Une visite inattendue . . .

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Le lendemain, à la fin des cours, nous nous rendons ensemble vers l'usine abandonnée. En chemin, nous passons devant l'étal d'un marchand de fruits. Je profite du fait qu'il ait le dos tourné, occupé à parler avec des clients, pour lui chiper deux pommes. Je me tourne ensuite vers Lisa et constate alors qu'elle me fixe avec un regard désapprobateur. J'ignore ce dernier et me contente de lui donner l'un des fruits. Elle le prend, mais tourne les talons et se dirige vers l'étal pour le remettre à sa place, avant de revenir tranquillement vers moi. Je soupire. Cette fille est vraiment trop gentille. Puis je hausse les épaules et croque dans ma pomme en reprenant ma marche.

Nous arrivons bientôt à l'ancienne zone industrielle et grimpons l'escalier métallique pour nous rendre sous les combles. La première chose que fait Lisa en y arrivant est de sortir ses affaires pour faire ses devoirs. Je m'installe près d'elle pour les faire aussi. De cette façon, je pourrai copier sur elle pour les questions trop complexes à résoudre.

En remarquant que je suis en train de tricher, la jeune fille prend un faux air indigné et me donne un coup de coude taquin en riant. Elle ne réalise pas qu'elle vient d'aviver la douleur de ma blessure, qui enfle et devient rouge, mais comme c'est encore supportable je ne lui en fais pas la remarque et me contente de sourire, touché par sa gaieté. J'aime la voir rire.

Nous finissons ensuite nos exercices et, dès qu'ils sont achevés, la jeune blonde me rappelle ma promesse en écrivant sur son cahier :

"Tu as accepté de m'apprendre à parler, hier soir . . ."

"C'est vrai et je vais le faire de suite, mais il faudra que tu continues à m'apprendre la langue des signes ensuite."

Elle hoche la tête et je réfléchis donc à la manière dont je pourrais lui enseigner la parole. C'est vrai que ce n'est pas évident car cet apprentissage se base avant tout sur l'écoute, chose dont elle est malheureusement incapable. Il faut donc trouver un autre moyen . . .

Après quelques minutes de réfléxion, je décide de lui expliquer la théorie de la prononciation des lettres et des mots et de me baser sur la reproduction visuelle : j'articulerai bien distinctement chaque syllabe pour qu'elle soit capable de reproduire le mouvement de mes lèvres. Je ne sais pas si ce sera efficace, mais c'est tout ce que je peux faire. De toute façon, on verra bien ce que ça donne en essayant. Comme elle le fait avec moi en m'enseignant la langue des signes, je commence par les mots de base. Je prononce bien distinctement :

- Bon . . . jour.

Le son qu'elle sort de sa bouche est complètement incompréhensible et ne ressemble à aucun mot existant. Je prends mon cahier et tente de lui expliquer tant bien que mal par écrit la façon dont elle doit procéder pour prononcer ce mot, mais comment expliquer clairement à quelqu'un quelque chose qui est si naturel et évident pour soi-même ?

Je me sens frustré de ne pas être capable de lui expliquer correctement un concept aussi simple et Lisa remarque sans doute ma nervosité car elle pose doucement sa main sur la mienne. J'arrête aussitôt d'écrire et me tourne vers elle. Elle m'offre un sourire de réconfort, puis pose sa main sur mes lèvres. Je me fige, ne comprenant pas pourquoi elle pose sa main sur ma bouche. Lisa écrit alors sur le cahier :

"Prononce encore ce mot. Sentir le mouvement de tes lèvres et la vibration de l'air que provoque ta voix m'aidera peut-être à mieux reproduire ces sons."

Je commence donc à répéter doucement le mot "Bonjour", en articulant bien distinctement chaque syllabe. Lisa ferme ses yeux pour se concentrer et mieux percevoir chaque mouvement et chaque vibration. Ensuite, sans quitter mes lèvres de sa main, elle pose l'autre sur les siennes et essaye de reproduire correctement les sons qui sortent de ma bouche.

Ça semble marcher car, bien que la prononciation ne soit pas parfaite, elle s'améliore de plus en plus au fil du temps. Finalement, au bout de plusieurs minutes d'efforts, elle est enfin capable de dire ce mot de façon compréhensible, bien que la manière dont elle le dit sonne bizarre.

Je la félicite en levant un pouce en l'air pour l'encourager à poursuivre ses efforts. Elle me sourit en retour, ravie d'avoir réussi. Ça demandera sans doute pas mal de temps, mais je suis sûr qu'elle sera capable de communiquer par la parole un jour. J'en suis content pour elle. Ça lui facilitera la vie, surtout sociale.

Je suis sur le point de lui demander de continuer à m'apprendre la langue des signes, quand j'entends des bruits venant des étages inférieurs. Je colle mon oreille au plancher pour écouter et ce que j'entends ne me rassure pas du tout :

- Les mains en l'air, ne bougez pas ! Fouillez-les !

Après quelques minutes, une autre voix retentit :

- Chef, on a trouvé de la drogue sur eux. Ils sont bel et bien liés à ce trafic.

- Passez-leur les menottes ! On les emmène au commissariat. Et fouillez-moi ce bâtiment de fond en comble pour voir s'ils n'ont pas des complices ou ne cachent pas autre chose.

- Entendu.

Et mince ! C'est pas vrai ! Ces abrutis ont attiré la police ici ! Et vu qu'ils comptent fouiller l'intégralité du bâtiment, ils ne vont pas tarder à arriver ici ! Il faut qu'on se tire, et vite !

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