Sentiment naissant
Il me fixe pendant quelques secondes avec étonnement, avant de détacher son regard de mon visage pour fouiller dans son sac. Il pose ses cahiers sur la table et écrit sur celui qui nous sert à communiquer :
"Tu as rempli ma condition, je tiens donc ma parole."
"Merci beaucoup ! Je te les renderai demain matin."
Il hoche la tête et se lève, prêt à partir. Je mets mon sac à bandoulière sur mon épaule et prends les cahiers qu'il m'a prêtés entre mes bras car mon cartable n'est pas assez grand pour les contenir. Il est déjà plein de ceux que j'ai achetés ce week-end.
Je m'incline devant lui pour le saluer et prends le chemin du retour à la maison. Seulement, au bout de quelques pas seulement, je me rends compte que ce sera compliqué de transporter tout cela jusqu'à l'appartement. Le poids des cahiers d'Alex s'ajoute à celui de mon sac bien rempli et pèse sur mes bras qui ne sont pas musclés. Plus j'avance et plus mes épaules deviennent douloureuses car le poids que je porte tire sur ces dernières. Et comme si cela ne suffisait pas, l'un des cahiers glisse de mes bras au moment où je tourne au coin de la rue. Je me penche de façon maladroite à cause de mon chargement pour essayer de l'attraper, mais en fais tomber un autre au passage. Je commence à me demander comment je vais faire quand je vois une main attraper les deux cahiers que je viens de faire tomber. En me redressant, je constate qu'il s'agit d'Alex. Il me prend toutes ses affaires des bras et commence à avancer dans la direction que j'emprunte.
Je souris, touchée par son gentil geste et me dépêche de le rejoindre pour marcher à ses côtés. Il veille à ne pas me dépasser pour que je puisse le guider jusqu'à chez moi. Après quelques minutes de marche, nous arrivons enfin devant mon immeuble et je sors mon badge de ma poche pour en ouvrir la porte vitrée. Nous nous engouffrons dans la cage d'escaliers et prenons l'ascenseur car j'habite au dernier étage de mon immeuble.
Dès que l'épaisse porte coulissante en métal s'ouvre, je pousse celle qui se trouve juste derrière et entre mes clés dans la serrure pour ouvrir la porte de l'appartement. J'essuie mes chaussures sur le paillasson et entre. Alex m'imite. J'enlève ensuite mes bottines et me dirige vers ma chambre. Là, je fais signe à mon camarade de déposer ses cahiers sur mon bureau. C'est ce qu'il fait. Il se tourne ensuite vers moi et je lui envoie alors un baiser de la main pour le remercier. Il détourne aussitôt la tête et quitte la chambre, puis l'appartement. Je le suis pour refermer la porte derrière lui.
Je passe ensuite la soirée et une bonne partie de la nuit à recopier les leçons qui me manquent. Lorsque je finis enfin, après plusieurs heures, ma main est endolorie et mes paupières sont si lourdes qu'elles se ferment malgré moi. Je prépare mes affaires pour demain et file sous les draps pour profiter du peu de temps de sommeil qui me reste.
Le lendemain matin, je me lève de bonne heure et file sous la douche après m'être étirée longuement. Après m'être lavée, séchée, habillée et coiffée, je prends mon petit-déjeuner, enfile ma veste et mes chaussures et quitte l'appartement. En plus du cartable habituel qui est sur mon épaule, je porte à la main un grand sac qui contient tous les cahiers d'Alex. Je compte les lui rendre ce matin, comme promis.
Lorsque j'arrive à l'école, je me mets à le chercher dans la cour de récréation, mais ne le trouve pas. Il n'est peut-être pas encore arrivé . . . Je décide de rentrer dans le bâtiment pour le chercher dans les couloirs, en espérant l'y trouver mais, malheureusement pour moi, ce n'est pas sur lui que je tombe. Au lieu d'Alex, je rencontre le même groupe de filles qui m'a embêtée dans les toilettes l'autre jour. En voyant le sac que je tiens à la main, elles essayent de l'attraper, mais je recule vivement, bien décidée à ne pas les laisser faire. Cette fois ce ne sont pas mes affaires, mais celles d'Alex. Il me les a confiées et je ne veux pas le décevoir.
Seulement, elles semblent déterminées à s'en emparer et, vexées que je leur oppose une telle résistance, elles m'encerclent. L'une d'elles m'attrape violemment par les cheveux pendant qu'une autre tire sur le sac. Je le tiens de toutes mes forces, luttant pour qu'elles ne s'en emparent pas. La troisième visiblement agaçée de ma résistance, me donne une gifle.
Elle lève encore son bras, prête à m'en donner une autre, quand une main vient attraper son poignet pour l'en empêcher. C'est Alex ! Il lui lance un regard noir et leur crie quelque chose, qui semble dissuader les filles de m'embêter plus longtemps car elles s'éloignent bien vite.
Dès qu'elles disparaissent de notre champ de vision, le jeune homme me tend sa main pour m'aider à me relever. Je la prends et une sensation de chaleur agréable envahit mon corps à son contact. Les battements de mon coeur accélèrent soudainement lorsque mon regard croise le sien. Je pose une main sur ma poitrine, en me demandant :
"Qu'est-ce qui m'arrive ?"
Alex, de son côté, se contente de prendre le sac que je m'efforçais de protéger, comprenant que ce sont ses cahiers qui s'y trouvent. Je le laisse faire et le regarde s'éloigner en m'interrogeant sur ce sentiment naissant.
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