dû porter plainte à l’époque, le détruire, j’aurais pu le faire. Aujourd’hui il ne reste plus que peu de preuves. Des lettres et quelques texto, mes dossiers d’hospitalisations mais sans aucune preuve des viols.
J’entends Maël remuer sur le canapé, j’essaies de me reprendre et essuie rapidement la larme qui a coulé. Un instant trop tard.
- Qu’est ce qu’il se passe ? Et ne me dit pas “rien”, tu pleures Isis.
Je me fige. Son regard est encore un peu flou de sommeil, mais il est déjà concentré sur moi. Inquiet. Attentif.
— C’est rien, je murmure malgré moi, par réflexe.
Il se lève lentement, passe une main dans ses cheveux en désordre, avance pieds nus jusqu’au bar.
— Isis… je t’ai dit que je suis pas très doué pour décoder les silences, mais là, faut pas être psy pour voir que tu es mal. Dis-moi. S’il te plaît.
Je détourne les yeux, fais tourner nerveusement la tasse de café entre mes mains. Je sens ma gorge se nouer à nouveau.
— Il a parlé de moi. Dans une interview.
— Gabriel ?
Je hoche la tête. J’ouvre l’article sur mon téléphone, le lui tends sans un mot. Il le prend, lit en silence. Je le vois qui se tend à chaque paragraphe. Sa mâchoire se crispe. Ses doigts blanchissent autour du téléphone.
Lorsqu’il relève les yeux, son regard est noir.
— Ce fils de…
Il s’interrompt, me regarde. Il retient sa rage, mais elle est là, bouillonnante, prête à exploser.
— Isis… c’est… c’est immonde. Ce qu’il dit… Comment il ose ? Et ces accusations… Ces mensonges ! Il ose parler d’Orion ?!
Je baisse les yeux. Une part de moi est soulagée qu’il réagisse comme ça. Qu’il comprenne. Qu’il prenne ça au sérieux. Mais une autre, plus fragile, redoute de le voir s’emporter. J’ai besoin de calme. De solidité. Pas de tempête.
Il semble le sentir. Il pose doucement le téléphone sur le bar, passe derrière moi et me serre dans ses bras. Pas fort. Juste une étreinte stable. Son torse contre mon dos, ses bras autour de mes épaules.
— Il ne va pas s’en tirer comme ça. Je te le promets.
— J’aurais dû parler à l’époque, soufflé-je. J’aurais dû porter plainte. Maintenant, je n’ai plus rien.
— Tu m’as. Et t’as ton père. Et ton métier. Et tout ce que tu construis. Et moi, je te crois. Je te crois à cent pour cent. Et je serai là. Jusqu’au bout.
Je ferme les yeux. J’absorbe ses mots comme un baume. Sa voix grave contre ma nuque, ses mains ancrées autour de moi.
— Tu n’as rien à prouver, Isis. À personne. Et surtout pas à lui.
Un silence.
Puis, plus bas :
— Est-ce que tu veux qu’on fasse quelque chose ? Réagir publiquement ? Prévenir tes parents ? Franck ? Je peux appeler Bastien, on peut…
— Non, pas maintenant. Pas encore. J’ai juste besoin… de quelques heures. Pour encaisser.
Il hoche la tête contre ma tempe. Il respecte. Il n’insiste pas.
— Alors quelques heures, tu auras. Je reste là. Tu me dis quand t’es prête.
Je me retourne lentement vers lui. Son regard me traverse sans me juger. J’y lis de la colère, oui. Mais aussi… une loyauté farouche.
Je me hisse sur la pointe des pieds pour poser un baiser léger au creux de sa mâchoire.
— Merci d’être là.
Il ferme les yeux un instant, comme pour retenir quelque chose de trop fort.
— Toujours, Isis. Même quand je dis pas les bons mots. Même quand je fais les trucs à l’envers. Je suis là.
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